L’installation en libéral séduit nombre d’infirmiers et infirmières diplômés d’Etat. Hélas, ces professionnels se heurtent souvent à un manque d’informations quant à l’aspect juridique de cette installation, aspect pourtant incontournable et dont les conséquences peuvent être particulièrement lourdes pour l’infirmier fraîchement installé. Ce guide à l’attention des professionnels tentés par le libéral a pour objectif d’attirer l’attention sur les questions à se poser en amont pour débuter son exercice dans les meilleures conditions possibles ! Il se divisera en 3 parties :
- Conditions et formalités pour s’installer en tant qu’infirmière libérale
- Quel mode d’exercice pour une infirmière libérale : remplacement ? collaboration ? association ? Rachat de patientèle ?
- Quel régime matrimonial pour une infirmière libérale ? Protéger son activité en cas de divorce
PARTIE 1 : Conditions et formalités pour s’installer en tant qu’infirmière libérale
Pour exercer en libéral l’infirmier doit justifier de 24 mois d’expérience professionnelle (ou 3.200 heures) au cours des 6 dernières années dans une structure de soins dispensant des soins généraux (hôpital, SSIAD…) située dans un état membre de l’UE ou en Suisse.
Pour exercer exclusivement en tant que remplaçant, l’expérience professionnelle nécessaire est de 18 mois ou 2.400 heures, étant rappelé que l’autorisation d’exercer est délivrée par le Conseil Départemental de l’Ordre dont l’infirmier dépend.
- L’inscription à l’Ordre National des Infirmiers
D’une façon générale, l’exercice de la profession implique également l’inscription à l’Ordre Infirmier et le paiement annuel des cotisations (articles L. . 4311-15 et L. 4312-1 du code de la santé publique). Lorsque l’exercice se fait dans le cadre d’une société, celle-ci règle aussi sa cotisation propre. A défaut d’inscription, l’infirmier encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende pour exercice illégal de la profession.
Article L4314-4 du Code de la Santé Publique :
« L’exercice illégal de la profession d’infirmier ou d’infirmière est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes : a) L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal ; b) La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit, conformément à l’article 131-21 du code pénal ; c) L’interdiction définitive ou pour une durée de cinq ans au plus d’exercer une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal.
Le fait d’exercer cette activité malgré une décision judiciaire d’interdiction définitive ou temporaire est puni des mêmes peines.
Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues par les 2° à 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du même code porte sur une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
La jurisprudence recense nombre de condamnations pénales pour exercice illégal de la profession à l’encontre d’infirmiers/infirmières non-inscrits à l’Ordre. Le décret n° 2018- du 10 juillet 2018, qui a clarifié les conditions d’inscription des infirmiers salariés, devrait toutefois mettre un terme, ou à tout le moins rendre marginales, ces hypothèses.
- L’inscription auprès de l’ARS, de la CPAM, du CFE et de la CARPIMKO
L’infirmier devra s’enregistrer auprès du Centre des Formalités et des Entreprises, de la CPAM (qui lui délivrera sa Carte professionnelle de Santé), de l’ARS (qui lui attribuera un numéro ADELI) et de la CARPIMKO (Caisse autonome de retraite et de prévoyance des Infirmiers, Masseurs-Kinésithérapeutes, Pédicures-Podologues, Orthophonistes et des Orthoptistes).
- La souscription d’une assurance RCP
Enfin, la loi du 4 mars 2002 a rendu obligatoire la souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle par l’infirmier. Même le professionnel le plus attentif et compétent peut commettre une erreur, ou plus généralement causer un dommage, même involontairement. Au-delà d’une obligation légale, il est donc tout à fait indispensable d’être en mesure d’en assumer les conséquences.
Rappelons que la relation qui unit le soignant à son patient dans l’acte de soin est un contrat comme l’a clairement exposé l’arrêt Mercier du 20 mai 1936 (confirmé par l’arrêt Clinique Sainte Croix du 6 mars 1945) :
« Il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement, sinon bien évidemment, de guérir le malade, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques mais consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science : la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle ».
Même si l’erreur n’a pas eu de conséquences fatales, elle engage la responsabilité de l’IDEL. La responsabilité d’une IDEL a par exemple été retenue suite à une « injection pratiquée au niveau de la moitié inférieure externe de la fesse amenant ainsi le produit injecté trop près du tronc du nerf et causant la paralysie du nerf sciatique poplité droit, c’est‐à‐dire une impotence fonctionnelle du membre inférieur droit » (CA METZ, 22 février 1984).
Commet également une faute l’infirmière qui pratique une injection intramusculaire sur un enfant de 7 ans, difficile à soigner en dehors de la présence de sa mère, avec seulement l’aide de sa sœur de 14 ans. En effet en agissant ainsi, l’infirmière « avait pris le risque de ne pouvoir contenir suffisamment une jeune enfant ayant des difficultés à rester calme dans une situation angoissante et douloureuse. Dès lors, « l’infirmière n’avait pas pris toutes les précautions de nature à éviter tout mouvement de l’enfant pendant l’injection et pour n’être pas parvenue à maîtriser complètement la trajectoire de son aiguille » (Cass. Civ. 1ère., 6 juin 2000).
Mieux vaut donc prévenir que guérir, et souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle !
Autre avantage, les assurances RCP s’accompagnent souvent d’une protection juridique, qui prendra en charge les frais de procédure si votre responsabilité était engagée.
Ces conditions remplies, l’infirmier peut donc exercer en libéral. Mais se pose alors la question de son mode d’exercice : remplacement ? collaboration ? association ? Rachat de patientèle ?
Pas de contribution, soyez le premier