OUI : dans son arrêt en date du 11 juin 1999, le Conseil d’Etat Une ordonnance rejetant une requête au motif que celle-ci est dépourvue de l’exposé des faits et moyens ne fait pas obstacle, pour un motif tiré de l’autorité de la chose jugée, à ce que le requérant puisse présenter une seconde requête dûment motivée ayant le même objet que la précédente, cette seconde requête ne reposant pas sur la même cause juridique.


CONSEIL : un particulier sans avocat qui dépose une requête a donc intérêt à faire en même temps qu’il dépose sa requête une demande d’aide juridictionnelle afin de conserver les délais de recours contentieux pour introduire une deuxième requête de régularisation par avocat cette fois motivée dans le cas où la première serait rejetée pour absence d’exposé des faits et des moyens. En l’espèce, la première requête non motivée étant dépourvue de l'exposé des faits et des moyens elle ne reposera forcément pas sur la même cause juridique que la deuxième requête dûment motivée par l’avocat.

Une demande d'A.J. interrompt le délai de régularisation d'une requête. Dans un arrêt du 11 octobre 2006, le Conseil d'Etat a rappelé qu'une demande d'aide juridictionnelle avait pour effet d'interrompre le délai prescrit par une juridiction administrative pour la régularisation d'une requête. En cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, un nouveau délai de régularisation court à compter de la notification de ce rejet et durant ce délai, dont la durée est fixée par la mise en demeure, la juridiction ne peut, sans méconnaître les règles générales de procédure applicables devant elle, statuer sur la requête dont elle a été saisie.

Conseil d'Etat, 11 octobre 2006, Mme A., requête n° 282107, mentionné aux Tables du Recueil Lebon

De plus, le recours contre un refus d'AJ proroge également le délai de régularisation d'une requête.

Dans un arrêt en date du 2 mars 2011 , le Conseil d'Etat précise que le recours régulièrement formé par M. A contre ce refus le 28 mai 2009 devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a eu pour effet de proroger de nouveau le délai pour se pourvoir en cassation.

Ainsi, le délai de deux mois qui a commencé à courir à compter du 15 septembre 2009, date de réception par l'intéressé de la notification de la décision du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, n'était pas expiré le 21 octobre 2009, date à laquelle le requérant a présenté un mémoire motivé régularisant son pourvoi au regard des prescriptions de l'article R.411-1 du code de justice administrative. Dès lors, la fin de non-recevoir doit être écartée.

Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 02/03/2011, 322818.


En l’espèce, par une ordonnance du 23 octobre 1995, le président de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. X..., enregistrée le 15 février 1995, tendant à l'annulation du jugement du 21 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nancy avait rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 mars 1994 du maire de Nancy le révoquant de ses fonctions, au motif que cette requête ne comportait pas l'exposé des faits et des moyens et qu'ainsi, faute de satisfaire aux exigences de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur à l’époque, elle était entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance.

Cependant, dès le 16 février 1995, M. X... a présenté une demande d'aide juridictionnelle qui lui a été accordée le 8 décembre 1995, soit après l'intervention de l'ordonnance du 23 octobre 1995.

M. X... a présenté le 7 février 1996, soit dans le délai du recours contentieux courant à compter de la notification du jugement du tribunal administratif, interrompu du fait de l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle, une nouvelle requête ayant le même objet que la première.

Par une seconde ordonnance du 17 avril 1996, le président de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté cette nouvelle requête au motif qu'en rejetant la première requête par ordonnance du 23 octobre 1995, le juge d'appel avait épuisé sa compétence et qu'il ne pouvait être donné suite à la nouvelle requête de M. X...

Aux termes du premier alinéa de l’article L.9 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, dans sa rédaction issue de la loi du 8 février 1995 en vigueur à l’époque : « Les présidents de tribunal administratif, les présidents de cours administratives d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel peuvent, par ordonnance, donner acte des désistements, rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence des juridictions administratives, constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur une requête, rejeter les conclusions entachées d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance, statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l’article L. 8-1 du présent code ou la charge des dépens ainsi que sur les requêtes relevant d’une série, qui présentent à juger en droit ou en fait, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu’elles ont déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée. »

La deuxième requête de l’avocat de M. X… dans le cadre de l’aide juridictionnelle, enregistrée le 7 février 1996 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, a été introduite dans le délai du recours contentieux en raison de l’interruption de ce délai par la demande d’aide juridictionnelle susmentionnée.

L'ordonnance du 23 octobre 1995 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la première requête de M. X... se fonde sur la constatation que cette requête est dépourvue de l'exposé des faits et moyens.

Dans son arrêt en date du 11 juin 1999, le Conseil d’Etat considère qu’ainsi cette première ordonnance ne repose pas sur la même cause juridique que la seconde requête de M. X... qui, introduite dans le délai du recours contentieux par l'avocat dont le requérant s'est assuré le ministère après que sa demande d'aide juridictionnelle eut été accueillie, était dûment motivée conformément aux prescriptions de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Dès lors, en l'absence d'identité de cause, l'ordonnance du 23 octobre 1995 ne saurait être regardée comme faisant obstacle, pour un motif tiré de l'autorité de la chose jugée, à ce que M. X... puisse présenter au juge d'appel une seconde requête ayant le même objet que la précédente.

SOURCE : Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 11 juin 1999, 185169, mentionné aux tables du recueil Lebon (Grabias)