L'infraction de détention d'image pédopornographique implique parfois un débat sur des paramètres informatiques

Ce client m'aura décidément tout fait. 

Impliqué dans une affaire de départ en Syrie pour aller y "approfondir sa pratique de l'Islam", capable de garder dans son ordinateur des documents aussi accablants qu'un manuel d' Al Quaida sur la préparation des explosifs, "par simple curiosité", ou encore une version de "Mein Kampf" par "documentalisme historique" (notons néanmoins que cet ouvrage a fait l'objet d'une réédition allemande dans cet objectif, ce qui n'a pas manqué de soulever des polémiques), voilà qu'en plus, un de ses supports informatiques était bourré d'images pornographiques qui allaient dans toutes les variations du glauque, entre scène de crypto zoophilie, et outrages sexuels sur des enfants.

Le juge d'instruction anti-terroriste, qui certes en avait vu d'autres, n'avait pas paru plus étonné que ça, me disant placidement que ce défoulement numérique était "assez fréquent" chez les gens se posant des interdits religieux très forts, et avait disjoint cette affaire de son dossier, afin que ses débats ne soient pas pollués par cette infraction là.

L'infraction dont il s'agit dans ce dossier disjoint est donc la détention d'image pornographique d'un mineur.

Et en l'occurrence, il ne risquait pas d'y avoir de ces discussions (qu'il y a parfois) sur l'aspect éventuellement trompeur d'adolescents faisant penser à de jeunes adultes, car là , c'était du mineur vraiment très mineur. Et donc des images d'une perversion majeure.

Cette infraction est particulière, car il lui est souvent objecté que la vision d'images n'implique pas l'assentiment ; qu'elle peut procéder d'une démarche analytique avec un recul total, que, à la limite, plus c'est extrême, plus c'est intéressant. C'était d'ailleurs la ligne de défense de mon client (sans succès aucun) concernant ses lectures "terroristes" dans le dossier syrien, qui, elles, n'étaient pas poursuivies en elles-mêmes, mais pesaient indirectement de tout leur poids dans la qualification de l'incertaine infraction de participation à une association de malfaiteurs (mais c'est une autre histoire).

Or le législateur a considéré que parmi les images horrible, il y avait une certaine catégorie d'images dont la vision, et surtout la conservation, ne pouvait pas procéder d'une analyse froide. 

J'ai donc rapidement indiqué à mon client que cette ligne de défense était inopérante.

Un autre débat fréquemment soulevé dans ce type de poursuites avait en revanche de quoi être débattu ici. Il s'agissait de l'incertitude affectant les conditions dans lesquelles ces images étaient arrivées sur le support de mon client.

En effet, il n'est pas indifférent de noter qu'il s'agissait en l'espèce d'un disque dur amovible, qui en plus, avait voyagé de lieux en lieux, et probablement de mains ou mains, puisque le dossier d'instruction, qui pour cet aspect là, au moins, apportait une aide, prouvait que la voiture dans laquelle il avait été saisi avait fait des milliers de kilomètres et transporté beaucoup de personnes différentes.

L'expertise informatique était impuissante à en dire plus, et même assez sommaire, puisqu'elle ne renseignait pas sur le chemin des fichiers (date et mode d'accès à l'ordinateur initial, date et mode de transfert sur le disque dur externe), et ne pouvait se raccrocher aux habituels moyens d'incriminer les internautes, tels que le caractère explicite des mots clés, ou encore le classement des fichiers, la durée de conservation, etc. Il n'y avait aucune "prise" sur mon client.

Il n'en fallait pas moins une certaine indépendance d'esprit aux magistrats pour accepter de relaxer un prévenu dont le disque dur contenait des images de ce type; ils l'ont eue. Il faut parfois reconnaître à la justice ses qualités.

Il faut dire aussi qu'au moment où ils ont jugé cette affaire disjointe, le client s'était entre temps fait "allumer" dans celle d'association de malfaiteurs. De quoi atténuer les "scrupules", même si le débat sur ce point est sans fin.

Surtout quand je fais face à l'incrédulité quasi unanime des gens "normaux" (donc non praticiens du droit pénal) à l'évocation de ce type d'affaire. Pour eux, le simple fait de chercher les arguments de défense précités, même recevables techniquement, c'est inacceptable, c'est quasiment comme participer à l'infraction. 

Ils oublient qu'un jour, c'est peut-être eux qui seront face au juge pénal, c'est peut-être leur ordinateur qui sera fouillé, et contiendra des documents qui les obligeront à s'expliquer (même si ce ne sont pas des images de ce type). Alors, le raisonnement qui aura conduit à écarter la condamnation de mon client, leur servira peut-être à ce moment là. C'est aussi pour eux, pour tous, qu'un avocat défend une affaire particulière, et que les juges peuvent prendre dans celle-ci une décision que sur le coup, la morale réprouve.