On m'a remis il y a quelques temps une correspondance de 1969 qu'avait pu envoyer mon grand-père, qui était alors Avoué de première instance à ARRAS, à l'une de ses clientes pour lui adresser l'ordonnance qui avait été rendue par un Juge. Cette cliente était alors bénéficiaire de l'aide juridique.
L'enveloppe contenant cette correspondance ne porte pas de timbre postal et à la place de celui-ci est simplement noté "A.J." avec la date de la décision ayant accordé cette aide à la cliente.
J'avais entendu parler de cette possibilité qu'ont pu avoir les Avocats, dans le temps, de ne pas affranchir les correspondances qu'ils adressaient à leurs clients bénéficiaires de l'aide juridique (devenue aide juridictionnelle en 1991).
En fait, l'histoire de la franchise postale en matière d'aide judiciaire semble se perdre dans le temps.
L'aide juridique a été créée par la loi du 22 janvier 1851 sur l'assistance judiciaire, qu'il était possible d'accorder aux indigents, à une époque où le timbre postal venait à peine de naître en France.
Dans le passé, la franchise postale a beaucoup bénéficié à l'Etat, aux militaires en campagne et pour toute une série de domaines divers à l'époque tenus à jour par le service de la Poste dans ses manuels de franchise postale.
Difficile de retrouver les textes qui auraient ainsi permis aux Avoués (et aux Avocats) de bénéficier de cette franchise postale ; on a pu me citer une loi du 9 avril 1898, puis une autre du 15 juillet 1931 qui l'aurait concernée plus ou moins directement mais la consultation de ces manuels de franchise postale pourrait sans doute nous en dire davantage.
Puisque cela se faisait dans le passé, qu'en est-il aujourd'hui de cette franchise postale en matière d'aide juridictionnelle ?
L'article D.73 du Code des Postes et Télécommunications (devenu Code des Postes et des communications électroniques) a limité jusqu’à 2013 les franchises postales aux correspondances ordinaires reçues par le Président de la République et à celles pour lesquelles des traités ou des lois prévoient ce régime qu'on peut retrouver ça et là mais qui n'est plus très étendu.
Le décret n° 2013-417 du 21 mai 2013 a modifié le Code et semble avoir définitivement supprimé toute franchise postale.
Or, pour l'aide juridictionnelle, l'article 40 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique précise que "l'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie. Le bénéficiaire de l'aide est dispensé du paiement, de l'avance ou de la consignation de ces frais (...)".
L'article 119 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique précise quant à lui que "(...) les frais d'affranchissement exposés à l'occasion des correspondances postales expressément prévues par la loi lorsqu'ils sont à la charge des parties (...) et, en général, tous les frais dus à des tiers en application de l'article 40 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, sont avancés par l'Etat".
Alors, puisque l'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, une forme de franchise postale des correspondances envoyées ou reçues par les Avocats de personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ne devrait-elle pas s'avérer encore possible ?
Cette question a été posée au Gouvernement en août et en septembre 2008 par Madame Marie-Line REYNAUD et Madame Martine PRINVILLE, toutes deux députées de la Charente, qui observaient qu'en vertu de l'article 119 du décret du 19 décembre 1991, l'administration postale tantôt accueillait les courriers des Avocats dépourvus de timbre et affichant la mention "franchise postale article 119 du décret du 19 décembre 1991", tantôt les rejetait.
La réponse du Ministre de la Justice, à l'une comme à l'autre a cependant été identique et claire : l'article 119 a un champ d'application limité qui permet de dispenser le justiciable bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, condamné aux dépens, du remboursement des frais de correspondance mentionnés à l'article R. 93 (14°) du Code de procédure pénale, ce qui correspond aux frais postaux des greffes des juridictions civiles nécessités par les actes et procédures ainsi que par l'envoi des bulletins de casier judiciaire.
Il est ainsi répondu que ces dispositions n'ont donc pas vocation à instaurer une franchise postale au profit des Avocats prêtant leur concours au titre de l'aide juridictionnelle : plus d'espoir, donc, d'économiser les timbres.
La franchise postale en matière d'aide juridictionnelle est effectivement un lointain souvenir.
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