Le statut de collaborateur libéral a été créé par la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. En vertu de l’article 18 de ce texte : « I. – Les membres des professions libérales soumises à statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé […] peuvent exercer leur activité en qualité de collaborateur libéral. […] Le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle. ».

Selon le Vadémécum des bonnes pratiques du contrat de collaboration libérale, publié par la Direction générale des entreprises, rattachée au Ministère de l’Economie et des Finances : « L’article 18 de la loi de 2005 n’impose ni n’interdit de prévoir une clause de non-concurrence ou de non-réinstallation. ».

La jurisprudence, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2005, a confirmé la jurisprudence antérieure qui reconnaissait la validité des clauses de non concurrence dans les contrats de collaboration libérale des professionnels de santé à condition qu’elles soient limitées dans le temps et dans l’espace, et qu’elles apparaissent proportionnées aux intérêts légitimes à protéger.

Dès lors, le juge vérifie, en présence d’une clause de non concurrence, si ces conditions sont remplies et invalide la clause qui ne les respecterait pas.

Tout d’abord, il est de jurisprudence constante que la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Cette condition s’apprécie en tenant compte des spécificités de la zone géographique professionnelle visée.

En outre, la clause de non concurrence ne doit pas porter atteinte au libre exercice d’une activité professionnelle, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas empêcher le professionnel de santé de continuer à exercer son activité libérale. La Cour de cassation a rappelé cette exigence en confirmant la décision de la Cour d’appel qui avait retenu que la clause de non-concurrence insérée dans un contrat de collaboration entre infirmiers « bien que justifiée par un motif légitime, était prévue pour cinq ans, délai supérieur aux usages de la profession » était susceptible de porter une atteinte grave au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle (Civ. 1ère,  16 octobre 2013, 12-23.333).

Ensuite, la clause doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger à savoir celui du titulaire du cabinet d’une part et celui du collaborateur libéral de l’autre part. (Cass. Com. 11 mars 2014, n°13-12503).

Ainsi  par exemple, la Cour d’appel de Lyon a jugé que la clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de collaboration libérale entre masseurs-kinésithérapeutes, limitée au 9ème  arrondissement et à un secteur de deux kilomètres autour du lieu d’exercice pour deux ans après six mois de collaboration, était proportionnée aux intérêts légitimes à protéger (CA Lyon, 20 février 2018, n°16/08417).

En revanche, la Cour d’appel de Poitiers, après avoir reconnu l’existence d’un contrat de collaboration libérale d’ostéopathes, a constaté que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat, par son étendue dans le temps (trois ans) et dans l’espace (rayon d’interdiction de réinstallation de trente kilomètres), portait une atteinte disproportionnée à l’intérêt légitime de l’ostéopathe collaboratrice de conserver la patientèle qu’elle s’est personnellement constituée au cours du contrat de collaboration (CA Poitiers, 12 janvier 2016, n°15/00530).

Par ailleurs et contrairement aux clauses de non-concurrence insérées dans un contrat de travail (Soc., 10 juillet 2002, n°99-43334, n°00-45135, n°00-45387), la contrepartie financière des clauses stipulées dans un contrat de collaboration libérale n’est pas une condition de validité de ladite clause. De ce fait, la Cour d’appel de Pau a jugé que l’exigence d’une contrepartie financière n’était pas requise pour les professions libérales (CA Pau, 11 avril 2005, Juris-Data n°2005-276474).

Si les clauses de non-concurrence sont admises par la jurisprudence dans les contrats de collaboration libérale des professionnels de santé, on peut cependant s’interroger sur leur validité aux vues des règles déontologiques de ces professionnels. En effet, les clauses de non-concurrence peuvent alors paraître inadaptées par rapport à certaines stipulations des contrats élaborés par les Ordres déontologiques (notamment l’Ordre des Masseurs-kinésithérapeute et l’Ordre National des Infirmiers) au regard notamment du droit de se constituer une patientèle personnelle.

Il convient enfin de noter que pour certaines professions, les clauses de non-concurrence sont prohibées. Ainsi, ces stipulations sont explicitement interdites dans les contrats de collaboration libérale entre avocats. (Article 14-2 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN), article 133 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat).

Me Carole YOUNES