EN BREF : dans un arrêt en date du 19 décembre 2019, le Conseil d’Etat considère que l’administration peut muter d’office un agent victime de harcèlement moral si elle justifie n'avoir pu prendre, pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent, aucune autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.


Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but.

Lorsqu'une telle mesure est contestée devant lui par un agent public au motif qu'elle méconnaît l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, il incombe d'abord au juge administratif d'apprécier si l'agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral.

S'il estime que tel est le cas, il lui appartient, dans un second temps, d'apprécier si l'administration justifie n'avoir pu prendre, pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent, aucune autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.

SOURCE : Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 19/12/2019, 419062, Publié au recueil Lebon

JURISPRUDENCE :

Sur l'appréciation de la qualification de harcèlement moral :

« Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. »

Conseil d'État, Section du Contentieux, 11/07/2011, 321225, Publié au recueil Lebon

Lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination :

Conseil d'État, Assemblée, 30/10/2009, 298348, Publié au recueil Lebon (Mme Perreux)

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mai 2009, 07-43.112, Inédit  (M. Bosvy c/ Institut français du textile et de l'habillement)

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 avril 2009, 07-43.219, Publié au bulletin (M. Canario c/ Société MB Peinture)

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mai 2009, 07-44.102, Inédit (Mme Lisee c/ M. Gimel)

Dans le cas où un comportement vexatoire de l'administration à l'encontre d'un agent sur une longue durée constitue, indépendamment des dispositions de la loi du 17 janvier 2002 prohibant le harcèlement moral dans la fonction publique, une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration :

Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 24/11/2006, 256313, Publié au recueil Lebon (Mme Baillet)

Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 24/11/2006, 256313, Publié au recueil Lebon

S'agissant de l'obligation de résultat assignée à l'employeur en matière de harcèlement moral et s'agissant de l'absence de caractère exonératoire d'une faute de la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur :

Cour de Cassation, Chambre sociale, du 21 juin 2006, 05-43.914, Publié au bulletin (M. Balaguer c/ AGS CGEA Toulouse)