Le statut du fermage n'est pas applicable lorsqu'une convention est passée "aux fins d'exploitation temporaire d'un bien dont l'utilisation principale n'est pas agricole ou que la destination agricole doit être changée" (article L 411-2 3° du Code rural et de la pêche maritime). Il s'agit alors d'une convention d'occupation précaire.
C'est ainsi qu'une commune du département des Landes avait conclu avec un exploitant agricole une succession de contrats d'exploitation précaires d'un an, qui se renouvelaient chaque année. Afin d'éviter d'être évincé brusquement des terres, l'exploitant saisit le Tribunal paritaire des baux ruraux pour faire reconnaître l'existence d'un bail (la convention d'occupation précaire étant, selon lui, un contrat de façade). La Cour d'Appel rejette sa demande constatant que, au fil du temps, la destination du fonds avait effectivement changé, avec l'évolution de la carte communale et la construction de maisons d'habitation (sans doute à proximité). Mais, la Cour de Cassation casse l'arrêt en reprochant à la cour d'appel de ne pas avoir recherché, comme il le lui était demandé, si les parties avaient intégré (ou non), dans leurs prévisions (c'est-à-dire à la formation du contrat), un projet concret de changement de destination des parcelles, projet qui, de surcroît, serait de nature à justifier la renonciation par l'exploitant au Statut du Fermage (Cass. 3° civ., 5 oct. 2017, n° 16-15.505). La Haute juridiction en revient donc à l'intention des parties quant au changement de destination futur, lequel changement doit en outre reposer sur des éléments concrets.
En sens contraire, une commune de Lorraine avait conclu, par écrit, avec un exploitant, deux conventions d'occupation précaire, pour une durée d'un an, durée renouvelable par tacite reconduction. Près de vingt ans après, la commune notifie audit exploitant sa décision demettre fin aux conventions pour la fin de l'année civile en cours. L'exploitant saisit alors le Tribunal paritaire des baux ruraux pour faire requalifier les deux conventions en bail rural et pour faire annuler les actes de résiliation. La Cour d'appel constate toutefois :
- qu’il était entendu entre les parties que le droit d’occupation était conféré à titre précaire et qu’il s’agissait d’une condition essentielle de la convention,
- que la caducité du POS et son remplacement par le RNU ne remettait pas en cause la destination des parcelles litigieuses et que les perspectives d’urbanisation paraissaient d’autant plus probables qu’il ressortait des plans produits que les terrains étaient limitrophes de zones pavillonnaires.
La Cour ne trouve rien à redire et rejette le pourvoi (Cass. 3° civ, 10 avril 2025, n° 23-22.668).
Il est donc nécessaire d'établir, dès la conclusion de la convention, l'intention du propriétaire quant au changement de destination futur et de faire ressortir, pièces à l'appui, les éléments concrets de la perspective d'un tel changement. En outre, l'exploitant doit avoir pleinement conscience du fait que cette convention est conclue à titre précaire.
Me Eric GRANDCHAMP de CUEILLE
Email : eric.grandchamp@gmail.com

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