Usage de stupéfiants et Droit

1ère publication février 2018

L'usage de produits stupéfiants est irréductiblement interdit par le droit français. Mais les conséquences de cette interdiction

sont multiples et recouvrent plusieurs situations aux conséquences très différentes. Par ailleurs les professionnels (justice et santé) constatent une recrudescence de l'usage de produits stupéfiants. Il est donc important d'expliciter les risques juridiques liés à cet usage :

1- l'usage de stupéfiants médicaux est autorisé sous contrôle médical 2- l'usage de stupéfiants récréatifs est pénalement réprimé 3- l'usage de stupéfiants est interdit en cas de conduite d'un véhicule à moteur 4- l'usage de stupéfiants peut être interdit au travail

1- Usage de stupéfiants médicaux est autorisé sous contrôle médical

Le recours à des produits stupéfiants est interdit par principe. Sauf s'il est prescrit dans un cadre médical. Encore faut-il que la prescription médicale soit sincère. Cependant, si cet usage est autorisé, il ne permet pas tout. Notamment pas la conduite de véhicules ni certaines activités professionnelles à risque.

Les informations données au patient sur les notices insérées dans les boites de médicament indiquent clairement les risques liés à la prise de ces médicaments (perte d'attention, vertige, somnolence, trouble du comportement, inhibition...). Selon le degré de danger, des pictogrammes sont clairement indiqués sur le paquet, en plus des mentions dans la notice.

Le médecin peut porter sur la prescription la recommandation de ne pas conduire. Mais il ne peut pas " retirer " le permis de conduire pendant le temps de la prescription.

La question se pose de savoir si le médecin a le droit voire a l'obligation de faire un signalement administratif, étant soumis au secret professionnel absolu. Cette question est résolue. Les soignants (médecins, infirmiers...) soumis au secret professionnel en raison de leur profession ont l'interdiction de dévoiler les éléments du dossier médical de leur patient (art. 226-13 C.Pénal).

Cependant l'article 226-14 du Code pénal a autorisé ces détenteurs de secret professionnel à informer les autorités judiciaires, médicales ou administratives dans certaines situations. Le Code Pénal vise les crimes.

Mais il existe une disposition peu connue qui permet au médecin ou à l'assistante sociale de signaler une situtation de toxicomanie à l'autorité administrative de santé : l'Agence Régionale de Santé.

Le Code de la santé publique prévoit en effet un dispositif particulier pour lutter contre les addictions aux stupéfiants: Le signalement nominatif à l'Autorité Régionale de Santé, laquelle autorité a le pouvoir légal d'enjoindre l'individu signalé à se soumettre à un examen médical ainsi qu'à une enquête sociale, et en cas d'intoxication, de l'enjoindre à suivre une cure de désintoxication.

Article L3412-1 C.S.P Le directeur général de l'agence régionale de santé peut être saisi du cas d'une personne usant d'une façon illicite de stupéfiants soit par le certificat d'un médecin, soit par le rapport d'une assistante sociale. Il fait alors procéder à un examen médical et à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l'intéressé.

Article L3412-2   Si, après examen médical, il apparaît que la personne est intoxiquée, le directeur général de l'agence régionale de santé lui enjoint d'avoir à se présenter dans un établissement agréé, choisi par l'intéressé, ou à défaut désigné d'office, pour suivre une cure de désintoxication et d'en apporter la preuve.

Article L3412-3    Si, après examen médical, il apparaît que l'état de la personne ne nécessite pas une cure de désintoxication, le directeur général de l'agence régionale de santé lui enjoint de se placer, le temps nécessaire, sous surveillance médicale, soit du médecin choisi par le directeur général de l'agence, soit d'un dispensaire d'hygiène sociale ou d'un établissement agréé, public ou privé.

 

2- Usage récréatif de stupéfiants

La détention, l'achat ou l'utilisation illicite (récréative notamment) de stupéfiants est punie par une peine de prison pouvant aller jusqu'à 10 ans de détention et d'une peine d'amende pouvant aller jusqu'à 7.500.000 €.

Article 222-37 C.Pénal : Le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 7 500 000 euros d'amende.

Est puni des mêmes peines le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, l'usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d'ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant.

Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article.

 

3- Usage de stupéfiants en condition de conduite d'un véhicule

En plus des condamnations encourues pour la détention ou l'usage de produits stupéfiants, qui suppose un certain niveau de preuves, le Code de la Route a prévu une interdiction absolue de conduite sous l'emprise de stupéfiants.

Art L 235-1 C.Route : Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4500 € d'amende.

Si la personne se trouvait également sous l'emprise d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du présent code, les peines sont portées à 3 ans d'emprisonnement et 9 000 € d'amende.

Première information : le Code de la Route s'applique à tous les conducteurs, y compris ceux qui n'ont pas de permis ou ceux qui conduisent des véhicules sans permis ! Un simple vélo suffit !

Deuxième information : Cette interdiction absolue n'est pas liée à un " taux " d'imprégnation aux produits stupéfiants comme pourrait l'être la conduite sous l'emprise d'alcool. Il n'y a pas de taux " licite " puisque par définition, le recours aux stupéfiants est interdit.

La question peut donc se poser de savoir pendant combien de temps une personne est sous l'emprise de stupéfiants. Et la réponse est étonnante : la durée d'imprégnation aux produits stupéfiants est liée à la possibilité pour les tests de détecter les molécules de produit stupéfiant. Ainsi, même si le consommateur de produits stupéfiants se considère lucide, il peut rester sous l'emprise de ces produits qui continuent à faire effet dans son sang.

 

Pendant combien de temps est-il possible de détecter le produit stupéfiant ? La réponse dépend de la manière de rechercher la présence du produit stupéfiant. Pour définir l'usage de stupéfiants, la loi retient la présence dans le sang de produits stupéfiants. Cependant les tests proposés sont soit des tests salivaires soit des tests urinaires soit des tests sanguins. Le test sanguin permet de remonter très longtemps en arrière pour détecter l'usage de produits stupéfiants. Selon les stupéfiants, le délai de détection dans le sang varie :

Type de stupéfiant     Détection
  Sang Urine Salive
Amphétamine 4j 1 à 3 j 40 - 60 h
Barbiturique Pentobarbital 2 à 4 j > 5j  
Barbiturique Secobarbital 2 à 4 j > 14 j  
Barbiturique Phenobarbital > 25 j > 8 j  
Benzodiazépines conso modérée > 25 j 3 j 40 - 60h
Benzodiazépines conso élevée > 25 j 4 à 6 j  
Buporénorphine (Subutex) 2j 2 à 6 j  
Cocaïne & Crack conso modérée 36 h 1 à 4 j 24 à 48 h
Cocaïne & Crack conso élevée   > 5 j  
MDMA 4j 1 à 2 j 40 à 60 h
Metamphétamine   1 à 3 j 40 à 60 h
Méthadone   > 5 sem 2 à 5 j
Morphine, Héroîne & Opiacées conso modérée 3 j 1 à 2 j 35 à 48 h
Morphine, Héroîne & Opiacées conso élevée   1 à 3 j  
Phencyclidine (PCP) / 5 jours / 15 jours 5 j 15 j  
TCH Canabis 24 h 1 à 3 j 18 à 24 h
TCH Canabis consommation élevée   10 à 40 j  

 

Source : www.depistage-drogue.com

Comme on le voit, la détection de l'usage de produits stupéfiants dépasse largement le temps de la consommation et de ses effets euphorisants. Et la sanction est lourde.

Pris en situation de conduite, le conducteur risque, outre l'amende (4.500 €) et la prison (2 ans) les peines complémentaires suivantes :

  • L'immobilisation du véhicule
  • La perte de 6 points sur son permis de conduire
  • La mise en fourrière immédiate du véhicule à partir de 2019

Le juge peut également ajouter à ces condamnations une peine complémentaire dont :

  • Une suspension du permis jusqu'à 3 ans maximum voire l'annulation du permis jusqu'à 3 ans maximum (récidive).
  • Une peine d'intérêt général.
  • Une peine de jours-amende
  • L'obligation de s'inscrire à un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
  • L'obligation d'effectuer un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.
  • L'interdiction de conduire certains véhicules même ceux sans permis pour une durée pouvant aller jusqu'à 5 ans.

 

4- Usage de stupéfiants au travail

Dans le cadre de l'obligation de sécurité de l'employeur sur le lieu de travail, prévue aux articles L.4121-1 et L.4122-1 du Code du Travail, l'employeur peut et parfois doit interdire l'usage des produits stupéfiants au travail.

  1. - Lorsque le salarié est appelé à conduire des engins,
  2. - Lorsque le salarié est appelé à utiliser des produits ou objets dangereux
  3. - Lorsque le salarié est affecté à une tâche particulière, dangereuse ou sensible

Ce pouvoir de l'employeur s'explique par la prise de risque collectif que supporte l'employeur. Il a une obligation de sécurité au bénéfice de tous ses salariés. Il ne peux pas prendre le risque que le comportement d'un d'entre eux entraîne un dommage, fut-ce à lui même.

Ce risque est avéré. J'ai souvenir d'un commissionnaire de transports qui ne comprenait pas pourquoi les lettres de transport par avion (LTA) étaient toutes erronnées l'après-midi. Jusqu'à ce que nous découvrions qu'un des salariés concluait son repas par un joint... Sa tâche de l'après midi était systématiquement erronnée, et l'entreprise perdait de l'argent.

L'employeur a le droit de mettre en place un règlement intérieur imposant au salarié de passer un test de détection salivaire avant de prendre son travail, ou à tout moment à la demande du responsable de la sécurité ou des ressources humaines. En cas de détection positive, ou en cas de refus de se soumettre au test de dépistage, le salarié pourra être mis à pied à titre conservatoire en attente d'une décision disciplinaire. Il aura le droit de contester la décision de mise à pied. Il devra alors produire un test urinaire ou sanguin dans les délais requis par l'employeur (en général une semaine) ou justifier des raisons du dépistage positif (médicaments).

 

La conclusion est prévisible: La consommation de produits stupéfiants est un danger pour la société. C'est également un danger pour autrui, compte tenu du comportement erratique des consommateurs. C'est également un danger pour le consommateur.

Mais en définitive, l'argument le plus facile à retenir pour convaincre le consommateur, c'est peut-être encore le risque pénal:

  • 3 ans de prison pour conduite sous l'emprise de stupéfiants
  • 10 ans de prison pour consommation de stupéfiants
  • licenciement pour faute grave pour non-respect des obligations de sécurité dans l'entreprise...

Publiée le Lundi 05 Février 2018 à 19h18