Assister à une audience civile ou tenue par le Juge aux affaires familiales peut être tout aussi difficile pour le justiciable que devant une juridiction pénale.

Avec la tension naturelle que peut ressentir la personne qui voit juger son affaire après plusieurs semaines et parfois plusieurs mois d'échanges avec la partie adverse, cette étape peut représenter une véritable épreuve.

Parfois, le justiciable est mis à plus rude épreuve encore lorsque l'Avocat, de l'autre côté, croit pouvoir tirer un avantage de la présence de son adversaire peu habitué des prétoires, même assisté par l'un de ses confrères, et s'efforce ainsi de le décontenancer par les propos qu'il tient, son art oratoire, par des gestes ou même parfois par des provocations à peine voilées.

Combien de justiciables sont alors tentés de réagir, d'intervenir, de couper la parole à celui qui intervient, voire de le tancer ?

Mais cela ne se fait pas : une audience civile respecte un certain nombre de règles fixées non seulement par les usages de la vie en société, mais aussi par la loi et plus précisément par le Code de procédure civile.

En premier lieu, il convient de rappeler que le Juge chargé d'écouter les plaidoiries dispose en quelque sorte de la police de l'audience : l'article 438 du Code de procédure civile dispose que "le président veille à l'ordre de l'audience. Tout ce qu'il ordonne pour l'assurer doit être immédiatement exécuté. Les juges disposent des mêmes pouvoirs sur les lieux où ils exercent les fonctions de leur état".

Ainsi, le Juge peut décider, avant même que l'affaire soit évoquée, ou au cours des débats, que ceux-ci auront lieu ou se poursuivront en "chambre du conseil" (c'est à dire de façon non publique où il est procédé hors la présence du public) s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à l'intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la Justice (article 435 du Code de procédure civile).

Quoi qu'il advienne, il convient de rester calme et courtois à l'audience, y compris si celle-ci est publique et qu'on vient simplement y accompagner un tiers dont l'affaire est évoquée : l'article 439 du Code de procédure civile précise que "les personnes qui assistent à l'audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la Justice. Il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d'approbation ou de désapprobation, ou de causer du désordre de quelque nature que ce soit".

Et si la règle n'est pas respectée, le texte ajoute que "le président peut faire expulser toute personne qui n'obtempère pas à ses injonctions, sans préjudice des poursuites pénales ou disciplinaires qui pourraient être exercées contre elle".

Le mot "disciplinaire" laisse comprendre que la règle vaut pour tous, y compris pour les auxiliaires de Justice que sont les Avocats sur lesquels pèsent en outre des règles déontologiques instaurées par le Règlement Intérieur National de la Profession d'Avocat*.

Et attention, si le perturbateur ne défère pas aux injonctions du Juge, il pourra éventuellement encourir des poursuites pour l'infraction d'outrage prévue et réprimée à l'article 433-5 du Code pénal.

Par ailleurs, il est malvenu, pour un justiciable, de couper la parole à son contradicteur car selon la règle, chacun est invité tour à tour à exposer ses prétentions : le demandeur d'abord, puis le défendeur et ce, sous le contrôle du Président de l'audience qui dirige les débats (article 440 alinéas 1 et 2).

Il est également malvenu, lorsqu'on se voit donner l'autorisation d'intervenir, de monopoliser la parole ; le texte précise que "lorsque la juridiction s'estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense".

Il convient donc de ne point trop être bavard et si une partie l'est, elle pourra se voir interrompre par le Juge qui, de son côté, devra veiller à ce que les débats soient équilibrés, ne serait-ce que pour les temps d'intervention.

Le plus difficile est peut-être pour le justiciable qui est assisté de son Avocat dans certaines procédures où la représentation par Avocat est obligatoire, car en théorie, seul l'Avocat a la parole.

Il faut savoir que la loi a quand même prévu que "dans les cas où la représentation est obligatoire, les parties, assistées de leur représentant, peuvent présenter elles-mêmes des observations orales" (article 441 alinéa 1 du Code de procédure civile).

Le Juge peut donc les entendre, en sus de la plaidoirie de leur Avocat, mais a également "la faculté de leur retirer la parole si la passion ou l'inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire" (article 441 alinéa 2 du Code de procédure civile).

Il faut du reste noter que les propos tenus par le justiciable, dans le cas où la représentation par Avocat est obligatoire, ne peuvent éventuellement être considérés par le Juge qu'à la condition qu'ils concernent bien l'affaire et qu'ils ne s'éloignent pas des écritures (les "conclusions") prises par l'Avocat.

Dans ces procédures avec représentation obligatoire, le Juge et les parties sont tenues par ces écritures qui auront déjà été l'objet d'une communication en temps utile soumise, pour ce qui concerne ne serait-ce que le Tribunal de Grande Instance, au contrôle du juge de la mise en état chargé, conformément à l'article 763 du Code de procédure civile, "de veiller au déroulement loyal de la procédure".

Alors oui, on peut concevoir qu'assister à l'audience à laquelle son affaire est évoquée peut s'avérer préoccupant pour le justiciable qui aura peut-être envie, une fois les débats terminés, de les prolonger en écrivant au Juge pour insister sur tel ou tel point qu'il aura oublié de préciser ou sur lequel il pensera avoir insuffisamment attiré son attention.

Mais ce serait une erreur car selon l'article 445 du Code de procédure civile, "après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président" si celui-ci invite les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur ou encore s'il ordonne la réouverture des débats dans le cas où les parties n'auraient pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

Il existe, pour celui qui fréquente la Justice, une obligation de réserve consacrée par l'article 24 du Code de procédure civile qui dispose : "les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la Justice. Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements".

Ainsi, la bonne attitude à tenir à une audience consiste donc à conserver en toute circonstance sang-froid, patience et courtoisie, ce qui ressemble finalement beaucoup au conseil que l'on peut donner en toutes circonstances...

 

* extraits du Règlement Intérieur National de la Profession d'Avocat :

1.3 Respect et interprétation des règles : Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l'avocat en toutes circonstances. L'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence.

1.4 Discipline : La méconnaissance d'un seul de ces principes, règles et devoirs, constitue en application de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire.