• Conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire : rappel des règles procédurales impératives (Cass. Com., 24 mai 2018, n°16-27296 et Cass. Com., 20 juin 2018, n°17-13204)

Les articles L. 631-15 et R. 631-24 du Code de commerce définissent les modalités procédurales permettant au Tribunal de convertir la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Le Tribunal doit être saisi par une requête émanant du débiteur ou de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire ou d’un contrôleur ou du ministère public.

Le Tribunal peut aussi se saisir d’office.

Lorsque le Tribunal entend exercer son pouvoir d’office de conversion ou lorsqu’il est saisi par requête du ministère public, il faut soit que les parties intéressées aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, soit que le débiteur ait été convoqué par le greffe par LRAR et que soit joint à la convocation une note exposant les faits justifiant l’exercice par le tribunal de son pouvoir d’office.

A défaut de saisine valable, le Tribunal ne peut pas convertir le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et ce, même si, la période d’observation atteint son terme et, même si, l’administrateur ou le mandataire sollicitent dans un rapport remis au Tribunal la conversion du redressement en liquidation.

Par deux arrêts, la Cour de cassation rappelle solennellement cette règle :

  • « La mention évoquant la liquidation faite par l’administrateur judiciaire dans son rapport ne constituait pas une demande de conversion du redressement en liquidation, de sorte que le tribunal s’était saisi d’office sans respecter les formes prévues par l’article R. 631-3 du Code de commerce » (Cass. Com. 24 mai 2018, n° 16-27.296).
  • « La convocation régulière à l'audience pour examen du plan, la comparution du représentant de la société débitrice ou la demande de conversion formée à l'audience par les organes de la procédure ou le ministère public ne peuvent suppléer à l'absence d'invitation préalable faite aux parties de présenter leurs observations ou de convocation en vue de la conversion d'office du redressement en liquidation judiciaire dans les formes prévues par l'article R. 631-3 du code de commerce » (Cass. Com. 20 juin 2018, n° 17-13204).

Ces arrêts sont fondamentaux pour les administrateurs et mandataires judiciaires qui souvent, considérant être au terme de la période d’observation et / ou que les rapports qu’ils remettent au Tribunal sont suffisants, se dispensent d’une requête en vue de la conversion du redressement en liquidation judiciaire, en sollicitant dans le cadre de leurs rapports et / ou de leurs observations orales lors de l’audience ladite conversion.

Dans une telle hypothèse, les juridictions doivent demeurer très vigilantes. La conversion n’est pas possible sauf à exercer de manière irrégulière le pouvoir de saisine d’office et à encourir l’annulation de leurs décisions.

 

  • Incidence de la résolution d'un plan de cession sur le licenciement d'un salarié par le cessionnaire (Cass. Soc., 4 juillet 2018, n°17-14.587)

Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour faute lourde par le cessionnaire d’une entreprise en difficulté après l’adoption d’un plan de cession. Le plan de cession est ensuite résolu. Le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes en vue de contester le bien-fondé de son licenciement et obtient le bénéfice d’un arrêt qui retient que le licenciement est nul puisque prononcé par le cessionnaire du plan de cession, alors que ce dernier a fait l’objet d’une résolution.

La question se posait alors de savoir si, en cas de modifications successives de la situation juridique de l'employeur intervenues dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le cédant, devenu nouvel employeur à la suite de la résolution du plan de cession, avait ou non à supporter la charge des créances salariales et des indemnités de rupture qui incombaient initialement au cessionnaire.

Sur un pourvoi de l’AGS, la Cour de cassation a répondu par la négative en considérant que le cédant ne pouvait être tenu des obligations qui incombaient au cessionnaire, à l’égard du personnel repris, avant la résolution du plan, appliquant en cela très justement les dispositions de l’article L. 1224-2 du Code du Travail.

On rappellera à cet égard que si les employeurs successifs sont tenus des obligations des précédents employeurs à l’égard des salariés, cette règle souffre notamment d’une exception, lorsque la succession d’employeur intervient dans un contexte de procédure collective.

C’était bien le cas en l’espèce.

 

  • Absence de déclaration de créance du fait de la mauvaise foi du débiteu : inopposabilité de la créance (Cass. Com., 6 juin 2018, n°16-23.996)

Les clients d’une société se plaignant de malfaçons dans l’exécution des travaux réalisés par cette dernière décident d’agir en réparation de leurs préjudices. Au cours de la première instance, la société est placée en procédure de redressement judiciaire. Néanmoins, elle n’en informe pas ses clients et omet de mentionner leur créance sur la liste destinée au mandataire judiciaire. Dans ce contexte, les clients ne déclarent pas leur créance. Le juge civil accueille quant à lui leur demande. La société bénéficie ensuite d’un plan de redressement.

En dépit de la procédure collective, la société est condamnée en appel à payer à ses clients des dommages et intérêts en ce qu’elle ne leur a pas révélé la situation exposée ci-avant. Selon la Cour d’appel, il ne saurait en effet être reproché aux clients d'avoir obtenu un jugement de condamnation contre la société au terme d'une procédure menée en l'absence des organes de la procédure collective et pour une créance non déclarée.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 622-21 du Code de commerce relatif à l’arrêt des poursuites individuelles en considérant que « la prétendue faute ou fraude commise par la société, qui aurait sciemment omis d'alerter ses créanciers de sa mise en redressement judiciaire, à la supposer établie, n'était pas de nature à faire échec à la règle de l'interdiction des poursuites individuelles ».

Autrement dit, les clients auraient dû déclarer leur créance dans les conditions exigées par la loi.

La Cour de cassation considère en outre que faute d’avoir été déclarée, la créance des clients de la société était inopposable à la société pendant l’exécution du plan, de sorte que leur demande en paiement était donc irrecevable.

 

  • L'article L. 650-1 du Code de commerce n'est pas un obstacle à la responsabilité de la banque pour défaut de mise en garde (Cass. Com., 20 juin 2018, n°16-27.693)

L'exploitant d'un restaurant et son épouse se voit consentir des prêts bancaires destinés à financer l’acquisition d’un droit au bail et des travaux en vue d’exercer leur activité. Ce dernier fait ensuite l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, puis de liquidation judiciaire.

La banque déclaré sa créance et assigne l’épouse de l’exploitant, in bonis, en paiement. Cette dernière lui oppose un manquement à son devoir de mise en garde sur le fondement de l’article 1147 du Code civil.

Du fait du contexte de la procédure collective, la question se posait de savoir si une banque pouvait voir sa responsabilité engagée pour manquement à son obligation de mise en garde sans que les conditions de la responsabilité posées à l'article L. 650-1 du Code de commerce ne soient réunies.

La Cour de cassation répond positivement en affirmant que : « s'il résulte de l'article L. 650-1 du Code de commerce que les établissements bancaires créanciers d'une entreprise en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaires ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises sont disproportionnées aux concours, ces mêmes établissements peuvent être responsables des manquements à leur obligation de mise en garde du bénéficiaire des concours lorsqu'ils y sont soumis ».

Autrement dit et contrairement à ce que soutiennent régulièrement les établissements bancaires, la question de la responsabilité d'une banque lorsque l'emprunteur fait l'objet d'une procédure collective ne se résume pas exclusivement à l'article L. 650-1 du Code de commerce. Les autres cas de responsabilité éventuelle dont le manquement à l'obligation de mise en garde peuvent trouver à s'appliquer sans que l'article L. 650-1 du Code de commerce ne constitue un rempart insurmontable.