Quelque soit le mode d'intervention de la SAFER : attribution après préemption ou après acquisition amiable, achat puis vente avec faculté de substitution, la SAFER doit, en principe, respecter la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles et, en particulier, l'ordre de priorité défini par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Cette obligation ne ressort pas clairement du texte qui fixe les critères que la SAFER doit prendre en considération pour procéder à l'attribution des biens.
En effet, l'article R 142-1 du code rural et de la pêche maritime est très ouvert, puisque il dispose que " La SAFER attribue (les biens) aux personnes physiques ou morales, capables d'en assurer la gestion, la mise en valeur ou la préservation, compte tenu notamment de leur situation familiale, de leur capacité financière à acquérir le bien ou à le gérer, l'existence de revenus non agricoles, de leurs compétences profesionnelles ou de leurs qualités personnelles, ainsi que de l'intérêt économique, social ou environnemental de l'opération".
Autant de critères flous : en quoi telle ou telle situation familiale peut garantir une bonne capacité de gestion ? Quelles sont les qualités "personnelles" qui permettront de départager les candidats ? Quelles sont les compétences requises ? La porte est ouverte à la subjectivité.
L'application du contrôle des structures pourrait permettre de s'appuyer sur des critères plus objectifs et de rendre la décision plus acceptable.
Depuis la loi du 13 octobre 2014, lorsqu'il s'agit d'une opération SAFER, la procédure d'instruction et la décision en matière de contrôle des structures ne relèvent plus des services préfectoraux, mais du seul Commissaire du Gouvernement "Agriculture" (article L 331-2 III du code rural et de la pêche maritime). Il s'agit d'une procédure autonome.
Le texte précise que "S'il estime que, compte tenu des autres candidatures à la rétrocession ou à la mise en valeur des biens et des motifs de refus d'autorisation d'exploiter prévus à l'article L 331-3-1 (candidat répondant à un rang de priorité supérieur, opération compromettant la viabilité de l'exploitation du preneur en place, agrandissement excessif de l'exploitation du demandeur, ...), le candidat à la rétrocession ne doit pas être autorisé à exploiter les biens qu'il envisage d'acquérir, le commissaire du gouvernement "Agriculture" en fait expressément mention dans son avis. Cette mention tient lieu de refus d'autorisation d'exploiter".
De quels canaux d'information dispose ce commissaire du gouvernement pour exercer sa mission ?
Tout d'abord, il dispose d'un canal avant l'examen des dossiers par le Comité Technique Départemental par le biais de l'article R 331-13 : "La SAFER ... adresse au Commissaire du Gouvernement la liste des candidatures accompagnées de tous les éléments permettant d'apprécier la situation des candidats au regard du contrôle des structures...... Un délai minimum de 15 jours doit être respecté entre l'information faite au commissaire du gouvernement et la date de la réunion du comité technique". Il s'agit d'une disposition réglementaire qui se rapporte à la législation sur le contrôle des structures.
Il dispose ensuite d'un canal après la tenue de la réunion du Comité Technique Départemental : c'est l'article R 141-11.
"Les projets d'attribution par cession ou par substitution ou de louage par entremise ou concernant les baux SAFER de l'article L 142-4 ou de l'article L 142-6 sont soumis, avec l'avis du comité technique départemental, aux commissaires du gouvernement ("Agriculture" et "Finances") en vue de leur approbation" étant précisé que le silence gardé pendant un mois vaut acceptation du projet par les commissaires. Il s'agit là d'une disposition réglementaire propre à la SAFER.
Par ce canal, les commissaires du gouvernement ne sont informés que du seul projet proposé par le candidat retenu par le comité technique départemental.
Toutefois, compte tenu du fait qu'il a reçu, auparavant, tous les projets ( du fait de la transmission prévue à l'article R 331-13), le commissaire du gouvernement "Agriculture" est, en principe, en mesure d'établir une hiérarchie des dossiers au regard des critères "Contrôle des structures" et de vérifier si le projet retenu par le comité technique n'est pas devancé par un projet ayant un rang de priorité supérieur, répondant ainsi aux voeux de l'article L 331-2 III.
Si tel était le cas, le candidat retenu par la SAFER devrait faire l'objet d'un refus d'autorisation d'exploiter (explicite) l'interdisant alors de mettre en valeur les terres dont il a prévu de faire l'acquisition. A moins que l'attribution ne soit réexaminée par le comité technique départemental.
En pratique, une telle situation est rarissime.
D'autant que le flou est entretenu par une absence de publicité :
- tant au regard des demandes d'autorisation d'exploiter : aucune publicité n'est faite quand un candidat à l'attribution de biens par la SAFER est soumis à autorisation d'exploiter,
- qu'au regard de la décision prise par le commissaire du gouvernement "Agriculture" (qu'elle soit favorable ou défavorable) : le III de l'article L 331-2 indique que "La publicité du projet de rétrocession tient lieu de la publicité prévue au 1er alinéa de l'article L 331-3 (relative aux demandes d'autorisation d'exploiter")" et précisée à l'article R 331-4.
Or, un projet de rétrocession ne fait l'objet d'aucune publicité. Seules les attributions-rétrocessions font l'objet d'une publicité, une fois la décision prise par la SAFER.
La publicité prévue, en matière de contrôle des structures (quand il s'agit d'opérations n'impliquant pas la SAFER) pour les décisions favorables ou défavorables d'autorisation d'exploiter, par le III de l'article R 331-6 (affichage de la décision à la mairie de la commune sur laquelle sont situés les biens et publication au Recueil des actes administratifs) fait défaut en l'espèce.
Ce qui rend finalement tout recours (fondé sur le non-respect du contrôle des structures) illusoire.
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