Par un arrêt du 17 mai dernier, la Cour de Cassation a rappelé sa jurisprudence concernant la preuve de la réalisation d’heures supplémentaires. Elle avait déjà eu l’occasion de préciser la portée de l'article L.3171-4 du Code du travail, prévoyant un partage de la charge de la preuve entre le salarié et l'employeur, par deux décisions :
- Une du 25 février 2004, par laquelle elle rappelait qu’il incombait au salarié de « fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande »
- Une deuxième décision du 24 novembre 2010 soulignait que le salarié n'avait pas à apporter des éléments de preuve mais seulement des éléments factuels, pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais revêtant un minimum de précision afin que l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement. En l’espèce, il s’agissait d’un « décompte établi au crayon, calculé mois par mois »
Dans un arrêt du 18 mars 2020, la Chambre Sociale rappelait enfin que les juges du fond devaient comparer les éléments produits par le salarié à l’appui de sa demande et les éléments de preuve produits par l’employeur en défense pour juger de la réalité des heures supplémentaires. Elle censurait ainsi une décision de la cour d’appel de Versailles qui avait pris en considération les seuls éléments produits par le salarié, qu’elle avait jugés incohérents, pour débouter ce dernier, sans évaluer les éléments produits en défense par l’employeur et faisant ainsi peser exclusivement sur le salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires.
Dans sa décision du 17 mai 2023, la Chambre Sociale casse à nouveau un arrêt de Cour d’appel (Lyon), sur le même sujet.
En l’espèce, la Cour d’appel avait condamné l’employeur à verser des rappels de salaire sur la période du 25 novembre au 19 décembre 2013, mais avait débouté le salarié de la même demande sur la période subséquente du 20 décembre 2013 au 23 novembre 2016, alors qu’il avait produit :
- des relevés de badgeage du site où il était affecté pour la période s'étendant du 17 octobre 2012 au 19 décembre 2013, indiquant qu'il avait été amené à travailler selon un rythme de travail similaire sur la période du 20 décembre 2013 au 23 novembre 2016 ;
- la copie des demandes formées les 4 et 20 octobre 2016 par le salarié à l’employeur de lui communiquer pour les trois dernières années les relevés de péage du badge mis à sa disposition, demandes auxquelles l’employeur n’avait pas répondu. La Cour de Cassation a ainsi constaté qu’en déboutant le salarié, qui avait produit des éléments suffisamment précis, permettant à l’employeur de répondre, alors qu’à l’inverse, celui-ci ne produisait aucun élément de contrôle de la durée de travail, la Cour d’appel avait fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires.
Que faire si vous effectuez des heures supplémentaires et que votre employeur refuse de les payer ?
Comme vu ci-dessus, le salarié doit fournir des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande de paiement des heures supplémentaires.
Vous pouvez rassembler un ou plusieurs des éléments suivants :
- un tableau semaine par semaine/un agenda au jour le jour des heures effectuées (heure d’arrivée, heure de départ, en précisant les pauses déjeuner) ;
- le premier et le dernier emails professionnels envoyés chaque jour ;
- les sms reçus de votre employeur vous précisant l’heure à laquelle venir travailler ;
- le relevé GPS de votre voiture montrant l’heure d’arrivée et de départ sur votre lieu de travail ;
- des attestations de vos collègues indiquant les heures d’arrivée et de départ.
Attention!
- le rappel d’heures supplémentaires, comme tout rappel de salaires, se prescrit par trois ans. Après ce délai, il ne sera donc plus possible de demander la condamnation de votre employeur à vous régler les heures effectuées
- vous ne pouvez sollicitez le règlement d’heures supplémentaires que si elles ont été effectuées à la demande expresse ou implicite de votre employeur. La cour de Cassation a jugé que la nature ou la qualité du travail demandé au salarié pouvait justifier la réalisation, et donc le paiement, d’heures supplémentaires, quand bien même l’employeur s’était explicitement opposé à la réalisation de ces heures.
- enfin, il est rappelé que les heures supplémentaires sont majorées. La loi prévoit une majoration de 25% pour les 8 premières heures supplémentaires hebdomadaires, puis de 50% pour les suivantes. Attention, certaines conventions collectives prévoient des majorations moins importantes (la CCN Hôtels, Cafés, Restaurants, par exemple).
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