Un petit point à l’attention des victimes concernant les terminologies qui peuvent induire les victimes en erreur dans le cadre d’un contentieux avec un médecin/dentiste ou tout professionnel de santé.

 

De nombreuses personnes saisissent le cabinet de Maître Elodie BOSSELER en précisant qu’elles sont d’ores et déjà vu un expert dans le cadre des soins pour lesquelles elles ont tenté d’engager la responsabilité d’un professionnel de santé. C’est souvent faux puisque les personnes présentent, lors du premier rendez-vous, des documents qui permettent seulement d’identifier qu’elles ont été reçues par un professionnel de santé missionné par la compagnie d’assurance du praticien dont elle souhaite engager la responsabilité. Et, ce professionnel de santé missionné par l’assurance n’est pas un expert tel que la loi permet d’utiliser le titre.

 

En effet, les terminologies ne sont pas équivalentes, le titre d’expert étant encadré légalement, raison pour laquelle l’utilisation du titre d’expert à mauvais escient expose à des sanctions.

 

1. Les terminologies de praticien conseil et expert se sont pas équivalentes

 

Il est important de ne pas confondre les titres d’expert judiciaire et de praticien conseil de compagnie ou praticien de recours.

 

Factuellement déjà les missions sont différentes et les liens avec les parties également.

 

L’expert judiciaire est missionné par un Tribunal pour répondre à une mission également déterminée par le Tribunal. Ses obligations sont encadrées par les dispositions du Code de Procédure Civile (articles 232 et suivant du Code de Procédure Civile) et il doit répondre de ses actions auprès du Tribunal et du juge chargé du contrôle des expertises.

 

Le praticien conseil de compagnie d’assurance est quant à lui missionné par la compagnie d’assurance avec une mission également déterminée par la compagnie. Cette mission est d’ailleurs restreinte au contrat d’assurance souscrit par le praticien dont la responsabilité est recherchée. Cette restriction pose parfois des difficultés puisqu’elle peut exclure certains postes de préjudices pourtant élémentaires. Le praticien conseil de la compagnie est donc payé par l’assurance. Si le dossier est orienté en phase judiciaire, il sera d’ailleurs très fréquemment, celui qui se présentera lors de l’expertise judiciaire pour défendre le praticien dont la responsabilité est recherchée. Il agit donc tel le défenseur médical du praticien.

 

Le praticien conseil de la victime, appelé souvent médecin de recours, est quant à lui désigné par la victime pour soulever les fautes qui ont pu être commises par le praticien dont la responsabilité est recherchée (sont exclues ici intentionnellement les cas de responsabilité non fautives). Il est payé par la victime. Il n’a toutefois pas d’intérêt à conseiller la victime d’une action qui serait vaine puisque dépend de son avis l’information des fautes commises. S’il s’avérait qu’il se trompe sur les fautes commises et que la victime engageait l’action sur le fondement de son avis erroné, la victime pourrait bien évidemment s’en plaindre auprès de lui. Son avis a donc tout intérêt à être objectif.

 

Ces trois fonctions sont ainsi différentes dans leurs objectifs. Elles le sont également légalement.

 

2. Le titre d'expert est encadré légalement

 

L’expert judiciaire est soit inscrit sur une liste dressée par une Cour d’Appel ou la Cour de cassation, soit prête serment à la demande d’un magistrat lorsqu’il n’est pas inscrit sur une telle liste.

 

Le professionnel qui souhaite être inscrit sur une liste d’expert judiciaire doit solliciter son inscription auprès du Procureur de la République près le Tribunal dans le ressort duquel il exerce son activité professionnelle. Il doit ainsi justifier de ses compétences, de ses titres, de sa moralité, de son honneur, de sa probité, de son indépendance. Une demande de réinscription est également analysée par une commission composée de magistrats et d’experts. La loi du 11 février 2004 n°2004-130 organise la procédure (article 46 à 56).

 

Le titre qui n’est pas accordé facilement et ce malgré le manque d’experts actuellement.

 

Son rôle est en effet fondamental. Si le magistrat reste libre de sa décision et n’est pas contraint de suivre l’avis de l’expert judiciaire, le rapport d’expertise est rendu pour l’éclairer et il est rare que le juge contredise l’expert qu’il a lui-même désigné, sauf éléments très probants qui remettraient en question cet avis.

 

Les obligations de l’expert judiciaire sont donc nombreuses et il doit en répondre.

 

Au contraire, le médecin-conseil d’assurance est lié par un contrat avec une compagnie d’assurance qui le missionne et le paie pour sa mission.

 

Il nous apparaît ainsi que le cumul des deux fonctions est particulièrement critiquable.

 

3. Le cumul expert judiciaire et praticien conseil de compagnie d’assurance est critiquable

 

Malheureusement, il arrive que certains experts judiciaires soient également médecins conseils d’assurance.

 

Le cumul n’est pas interdit et il est difficile de le comprendre autrement que par la pénurie des experts judiciaires qui contraignent les magistrats à accepter un tel cumul.

 

Or, on voit mal comment, en toute schizophrénie, la même personne pourrait un jour être totalement impartiale à l’endroit d’une victime qui recherche la responsabilité d’un praticien et l’autre agir en qualité de défenseur de la compagnie d’assurance et du praticien en cause. 

 

C’est d’ailleurs particulièrement désagréable pour l’avocat d’être confronté à cette confusion des genres.

 

Le cabinet BOSSELER est ainsi parfois en face d’une même personne qui intervient un jour en qualité d’expert judiciaire et l’autre en qualité de médecin conseil de la compagnie. Des heurts peuvent ainsi naître lors de la réunion amiable. Le médecin conseil de la compagnie, par ailleurs expert judiciaire, se vante parfois d’avoir cette dernière qualité depuis de nombreuses années, tel un argument d’intimidation de la victime. Il est humain que lors la prochaine réunion, cette fois d’expertise judiciaire, tant l’avocat que l’expert judiciaire garderont à l’esprit les heurts intervenus en phase amiable d’un autre dossier. 

 

Les compagnies d’assurance l’ont bien compris… et le cumul des fonctions foisonne.

 

Attention toutefois, le médecin-conseil ne peut pas se dire expert.

 

4. Les praticiens conseils qui se diraient experts s’exposent à des sanctions

 

L’ordre des chirurgiens-dentistes, dans sa lettre de novembre 2022, rappelle que le praticien conseil ne peut s’accorder le titre d’expert judiciaire sans s’exposer à des sanctions et précisant « ce mésusage est propre à tromper les patients et donc passible de poursuites ».

 

Tout comme l’avocat qui ne peut pas être médecin, dentiste et qui ne peut pas également s’indiquer spécialiste d’une matière sans en avoir le titre, les praticiens désignés par les compagnies d’assurance ne sont pas des experts. Ce sont des praticiens conseils qui ont un lien économique avec une compagnie d’assurance qu’ils doivent donc satisfaire pour continuer à être missionnés par elle !