Parfois, il faut juste un peu de temps pour que le tribunal se fasse au mode de vie de notre client.

C'est vrai que ma cliente parle fort. Une tornade zaïroise, le verbe haut, à se fâcher rapidement avec tous ceux qui ont le malheur de la contrarier. Mais ce n'est qu'une façon de s'exprimer, elle a tellement d'affection à donner... Bien plus grande que tous les petits défauts "débiles" qu'on peut lui trouver.

Alors quand les assistantes sociales font part de leur "peur" vis à vis de son caractère impulsif, je signale qu'il ne faudrait pas confondre différence de style de vie avec déséquilibre psychologique. Je me revois même, en audience, dire à la juge des enfants que "évidemment, si les assistantes sociales sont toutes fraîchement sorties de l'école, habitent le 20ème arrondissement, voire pire, le 15ème, elles vont sursauter dès que ma cliente se met à chanter façon gospel quand elle revoie ses enfants, ou leur lance un regard sombre quand elles lui demandent si elle vraiment "une bonne mère". Mais tout le monde n'est pas obligé d'avoir une vie mortellement ennuyeuse". 

Bon, c'est du déterminisme social facile, mais ça fait du bien. Un peu marre des rapports de l'aide sociale à l'enfance qui pointent un t shirt en boule par terre dans la chambre des enfants pour dire que la mère est dépassée, parce qu'il n'y a aucun autre indice.

Bien sûr, le dossier ne se résumait pas à cela. Ma cliente avait un parcours compliqué, entre foyers d'accueil où elle se disputait avec le gardien parce qu'elle ne fermait pas la lumière à 22h, et concubinages à durée déterminée, parce qu'après tout, la loi n'oblige pas à être marié à vie. 

Mais à aucun moment, elle n'a perdu pied, ses enfants ont toujours été propres, bien élevés, en bonne santé. Alors l'ordonnance de placement provisoire suivi d'un jugement dans le même sens, sans qu'on ait eu beaucoup le temps de le préparer, avait laissé un goût injuste.

A ce moment se pose une question stratégique, comme dans de nombreuses matières : on saisit la Cour d'appel, et on attend, euh.. une éternité insupportable ? Ou bien on sourit à l'ASE, en attendant la prochaine audience devant le Juge des enfants ? Evidemment, c'est ce qu'on a fait. Juges d'appel, restez en paix, vos délais atroces vous protègent (et c'est bien le but).

Bien nous en a pris : 4 mois après le placement, on obtenait le jugement de mainlevée.

La justice de Bobigny, elle au moins, n'a pas perdu beaucoup de temps dans cette affaire pour s'assurer que finalement, il n'y avait pas lieu de s'affoler. Par les temps qui courent, on ne va pas faire la fine bouche.