Construction : on ne laisse pas la notion de dommage intermédiaire dans un coin !
Et on ne juge pas la mièvrerie de mes références cinématographiques !
Quand il constate un désordre, un maître d’ouvrage fonde souvent sa demande sur la garantie décennale.
C’est un réflexe insuffisant car cette garantie n’a rien d’automatique (encore faut-il que le désordre compromette la solidité de l’ouvrage ou le rende impropre à sa destination).
C’est le classique « c’est esthétique ! » souvent entendu en expertise judiciaire.
La prudence commande d’invoquer systématiquement la responsabilité contractuelle (notion de dommage intermédiaire) à titre subsidiaire.
Elle implique de démontrer une faute, mais pas une gravité particulière de désordre.
J’ai récemment obtenu une belle illustration de ce conseil.
Dans ce dossier, je représentais une copropriété qui avait fait refaire l’intégralité de ses balcons. Après apparition de désordres, elle avait assigné en référé-expertise dans les dix ans de la réception et obtenu un rapport concluant au caractère fuyard du système d’étanchéité liquide.
En première instance, mon prédécesseur avait invoqué la garantie décennale. Insuffisant : selon le Premier Juge, « il n'[était] pas établi que le défaut d’étanchéité des balcons a[vait] provoqué des infiltrations à l'intérieur des appartements, toute atteinte à la destination de l'immeuble est exclue ».
En appel, j’ai tenté de renverser la vapeur. En vain : la Cour d’Appel a considéré que « le désordre n’est pas de nature décennale » car « aucune atteinte à la solidité n'est établie, ni aucune impropriété des balcons à leur usage ».
À titre subsidiaire, j’ai soulevé que l’entreprise et l’architecte avaient engagé leurs responsabilités contractuelles (notion de dommages intermédiaires) en commettant des fautes (le système d’étanchéité liquide n’était pas assez épais ; personne n’avait conseillé de lui adjoindre un carrelage contribuant à l’étanchéité ; absence d’essais d’adhérence).
Ce n’était pas une demande nouvelle : c’était un moyen nouveau recevable au visa de l’article 563 du code de procédure civile.
La Cour, statuant à nouveau, a considéré que « les responsabilités contractuelles pour faute de [la société] et de [l’architecte] [étaient] engagées à hauteur de la moitié chacune » et les a condamnés, eux et leurs assureurs, à régler plus de 200.000 €.
L’indemnisation de cette copropriété est donc passée de 0 € à 200.000 € simplement en invoquant ce fondement juridique supplémentaire : pensez-y la prochaine fois qu’on vous conteste la mobilisation de la garantie décennale !
Avocat titulaire d'un certificat de spécialisation en Droit immobilier
Compétences : Droit immobilier
Barreau : Hauts-de-Seine
Adresse : 28 boulevard Verd de Saint Julien 92190 MEUDON
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