L'ordonnance portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l'urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale du 27 mars 2020 publiée au JO le 28 mars 2020 adapte temporairement le droit des entreprises en difficultés sur plusieurs points.

 

1°/ En premier lieu, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire (en l'état le 24 mai 2020, sauf si l'état d'urgence était rallongé ou raccourci), soit, en l'état, jusqu'au 24 août 2020, l'état de cessation des paiements éventuel des entreprises n'est apprécié, en principe, qu'en considération de la situation financière des entreprises arrêtée au 12 mars 2020.

Dès lors, une entreprise en état de cessation des paiements au 30 mars 2020 ne sera pas considérée au sens du Livre VI du Code de commerce comme en état de cessation des paiements et n'aura pas de ce fait l'obligation de solliciter le bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire au plus tard le 15 mai 2020, puisque sa situation sera appréciée au 12 mars 2020 et qu'à cette date, elle n'était pas en état de cessation des paiements.

Conjuguée à l'ordonnance délai du 25 mars 2020 (2020-306) qui prévoit que les actes prescrits par la loi, à peine notamment de sanctions (comme l'obligation de déclarer l'état de cessation des paiements) devant être accomplis entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (en partant du principe que l'état d'urgence sanitaire prendra fin au 24 mai 2020) seront réputés avoir été faits dans les délais légaux, s'ils sont réalisés dans le délai légal à compter du 24 juin 2020, sans que cela ne puisse aboutir à un délai expirant postérieurement au 24 août 2020, le chef d'entreprise est totalement protégé face à un éventuel manquement à son obligation de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.

Pour autant, cela n'interdit pas (et heureusement) la possibilité pour l'entreprise de solliciter le bénéfice d'une procédure de redressement ou de liquidation ou de rétablissement professionnel. Il faut en comprendre que le débiteur peut renoncer au bénéfice de la disposition qui cristallise en cette période particulière l'appréciation de l'état de cessation des paiements au 12 mars 2020 et peut en revenir à la réalité financière du moment.

 

2°/ En deuxième lieu, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire (en l'état le 24 mai 2020, sauf si l'état d'urgence était rallongé ou raccourci), soit, en l'état, jusqu'au 24 août 2020, les relevés de créances salariales peuvent être transmis par les mandataires judiciaires à l'AGS sans être soumis préalablement au représentant des salariés et sans être visés préalablement par le juge-commissaire. Pour autant, ils devront toujours l'être, le cas échéant, ultérieurement.

 

3°/ En troisième lieu, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire (en l'état le 24 mai 2020, sauf si l'état d'urgence était rallongé ou raccourci), soit, en l'état, jusqu'au 24 août 2020, la durée des procédures de conciliation peut être prolongée de la durée de la période courant de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, soit le 29 mars jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire, soit, en l'état, le 24 août, soit d'une durée de 4 mois et 25 jours.

Sur la même période, il est possible d'enchaîner plusieurs procédures de conciliation sans respecter le délai de carence de 3 mois.

 

4°/ En quatrième lieu, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire (en l'état le 24 mai 2020, sauf si l'état d'urgence était rallongé ou raccourci), soit, en l'état, jusqu'au 24 août 2020, la durée des plans de sauvegarde et de redressement peut être prolongée :

  • de la durée de la période courant de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, soit le 29 mars 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire, soit, en l'état, le 24 août, soit d'une durée de 4 mois et 25 jours, sur ordonnance du Président du tribunal, saisi par requête du commissaire à l'exécution du plan,
  • d'une durée d'un an, sur ordonnance du Président du tribunal, saisi par requête du ministère public.

Au terme du délai précité (soit postérieurement au 24 août 2020) et dans un délai de 6 mois (soit jusqu'au 24 février 2021), les plans de sauvegarde et de redressement peuvent être rallongés d'un an maximum, sur requête du commissaire à l'exécution du plan ou du ministère public.

La question qui se pose est celle de savoir si ces deux possibilités de rallonger la durée du plan se cumulent ou non. Dans l'affirmative, les plans pourraient être amenés à durer jusqu'à 12 ans.

 

5°/ En cinquième lieu, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire (en l'état le 24 mai 2020, sauf si l'état d'urgence était rallongé ou raccourci), soit, en l'état, jusqu'au 24 août 2020, le président peut prolonger les délais imposés à l'administrateur judiciaire ou au mandataire judiciaire de la durée de la période courant de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, soit le 29 mars 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire, soit, en l'état, le 24 août, soit d'une durée de 4 mois et 25 jours.

 

6°/ En sixième lieu, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire (en l'état le 24 mai 2020, sauf si l'état d'urgence était rallongé ou raccourci), soit, en l'état, jusqu'au 24 juin 2020 :

  • le rappel des dossiers de redressement judiciaire à deux mois au plus tard devant le tribunal aux fins d'ordonner la poursuite de la période d'observation n'est plus applicable (L. 631-15 I C. com.),
  • la saisine par le débiteur du tribunal ou de la juridiction du président se fait par acte remis au greffe avec une attestation mentionnant qu'il ne se présentera pas à l'audience et qu'il formulera ses prétentions et moyens par écrit (441-6 CPC),
  • les communications entre le greffe et les mandataires de justice se font par tout moyen.

 

7°/ En septième lieu, l'ordonnance prévoit que :

  • les périodes d'observation, les plans, les périodes de poursuite d'activité en liquidation judiciaire et les procédures de liquidation judiciaire simplifiée en cours jusqu'au 24 juin 2020 sont prolongées de la période courant de l'entrée en vigueur de l'ordonnance, soit le 29 mars 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le terme de l'état d'urgence sanitaire, soit, en l'état, jusqu'au 24 juin 2020, soit d'une période de 2 mois et 25 jours,
  • les périodes de garantie de l'AGS sont mises en cohérence avec les prolongations des périodes d'observation, des plans et des périodes de poursuite d'activité en liquidation judiciaire.

 

8°/ L'ordonnance s'applique évidemment aux procédures en cours.