On ne va pas se mentir : il y a des dossiers qui ne sentent pas bon. C’était le cas de ce celui-ci où un jeune couple, venant de faire l’acquisition d’un pavillon dans le but d’y fonder une famille, avait confié à une entreprise la réalisation d’une surélévation pour 97.000 €. Soucis : - l’entreprise elle avait certes souscrit une assurance de garantie décennale (pour la maçonnerie), mais pas pour une partie des travaux défectueux (la couverture et la charpente) ; - elle avait commis de telles malfaçons qu’il y en avait pour 196.000 € de reprises ; - elle avait sollicité et obtenu, immédiatement après avoir fauté, le bénéfice d’une procédure de liquidation judiciaire. À première vue, il semblait périlleux de leur conseiller de se lancer (ils auraient obtenu un beau jugement qu’ils n’auraient jamais réussi à convertir en monnaie sonnante et trébuchante). C’était cependant sans compter sur l’article L. 223-22 du code de commerce qui dispose notamment que « Les gérants sont responsables […] soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ». Le fait de ne pas souscrire l’assurance de garantie décennale constitue une faute de gestion engageant la responsabilité personnelle du gérant de la société de travaux : je suis donc parvenu à obtenir un jugement en ce sens du Tribunal Judiciaire de BOBIGNY (21 février 2022, RG n°21/05303) condamnant le gérant à titre personnel à payer 156.000 € au titre de sa responsabilité (l’assureur étant pour sa part condamné à régler les 40.000 € manquants destinés à réparer les désordres affectant la maçonnerie). La motivation mérite citation :

"Ainsi la faute du dirigeant qui devait assurer, s’agissant d’une assurance obligatoire et dont le défaut constitue une infraction pénalement réprimée, son entreprise pour la totalité des travaux qu’elle effectuait est avérée. Cette faute est d’une particulière gravité et séparable de ses fonctions de gérant. Il ne peut en rien s’en exonérer en arguant de la connaissance de ce fait par les maîtres de l’ouvrage alors que, particulièrement vigilants sur ce point, ils lui avaient demandé, dans deux courriels produits, de souscrire l’assurance idoine".