L’article 434-15-2 du Code pénal punit de « trois ans d'emprisonnement et de 270 000 € d'amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités ».
Dans un arrêt remarqué du 16 avril 2019, la Cour d’appel de Paris avait considéré que le « code de déverrouillage d’un téléphone portable d’usage courant, s’il permet d’accéder aux données de ce téléphone portable et donc aux éventuels messages qui y sont contenus, ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés et, en ce sens, ne constitue pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie ».
Autrement dit, la personne suspectée qui, au cours de l’enquête, refuse de remettre aux enquêteurs le code PIN de son téléphone ne commettrait pas pour autant le délit prévu à l’article 434-15-2 du Code pénal, le code PIN ne constituant pas la convention secrète d'un moyen de cryptologie.
Cette analyse est conforme à la définition donnée par le législateur au « moyen de cryptologie », à savoir « tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de conventions secrètes ou pour réaliser l'opération inverse avec ou sans convention secrète » (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, art. 29)
Les juges parisiens faisaient en outre remarquer que la demande de remise du code PIN ne procédait pas, en l’espèce, d’une « autorité judiciaire », soit du Procureur de la République en phase d'enquête ou du juge d'instruction au cours d'une information, mais d’un « fonctionnaire de police ».
La commission du délit était donc d’autant moins caractérisée.
Dans un récent arrêt du 10 décembre 2019, la Cour de cassation a ajouté que l’article 434-15-2 du Code pénal ne porte pas atteinte au droit de ne pas s’auto-incriminer, reconnu à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH), les données contenues dans le téléphone existant indépendamment de la volonté de la personne suspectée et pouvant être obtenues par des moyens techniques (en ce sens, v. Décision n° 2018-696 QPC du 21 mars 2018).
Dans cette affaire, l’auteur du pourvoi avait été condamné, sur le fondement de l’article 434-15-2 du Code pénal, pour avoir « refusé de répondre aux enquêteurs et de communiquer les codes de déverrouillage de ses téléphones ».
Doit-on pour autant y voir une remise en cause de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 avril 2019 ?
L’auteur de ces lignes ne le pense pas, les moyens du pourvoi n’abordant cette question.
Quoi qu’il en soit, il est à espérer que la Haute juridiction se prononce sur le champ d’application de ce délit, dont on rappelera, au demeurant, que sa destinée originaire était limitée à la lutte contre les « actes de terrorisme ou de grande criminalité » (Mme Marylise Lebranchu, Sénat, séance du 17 octobre 2001).
CA Paris, 16 avr. 2019, n° 18/09267
Cass. Crim. 10 déc. 2019, n° 18-86.878, Publié
Décision n° 2018-696 QPC du 30 mars 2018
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