Par deux arrêts publiés au bulletin (1ère Civ 10 septembre 2025 n°24610.157 et n°24-12.672), la 1ère chambre de la Cour de cassation répond sans détour à une problématique juridique aux enjeux majeurs.
La question était de savoir si la période de concubinage avait une incidence sur le délai de prescription des demandes en paiement que l'un des concubins pouvait faire valoir contre l'autre, ou contre l'indivision.
En d'autres termes, les dispositions de l'article 2234 du code civil, qui dispose "la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure", sont elles applicables au concubinage?
Tout d'abord, il convient de rappeler que la Cour de cassation a jugé que les créances d'un indivisaire, nées du réglement d'une dépense de conservation (ex: réglement des échéances d'un crédit immobilier), étaient soumises au délai de prescription de droit commun, 5 ans, et que le point de départ était la date de réglement de la dépense (Civ 1ère 14 avril 2021 n°19-21.313).
Il était alors légitime de s'interroger sur un éventuel effet suspensif d'une situation de concubinage sur ce délai de prescription.
En effet, imaginons un couple en concubinage qui acquiert un appartement à parts égales, mais dont les échéances de remboursement du crédit ne seront réglées que par un seul, alors que chacun perçoit un revenu sensiblement équivalent à l'autre.
Il peut être mal perçu de venir faire les comptes tous les 5 ans, et de solliciter le remboursement des sommes ainsi réglées.
Si l'amour ne rend pas forcément aveugle, il rend néanmoins assez improbable des actions en justice entre les tourtereaux pour obtenir le paiement des sommes ainsi dues.
Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler qu'entre époux ou partenaires liés par un PACS, la prescription ne court pas (article 2236 du Code civil).
Or, sur le plan sentimental ces 3 situations sont à mettre en parallèle, et l'esprit de l'article 2236 du Code civil se retrouve également en matière de simple concubinage.
Mais ce raisonnement se heurte inévitablement à l'adage "les concubins se passent de la Loi, la Loi se désintéresse d'eux", mots prêtés au 1er Consul Napoléon Bonaparte lors de la rédaction du Code civil en 1804.
Il semblerait que la conception du concubinage n'ait pas évolué depuis, à l'inverse des acquisitions immobilières entre concubins qui n'a cessé de croitre.
Toutefois, reconnaissons qu'à défaut de disposition particulière, c'est par une juste interprétation des dispositions de l'article 2234 du Code civil que la Cour de cassation dégage cette solution.
En effet, la force majeure prévue par le texte est définie par les critères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité.
Or, il est certain que la seule situation de concubinage ne suffit pas à démontrer ces 3 critères.
Par conséquent, la Cour retient que "le concubinage ne peut en soi caractériser l'impossibilité dans laquelle serait une personne d'agir contre l'autre durant la vie commune".
Il peut alors être plus judicieux que jamais de prévoir dans l'acte d'acquisition des quotités différentes tenant compte des financements respectifs.

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