Il est d’usage de dire que l’avocat, le prêtre et le médecin sont les trois confesseurs qui sont ainsi tenus de garder le secret absolu des révélations qui leur sont faites.
Émile Garçon, un célèbre juriste du XIXème siècle, professeur de droit criminel et de législation pénale comparée, avait pu dire à cet égard : « le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l'avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient assurées d'un secret inviolable. Il importe donc à l'ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans condition ni réserve, car personne n'oserait plus s'adresser à eux si l'on pouvait craindre la divulgation du secret confié. Ce secret est donc absolu et d'ordre public ».
Le secret professionnel de l'avocat est constitutif d'une garantie fondamentale dans une société démocratique, sans lequel les droits de la défense ne seraient pas effectifs.
Le secret des échanges entre un avocat et son client est inaliénable : l’avocat, en toute matière, ne doit commettre aucune divulgation qui puisse contrevenir au secret professionnel et c’est là une obligation absolue consacrée par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui sanctuarise ce secret.
Le secret de l’avocat est également prévu aux articles 4 et 5 du décret 12 juillet 2005, et aux articles 2, 2 bis et 3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat
L’article 226-13 du Code pénal sanctionne cette obligation en faisant encourir une peine d'un an d'emprisonnement et de 15.000,00 € d'amende.
Ainsi, révéler un secret exposerait l’avocat non seulement à une sanction pénale mais aussi à une sanction disciplinaire.
L’avocat échappe à l’obligation de dénonciation de l’article 434-1 du Code pénal, lequel article dispose : « Le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45.000,00 € d'amende.
Sont exceptés des dispositions qui précèdent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs :
1° Les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et sœurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du complice du crime ;
2° Le conjoint de l'auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui.
Sont également exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13 ».
On peut donc presque tout confier à un avocat avec la certitude que celui-ci ne révèlera jamais ce qui lui aura été révélé mais évidemment, le secret professionnel n’immunise pas l’avocat et si celui-ci participe à l'infraction commise par son client, alors il risque aussi une sanction.
Ces dernières années, le législateur a cependant affaibli la portée du secret professionnel.
Ce principe intangible du secret est ainsi modéré dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et l’avocat est soumis à une obligation générale de prudence et de vigilance qui lui impose en toutes circonstances d’identifier précisément son client, de déterminer le bénéficiaire effectif de l’opération juridique pour laquelle il est sollicité, d’apprécier la nature et l’étude de cette opération et de s’abstenir d’intervenir s’il n’est pas en mesure de faire cette appréciation, notamment quand le client ne vient pas en personne le rencontrer ou réside à l’étranger et se trouve politiquement exposé.
L’avocat est également tenu d’une obligation de déclaration de soupçon lorsqu’il représente son client pour la réalisation d’une opération immobilière ou financière ou s’il l’assiste pour l’une des opération d’ingénierie juridique ou financière évoquée plus haut et qu’il n’a pas de certitude sur sa licéité.
Dans un tel cas, il doit en référer à son bâtonnier.
La loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 a permis que les avocats soient placés sur écoute par les services de renseignements.
De même, par décision du 24 juillet 2015 (n° 2015-478 QPC), le Conseil constitutionnel a été amené à considérer qu'aucune « disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats ».
Mais si malgré tout, le secret professionnel de l'avocat reste encore solide, il a récemment subi un nouveau coup assez malsain.
Un amendement au projet de loi pour « la confiance dans l’institution judiciaire » adopté le jeudi 21 octobre dernier en commission mixte paritaire, l’instance composée de sept députés et sept sénateurs chargés de trouver un compromis sur un texte en cas de désaccord entre les deux chambres, prévoit que le secret professionnel pourrait être levé si des infractions de nature financière sont soupçonnées.
Sont visés la fraude fiscale, le financement du terrorisme, la corruption, le trafic d'influence ainsi que le blanchiment de ces délits.
Cet amendement est plutôt imprécis et rend sa portée difficile à comprendre puisque le texte vise notamment « les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l'avocat ou son client » qui établiraient « la preuve de leur utilisation » pour commettre une infraction.
Mais le second alinéa du texte est plus simple mais beaucoup plus dangereux car il prévoit que le secret professionnel est levé dès que l'avocat « fait l'objet de manœuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission ou la poursuite ou la dissimulation d'une infraction » et dans cet alinéa, le type d'infraction n'est plus précisé, ce qui fait qu'on peut envisager que tout est susceptible d'entrer dans cette définition.
Dès qu'un avocat prodiguera un conseil, on risquera de présumer qu'il aura pu participer, à son insu, à la commission d'une infraction, il pourra être perquisitionné et ses dossiers pourront être saisis.
A priori, les activités contentieuses des avocats ne sont pas concernées par cette évolution de la loi mais la frontière entre les deux est fort perméable car un conseil peut générer ensuite un contentieux.
Ce texte ouvre la porte à une vraie insécurité juridique car le client risque de ne plus accorder sa confiance à l’avocat qui ne pourra plus lui assurer le secret professionnel qui est pourtant une garantie des intérêts des droits de la défense.
La profession d'avocat se mobilise pour s'opposer à cette nouvelle atteinte au secret professionnel pour que le secret de l’avocat demeure le plus possible celui défini par Emile Garçon et qu’en la plupart des circonstances, l’avocat reste un coffre-fort inviolable.
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