Il est précisé que cet article est publié le 30 mars 2020 et est à jour des modifications importantes ayant été publiées à cette date mais ne saurait prévoir celles faisant l'objet de publications dans les jours et les semaines suivantes.


En cette période particulière du point de vue sanitaire, l’ensemble des secteurs de la vie économique et sociale ont dû s’adapter aux circonstances exceptionnelles entraînées par le virus covid-19 et, notamment, par une des principales mesures mises en place en France, et dans de nombreux pays étrangers, afin de lutter contre sa propagation : le confinement.

Un des secteurs loin d’être en reste dans cette « adaptation » est évidemment celui du droit et nombres de règles ont d’ores et déjà fait l’objet de modifications, depuis le début de l’année et, particulièrement, depuis 17 mars dernier, afin d’aménager le fonctionnement de la vie quotidienne aux circonstances.

Force est de constater que c'est notamment en droit du travail que l'arsenal législatif a fait l’objet d’un ajustement, afin de faciliter la survie économique, des entreprises, d’une part, et, des travailleurs, d’autre part.

Entre loi d’urgence, ordonnances, décrets et instructions, il est parfois compliqué de comprendre ce qui a réellement changé.

Cet article a donc pour objectif de faire un tour d’horizon de ces modifications, afin de les rendre plus lisibles au non juriste.

Bien évidemment, les principaux organes intervenus (et continuant d’intervenir, étant précisé que les règles continueront probablement à être adaptées dans les jours et semaines à venir, en fonction de la durée de l’état d’urgence sanitaire – pour l’instant voté pour une durée de deux mois – et l’impact que les circonstances auront sur l’économie française) sont le Sénat et l’Assemblée Nationale.

Mais ce ne sont pas les seuls, et cela donne d’ailleurs un aperçu de la diversité des forces entrant en jeu dans la détermination et la négociation des dispositions réglementant le droit social.

Ainsi, à titre d’exemple et sans prétendre à la moindre exhaustivité, l’Union des Métiers des Industries de l’Hôtellerie a publié un communiqué, le 23 mars dernier, dans lequel elle annonçait que les partenaires sociaux de la branche Hôtel, Café, Restaurant (HCR) exonéraient de cotisations santé et prévoyance les salariés et les employeurs pour le second trimestre et activaient le fonds d’action sociale pour les salariés de la branche.

Une instruction de la Direction Générale du Travail du 17 mars 2020 prévoyait également un aménagement des règles de procédures des demandes d’autorisation de licenciement ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés, ainsi que l’instruction des recours hiérarchiques, prévoyant notamment :

  • La transmission de la procédure par courrier ou voie électronique ;
  • Le recours aux observations écrites et/ou à la visioconférence.

En outre, l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 n°2020-290 d'urgence « pour faire face à l'épidémie de covid-19 » autorisait le gouvernement à recourir à des ordonnances (pouvoir prévu à l’article 38 de la Constitution) en diverses matières, la matière principalement concernée étant, et de loin, celle du droit du travail, de la sécurité sociale et de la fonction publique, prévoyant douze objets pour lesquels le gouvernement était autorisé à prendre des ordonnances.

En application de cet article, le gouvernement adoptait l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 « portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos », publié au Journal Officiel du 26 mars 2020, qui disposait :

  • De la possibilité pour un accord d’entreprise, ou de branche, de « déterminer les conditions dans lesquelles l'employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d'un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés »;
  • Les articles 2,3 et 4 de cette ordonnance prévoyaient, en plus, la possibilité pour l’employeur « lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 »
    • prévus dans le cadre du dispositif lié à la réduction du temps de travail (RTT) ;
    • prévus par une convention de forfait ;
    • tirés des droits affectés aux comptes épargne-temps des salariés.

Il est précisé que, dans ces trois cas, votre employeur est ainsi en mesure de vous imposer la prise de jours de repos acquis, dans la limite de dix (article 5 de l’ordonnance).

  • « Dans les entreprises relevant de secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret », de la modification des durées légales maximales de travail journalières et hebdomadaires ;
  • « Dans les entreprises relevant de secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, déterminés par décret » et dans les « entreprises qui assurent à [ces dernières] des prestations nécessaires à l'accomplissement de leur activité principale » (encore une fois, l’imprécision sera notée), de la possibilité de déroger à la règle du repos dominical.

Ainsi, les circonstances sanitaires exceptionnelles que nous connaissons ont entraîné des modifications importantes de la réglementation applicable au contrat de travail et il est envisageable que de nouvelles mises à jour aient lieu dans les prochaines semaines.

Il est probable que ces modifications feront l’objet d’un contentieux important et ce contrôle judiciaire est d’ailleurs souhaitable concernant les dispositions particulièrement vagues, que nous avons vues ci-dessus, telle que la formule « lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 » permettant l’imposition unilatérale de jours de repos aux salariés.

En effet, faute d’être précisées, ces formules permettraient à des employeurs peu scrupuleux, quand bien même leur situation économique ne le justifierait pas, de recourir à outrance à ces dispositions qui, de facto, limitent de manière considérable les droits des salariés.

Par conséquent, il semble impératif que, le temps venu, les Conseils de Prud’hommes se saisissent de ces questions, afin d’éventuellement sanctionner les employeurs qui en auraient abusé.