Les personnes appelées en qualité de caution personnelle et solidaire d’un emprunteur en difficulté ne doivent jamais s’engager à payer un créancier souvent trop empressé et renoncer à faire valoir bien des exceptions et moyens de  défense sans consulter un avocat qui sera bien souvent en mesure de faire valoir à la contestation. 

 

A titre de propos introductif, il doit être rappelé que toute Banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de son client emprunteur et doit s’assurer de sa solvabilité. 

De ce fait, l’établissement ne saurait sereinement accorder un financement en faisant uniquement reposer le montage d’un dossier de prêt sur l’existence de ses recours en garantie en cas de défaillance. 

En d’autres termes, les « prêts à la garantie » sont à proscrire au moment de la signature du prêt. 

Au moment d’un éventuel contentieux lié à son rebroussement, parfois, et dès les premières difficultés rencontrées au niveau de l’emprunteur, les Banques peuvent être tentées d’appeler les cautions personnelles au dossier de crédit de manière hâtive… 

Dans l’affaire commentée, l’excellence de la garantie de la mère de sa fille en difficulté financière, en raison des revenus élevés de la caution personnelle et solidaire, ne pouvait justifier son appel au paiement du prêt personnel consenti sans le respect d’un formalisme rigoureux. 

 

LE MECANISME DE LA DECHEANCE DU TERME

Dans le jargon, la déchéance du terme est le fait pour une créance à échoir de devenir échue en conséquence de la situation du débiteur. 

En cas de défaillance matérialisée généralement par trois échéances demeurées impayées en compte, la Banque prononce la déchéance du terme contractuel. 

Le client perd alors le bénéfice du tableau d’amortissement prévoyant les échéances de remboursement et se voit exiger le paiement du capital total restant dû ainsi que des intérêts et pénalités contractuelles. 

Il convient de rappeler qu’en premier lieu, la caution peut se prévaloir des mêmes arguments d’exceptions que peut opposer l’emprunteur qu’elle garantit. 

Aussi la Banque doit avoir pris soin de sécuriser le prononcé de l’exigibilité de la dette garantie.

A défaut, l’établissement ne pourra poursuivre tant la caution que l’emprunteur défaillant garanti du seul montant des échéances demeurées impayées à leur échéance et non réclamer l’intégralité des sommes afférentes au contrat de prêt. 

En outre, il sera rappelé à la marge que le contrat de cautionnement suppose une parfaite circulation de l’information de la caution dès les premiers signes de défaillance du débiteur principal au risque de voir la caution déchargée du paiement des pénalités et intérêts de retard…

 

LA NECESSITE D’UNE MISE EN DEMEURE DE L’EMPRUNTEUR PRINCIPAL ENGAGEANT LA DECHEANCE DU TERME DONT IL BENEFICIE - SAUF CLAUSE CONTRAIRE

De manière classique, la déchéance du terme sanctionnant l’emprunteur principal n’est pas opposable à la caution qui s’est engagée en raison d’un tableau d’amortissement consenti. 

Cependant, une clause stipulée au contrat de prêt peut y déroger en prévoyant l’extension des effets de la déchéance frappant le débiteur principal à la caution le garantissant.

Il devient donc extrêmement important pour la défense de la caution d’examiner les modalités du prononcé de cette déchéance et le libellé exact de la convention signée. 

Au-delà de cette contagion, conformément au principe du droit civil, la déchéance du terme sur le débiteur principal doit respecter sa mise en demeure préalable par la formalisation d’un courrier exigeant le respect immédiat des obligations par le débiteur.  

Ici aussi, la Banque pourrait s’en exonérer et se prévaloir des simples impayés constatés en compte pour prononcer la déchéance du terme mais à la seule condition qu’une stipulation du contrat le prévoie expressément !

Telle clause n’a pas été rédigée au contrat de prêt dans l’affaire plaidée ;

Ce qu’on relevé avec rigueur les magistrats :   

 

LA DECISION EXAMINEE : L’ARRÊT DE LA COUR D’APPEL DE MONTPELLIER DU 17 AVRIL 2019

« Attendu au cas précis que l’article 5.6 du contrat prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur dans les remboursements, la Banque peut exiger le remboursement immédiat (…) 

Attendu toutefois que par application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, si comme en l’occurrence le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Or attendu que la Banque que les dispositions contractuelles rappelées ci-dessus ne dispensent pas de cette obligation, ne justifie pas avoir adressé à l’emprunteur une telle mise en demeure préalable, ni davantage lui avoir notifié la déchéance du terme  ; (…)

 

« Qu’il s’ensuit le rejet de la demande portant sur le paiement du capital comme sur la clause pénale qui en constitue l’accessoire dès lors que l’absence de mise en demeure conforme ne permet pas à la Banque de se prévaloir de la déchéance du terme et de l’exigibilité anticipée de la créance ; »

 

UNE NECESSAIRE INFORMATION LEGALE PREALABLE NECESSAIRE AU TRAITEMENT COMPLET DE L’APPEL EN GARANTIE DE LA CAUTION 

La mise en demeure de la caution suppose aussi son information préalable de la défaillance par le débiteur garanti dès son apparition. 

A défaut d’une telle information régulière par courrier la Banque se voit sanctionnée par  décharge de la caution des pénalités et intérêts de retard sur la période courant jusqu’à son bonne et due information. 

Les textes du Code de la consommation sont univoques : 

 

Article L341-1 du code de la consommation

(disposition abrogée au 01/07/2016) désormais articles L333-1 et L343-5 du même code. 

« Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. »

Ainsi en a jugé la Cour en ces termes : 

« Que de fait la banque ne produit que la mise en demeure adressée à la caution le 22 janvier 2016 sans d’ailleurs justifier, alors qu’elle situe le premier incident de paiement à l’échéance du mois d’octobre 2015, qu’elle l’ait informée de cet événement comme lui en font l’obligation les dispositions de l’article L 341-1 du code de la consommation ; »

 

DES OMISSIONS LOURDES DE CONSEQUENCES POUR LA BANQUE

Le formalisme attendu de la part de l’établissement financier est de rigueur et peut emporter la décharge totale des sommes restantes à payer. 

Dans l’affaire plaidée, la Cour d’appel a constaté que la Banque ne pouvait réclamer les sommes restantes à rembourser au-delà des seules échéances antérieurement échues comme planifiées au tableau d’amortissement du prêt. 

Du côté de la débitrice principale défaillante, celle-ci faisait l’objet d’une procédure de rétablissement personnel devant la Commission de surendettement de la Banque de France, procédure de rétablissement personnel dont on connait l’issue se résumant en un passage comptable du prêt en pertes pour le prêteur…

La Banque n’ayant pas attendu la fin de la procédure de rétablissement personnel pour lancer ses poursuites, celle-ci ne pouvait se prévaloir de cette procédure parallèle toujours en cours pour constater la déchéance du terme espérée. 

A ce titre, le prêteur n’avait plus d’espoir d’obtenir remboursement par sa débitrice principale. 

Du côté de la caution personnelle et solidaire poursuivie, la déchéance du terme n’était pas régulière, comme vu précédemment, à défaut de courrier de mise en demeure adressé, non à la caution, mais à l’emprunteur principal rappelant qu’aucune clause au contrat n’exonérait la Banque de l’envoi d’un tel courrier. 

Pire, la caution personnelle avait de bonne foi entrepris de rembourser une partie des sommes suivant sa propre mise en demeure par la Banque. 

Or, la Cour d’appel ayant constaté qu’il n’existait pas de dette exigible comme échue au titre de l’emprunteur principal, la Banque fût condamnée à rembourser l’intégralité des sommes versées par la caution entre les mains de l’Huissier de justice mandaté pour le recouvrement, outre l’article 700 du code de procédure civile !

 

En conclusion, les personnes appelées en qualité de caution personnelle et solidaire d’un emprunteur en difficulté ne doivent jamais s’engager à payer un créancier souvent trop empressé et renoncer à faire valoir bien des exceptions et moyens de défense  sans consulter un avocat qui sera bien souvent en mesure de faire valoir à la contestation. 

 

Maître Fabien CAUQUIL -  AVOCAT

DEA de Droit des affaires

www.avocat-cauquil.fr