La notion de conflit d’intérêt est définie par la loi : « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (art. 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique).

 

Sur le plan administratif d’abord, l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales définit comme illégales « les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».

Il résulte de ces dispositions que « la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’un conseiller municipal intéressé à l’affaire qui fait l’objet de cette délibération, c’est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l’illégalité ; que, de même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération » (CE, 12 oct. 2016, n°387308).

En d’autres termes, l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune. Peu importe alors que le vote ait été acquis à l’unanimité : le seul fait que l’élu intéressé ait exercé une influence sur le résultat du vote en participant suffit à rendre la délibération illégale.

Cependant, la mise en œuvre de ces règles ne doit pas conduire à écarter systématiquement les connaissances des conseillers municipaux : le Conseil d’État a eu l’occasion de juger qu’une commune qui rejette, sans l’examiner, l’offre d’une entreprise au seul motif que le dirigeant de cette société était apparenté à une conseillère municipale manque à ses obligations de mise en concurrence ( CE, 9 mai 2012, n°355756). L’intérêt doit dès lors être suffisamment marqué.

Il n’y a pas non plus d’intérêt à l’affaire lorsqu’il s’agit d’un intérêt attaché à la qualité d’habitant ou de contribuable de la commune, sans être distinct de l’intérêt général de la commune. Cette règle trouve particulièrement à s'appliquer en matière d’approbation du document d’urbanisme mais également en matière de raccordement aux réseaux. Le Conseil d’Etat a également estimé que des conseillers municipaux, membres d’une association d’opinion opposée à l’implantation de certaines activités sur le territoire de la commune, ne sont pas considérés comme intéressés et peuvent ainsi participer à la délibération portant modification du plan local d’urbanisme ayant pour objet de restreindre ces activités ( CE, 22 févr. 2016, n°367901).

Il en va de même de l’intérêt attaché aux fonctions de conseiller municipal : octroi d’indemnités de fonctions, participation en qualité de représentant de la commune à un organisme qui lui est rattaché ou à une commission administrative, etc.

In fine, c’est au juge administratif que revient le contrôle de la notion de conseiller intéressé à l’échelle locale, dans le cadre du contrôle qu’il opère sur les actes administratifs des collectivités territoriales. Dans ce cadre, il examine si la personne soupçonnée d’intéressement a été susceptible d’influer sur le sens de la décision adoptée.

 

 

 

Sur le plan pénal ensuite, la Cour de Cassation juge que « le délit est caractérisé par la prise d’un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect, et se consomme par le seul abus de la fonction, indépendamment de la recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel » (Cass. Crim. 21 juin 2000, n°99-86.871).

La notion d’intérêt comporte ainsi une double composante matérielle et morale.

Premièrement, l’élément matériel est établi lorsque le patrimoine personnel de la personne en cause apparaît directement dans une affaire publique dont elle a l’administration ou la surveillance, même sans qu’il n’y ait eu effectivement profit pécuniaire. En ce sens, le fait même de signer un marché pour lequel le maire aurait un intérêt personnel peut constituer, en soi, une prise d’intérêt punissable, même avant toute exécution du contrat.

L’intérêt moral peut résulter d’un lien direct ou indirect, c’est-à-dire qu’il s’étend au-delà du patrimoine strictement personnel de l’élu : liens familiaux (enfants, conjoints, frères et sœurs, et plus généralement tout lien de parenté), amicaux ou professionnels, y compris entre élus9, le juge pénal tenant compte de la proximité du lien pour qualifier l’intérêt moral. Celui-ci peut donc être caractérisé en dehors de tout lien matériel avec une entité (par exemple, fonctions bénévoles dans une association ou attachement à l’entreprise dans laquelle travaillait précédemment l’élu). Aussi, se rend coupable du délit de prise illégale d’intérêt un adjoint au maire « ayant transmis avec un avis favorable pour la reconduction, une demande de subvention présentée par une association dans le fonctionnement de laquelle il avait une grande influence, et par laquelle il avait été démarché dans le but de faire travailler pour le compte de celle-ci, une entreprise commerciale dont il assumait la direction » (Crim. 9 mars 2005, n°04-83.615). Le lien indirect n’est, dans cette instance, pas même constitué juridiquement mais est en revanche de pur fait.

Deuxièmement, l’élément moral du délit a trait à son intentionnalité. Par principe, le délit de prise illégale d’intérêt est en effet un délit intentionnel. Cela induit qu’il suffit que les faits constitutifs de la prise d’intérêt aient été accomplis sciemment, en connaissance de cause : il est constant qu’en la matière, « l’intention coupable est caractérisée par le seul fait que l’auteur a accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit » (voir Cass. Crim. 21 nov. 2001, n°00-87.532 ; 27 nov. 2002, n°02-83.092 ou encore 29 juin 2011, n°10-87.498).

En définitive, la caractérisation du délit de prise illégale d’intérêt suppose que soit réunis les deux éléments de l’infraction, matériel et moral.