La caractérisation de la force majeure prend une actualité tout à fait particulière avec l’épidémie actuelle de coronavirus. Tant en matière de prestations de services que de livraison de biens, les situations dans lesquelles les parties ne peuvent exécuter la prestation ou livrer les biens commandés sont nombreuses et vont se multiplier tant que dureront les mesures d’urgence sanitaires.
Les parties peuvent elles voir leurs obligations suspendues en invoquant la force majeure? Qui doit supporter le risque de l’inexécution ?
Pour que la force majeure soit retenue, trois conditions doivent être remplies:
A. Les 3 caractères de la force majeure (1218 code civil)
1. Evénement qui échappe au contrôle du débiteur: extériorité
Il n’apparaît pas contestable à ce stade que l’épidémie de coronavirus et la réglementation de crise sanitaire intervenue notamment liée aux restrictions sur les regroupements, que ce soit pour des événements particuliers (manifestations culturelles ou sportives, colloques, conférences, projections, débats…) ou pour réaliser une prestation de services, un voyage, un contrat d’entreprise, une prestation d’enseignement ou de formation, présentent le caractère d’extériorité.
De même dans l’hypothèse ou le débiteur a contracté le virus, il est vraisemblable que la caractère d’extériorité sera retenu. Selon la jurisprudence la maladie peut constituer une fore majeure lorsqu’elle et suffisamment grave.
2. Qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat : imprévisibilité
De même l’imprévisibilité n’apparaît pas faire de doute compte tenu de la propagation du virus en France et les mesures sanitaires exceptionnelles prises (fait du prince) n’étaient en l’état, manifestement pas prévisibles. Qui aurait pu prédire que l’épidémie chinoise serait dupliquée quelques semaines plus tard en France, en Europe et dans le reste du monde?
3. Dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées: irresistibilité
Compte tenu de la brutalité et de l’intensité des mesures prises relatives aux limitations des regroupements puis au confinement, il n’apparaît pas que les effets de ces derniers auraient pu être évités.
L’insolvabilité du débiteur n’est pas considéré par la jurisprudence comme un cas de force majeure, sauf si la prestation qui constitue la contrepartie du paiement n’est pas exécutée en raison de la force majeure. Dans ce cas, le créancier est également libéré de l’obligation corrélative de payer, ce qui renvoie aux effets de la force majeure.
B. Les effets de la force majeure
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat.
En cas d’empêchement définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.
La saisine du juge n’est donc pas requise.
Les parties sont remises dans l’état ou elles étaient avant la conclusion du contrat. L’intégralité des prestations réciproques sont restituées, en nature ou équivalent. (1229 code civil)
La restitution d’une somme d’argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées. (1352-6 code civil)
La restitution d’une prestation de services a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie. (1352-8 code civil). Elle pourra dans ce cas, se compenser avec le prix de la prestation.
Les effets de la résolution peuvent être écartées par clause contractuelle (1351 code civil)
Le contrat peut prévoir que le débiteur ne sera pas responsable des conséquences de la force majeure, sauf à ce que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce qui aura pour effet de la faire déclarer non écrite sur le fondement du droit de la consommation ou du droit commun (1171 code civil).
Si l’impossibilité d’exécuter le contrat du fait des mesures sanitaires prises suite à l’épidémie est bien reconnue comme un cas de force majeure, elle permettra aux parties engagées dans un contrat d’être libérées de leurs obligations respectives au moins temporairement sauf si, compte tenu de la durée de la suspension, le contrat ne présente plus d’utilité pour les parties.
En cas d’empêchement définitif, la résolution du contrat permettra d’atténuer les effets particulièrement délétères des annulations en chaine consécutives à la pandémie.
Carole A. YOUNES
Avocat à la Cour
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