L’indemnisation de la victime d’un accident de la circulation et la mise en œuvre de la convention IRCA.
La convention IRCA, contrat conclu entre assureurs, aurait pour objectif de faciliter l’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation.
Elle mettrait ainsi en place un process permettant une indemnisation plus rapide en procédant à :
§ La désignation d’un assureur mandaté,
§ La répartition de la charge de l’indemnisation entre les assureurs signataires,
§ La mise en place d’un dispositif de règlement des litiges entre assureurs
Présentée comme facilitant l’indemnisation de la victime, elle lui est pourtant bien souvent préjudiciable. Quant est-il également de l’opposabilité des expertises lorsque la phase amiable a échoué ?
Par principe, la convention IRCA ne devrait être mise en œuvre que lorsque le déficit fonctionnel permanent prévisible (ci-après DFP) est susceptible d’être inférieur ou égal à 5 %. Au-delà, ce sont les règles de droit commun qui retrouvent à s’appliquer. Toutefois, cette règle n’est pas strictement appliquée et est à l’origine de certaines difficultés.
Lorsque la convention s’applique, l’assureur qui s’est vu confier le mandat d’instruction du dossier devient le correspondant des différentes parties en cause.
Il conduit la procédure transactionnelle jusqu’au règlement de l’indemnité dans le respect des formalités édictées par la loi Badinter.
Cela implique qu’il transmette aux autres assureurs impliqués la totalité des informations en sa possession tout au long de l’avancement du dossier sans oublier de solliciter l’autorisation de la victime lorsque les informations portent sur la situation médicale…
Dès lors qu’un déficit fonctionnel permanent est prévisible, une expertise doit obligatoirement être mise en place étant précisé que la mission est imposée à la victime et est réalisée par un médecin conseil choisi par l’assureur qu’elle peut toutefois refuser.
Si au cours des opérations d’expertise, le DFP prévisible passe au-dessus de 5%, l’assureur du tiers responsable doit reprendre le mandat avec toutes les conséquences que cela implique pour la victime (nouvel interlocuteur, transfert du dossier dans le respect du secret médical, nouvelle expertise…)
Des écueils peuvent également être formulés s’agissant de l’offre formulée à la victime puisque la convention permet aux assureurs d’effectuer des recours entre eux suivant des règles spécifiques.
D’une part, et lorsque le DFP est inférieur ou égal à 5%, l’interlocuteur de la victime est alors son assureur qui formulera une offre pour le compte de l’assureur responsable…
D’autre part, et lorsque le DFP est évalué entre 1 et 5 %, les postes de déficit fonctionnel temporaire et permanent, les souffrances endurées et le préjudice esthétique permanent, non évaluable comptablement, font l’objet d’un recours encadrés et les indemnités versées à l’assureur sont situées entre une valeur plancher et une valeur plafond. Il est alors légitime de s’interroger sur le respect du principe de la réparation intégrale par l’assureur dans l’évaluation des préjudices de la victime.
Enfin, et en cas d’échec du processus amiable, la victime n’aura d’autres choix que d’attraire devant la juridiction judiciaire l’assureur du tiers responsable.
Quand est-il alors de l’expertise mise en place dans le cadre de cette convention ?
La victime est- elle contrainte de solliciter la mise en œuvre d’une expertise judiciaire avec toutes les conséquences morales et matérielles que cela implique pour elle ?
Plusieurs hypothèses sont à préciser.
Dès lors que le déficit fonctionnel permanent est inférieur ou égal à 5 %, les conclusions médicales ne peuvent être contestées par les autres assureurs et cela s’applique également lorsque l’assureur reprend le mandat en cours.
La Cour d’Appel d’Aix en Provence a, en effet, considéré que :
« […] En l’espèce, compte tenu des blessures dont M.B a souffert, un déficit fonctionnel permanent était prévisible, de sorte que la société SMACL n’avait d’autre choix que de désigner un expert amiable.
Cette expertise est donc opposable à la société MAPA qui a ensuite repris le mandat d’indemnisation et qui a, tout au long du processus amiable, été informée par l’assureur mandaté de l’avancement du dossier et de la nature et la gravité des blessures.
En effet, sauf à anéantir l’efficacité du processus amiable d’indemnisation destiné à accélérer l’indemnisation de la victime, l’assureur qui reprend un mandat en cours ne saurait, au seul motif qu’il n’a pas participé à l’expertise mise en place par l’assurance mandaté, solliciter du juge, lorsque l’indemnisation entre dans une phase judiciaire, le rejet pur et simple de cette expertise réalisée au contradictoire de l’assureur mandaté par les autres assureurs. » (Chambre1-6 22 juin 2023 RG 21/10566)
Lors que le taux de DFP est supérieur à 5 %, la convention précise que :
- Les conclusions de l’expert ne sont pas contestables lorsque le taux est fixé entre 6 et 10 % dès lors que l’assureur, informé des opérations, n’a pas souhaité participer aux opérations d’expertise alors qu’il y était invité ;
- Lorsque le taux est supérieur à 10%, le rapport d’expertise est, en tout état de cause, inopposable à l’assureur.
La Cour d’Appel de Douai a rappelé la mise en œuvre de ces différentes règles :
« "La convention Irca définit les règles de détermination de l'assureur mandaté pour accomplir auprès de la victime les formalités découlant de l'application des articles L. 211-9 alinéa 2 et suivants du code des assurances. Son article 2.1.1, a, stipule ainsi que si la victime, passager ou conducteur, se trouvait avant l'accident, dans ou sur un VTM assuré auprès d'une société adhérente, le mandat est attribué à l'assureur de ce véhicule.
A ce titre, il appartient à l'assureur mandaté de recourir à une expertise , laquelle est obligatoire en cas de déficit fonctionnel permanent prévisible.
La mission d' expertise médicale, annexée à la convention , est celle fixée par l'Aredoc.
En application de son article 2.2.4 intitulé « opposabilité des conclusions entre assureurs », les conclusions médicales ne peuvent être contestées par les autres assureurs si le déficit fonctionnel permanent retenu est inférieur ou égal à 5 %, alors qu'elles sont incontestables en cas de déficit fonctionnel permanent compris entre 6 et 10 % dès lors que les assureurs adverses n'ont pas souhaité participer à l' expertise bien que l'assureur mandaté les y avait invités et qu'au-delà d'un déficit fonctionnel permanent de 10 %, les conclusions de l'expert peuvent être contestées.
Pour autant, cette convention Irca n'est applicable qu'aux situations dans lesquelles la victime subit un taux de déficit fonctionnel permanent inférieur ou égal à 5 %. Au-delà de ce taux, les règles de droit commun de l'indemnisation sont applicables.
Enfin, lorsqu'il résulte de l' expertise amiable que le taux de déficit fonctionnel permanent est supérieur à 5 %, l'assureur du véhicule impliqué a l'obligation de revendiquer le mandat et se substitue alors à l'assureur direct de la victime.
Si l'assureur substitué s'engage alors à se conformer aux mesures et aux accords éventuellement déjà pris à l'égard de la victime et des tiers payeurs et à rembourser à l'assureur substitué les sommes ou provisions déjà versées, son droit de contester les conclusions de l'expert demeure toutefois entier dès lors que le déficit fonctionnel permanent est supérieur à 10 %."(Cour d'appel, Douai, 3e chambre, 10 Octobre 2024 – n° 23/05388)
Enfin, la victime n’étant pas partie à la Convention IRCA, cette dernière lui est inopposable et elle doit, en conséquence, indépendamment du taux du DFP retenu, initiée son action à l’encontre de l’assurance du tiers responsable. (Tribunal judiciaire, Bobigny, 21e chambre, 5 Février 2025 – n° 21/12595)
En conclusion, présentée comme un gage de rapidité, la mise en œuvre de la convention IRCA, au regard de ses nombreuses lacunes, ne garantit pas à la victime une indemnisation amiable rapide et peut, dans certains cas, lui être fortement préjudiciable.


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