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Le Protocole n°15 à la Convention européenne des droits de l’homme a rédui à 4 mois, et non plus 6, le délai durant lequel la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH ou CEDH) peut être saisie après épuisement des voies de recours au niveau national. Ce délai de saisine de 4 mois est effectif depuis le 1er février 2022. Cette actualité donne l’occasion de faire un tour d’horizon des conditions qui sont le plus souvent opposées par la Cour EDH à l’occasion de dépôt de requêtes dites « individuelles ».

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a pour mission de vérifier que les droits et les garanties prévus par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales ( dite « Convention européenne des droits de l’Homme » ou Conv EDH) sont respectés par les États. Ainsi, toute personne physique, ONG ou groupe de personnes se plaignant d'une violation de la Convention européenne des droits de l'Homme peut saisir la CEDH d’une requête individuelle.

Il est important de comprendre que la Cour ne se comporte pas en juge d’appel vis-à-vis des tribunaux nationaux : elle ne rejuge pas les affaires et n’a pas compétence pour annuler, modifier ou réviser leurs jugements.

Elle n’a vocation à traiter les requêtes qu’autant que les requérants aient été personnellement et directement victimes d’une violation des droits et garanties prévus par la Convention ou ses protocoles. La violation doit avoir été commise par l’un des États liés par la Convention.

L’article 35 de la Conv EDH définit les conditions de recevabilité afin de pouvoir saisir valablement la Cour.

Parmi les nombreuses conditions de recevabilité définies par cet article, les trois conditions qui suivent sont les plus fréquemment opposées par la Cour EDH, entrainant des décisions d’irrecevabilité.

1.     Condition d’épuisement des voies de recours interne

 L’article 35 de la Conv EDH exige une condition préalable à la saisine de la Cour EDH impliquant que le requérant ait épuisé les voies de recours en droit national. Autrement dit, le justiciable doit avoir préalablement exercé tous les recours qui auraient pu porter remède à la situation dans l’État en cause à condition que ces recours soient utiles, efficaces et adéquats.

Il doit en outre avoir invoqué « en substance » une violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme à l’occasion de ces recours. La Cour EDH examine si le requérant a soulevé les griefs invoqués dans le cadre de sa saisine, c’est-à-dire s’il a invoqué devant les juridictions internes des dispositions de droit interne ayant un contenu équivalent à celui des dispositions de la Convention dont il invoque la violation ou s’il a soulevé implicitement le grief invoqué.

L’objectif de cette condition préalable vise à respecter la souveraineté des États en leur permettant de remédier aux griefs par le biais des juridictions nationales.

Ainsi, en France, pour satisfaire à cette condition, il est nécessaire d’avoir formé un pourvoi en cassation ou un recours devant le Conseil d’Etat, ou à tout le moins d’avoir introduit une demande d’aide juridictionnelle sollicitant la désignation d’un Avocat à la Cour de cassation ou au Conseil d’Etat.

Le respect de cette condition posée par l’article 35 de la Conv EDH n’est pas exigé dans certaines hypothèses, notamment lorsque le requérant allègue être victime de tortures.

2.     Condition relative au délai pour saisir la CEDH à partir de la décision interne définitive : délai réduit à 4 mois

L’article 35 de la Conv EDH prévoyait jusqu’à présent que les justiciables disposaient d’un délai de 6 mois à partir de la décision interne définitive pour pouvoir saisir valablement la Cour.

Le Protocole n°15 à la Conv EDH réduit à 4 mois ce délai pour saisir la CEDH après épuisement des voies de recours au niveau national. Ce nouveau délai de saisine de 4 mois sera effectif le 1er février 2022.

Attention, il est important de noter que le point de départ de ce délai n’est pas le jour où le justiciable a eu connaissance de la décision, mais bien 4 mois (calendaires) à compter du jour où la décision a été rendue. Il faut donc être vigilant, notamment dans l’hypothèse d’une cassation partielle : le point de départ à prendre en compte est le jour où est rendue la décision qui porte strictement sur le grief présenté devant la CEDH.

Dans les faits, ce délai est très court, et appelle à une particulière vigilance.

Ceci est d’autant plus vrai dans la mesure où si un recours est jugé incomplet ou fait l’objet d’un rejet administratif pour non respect du formalisme exigé en application des dispositions de l’article 47 du Règlement de la Cour EDH, il ne sera pas considéré comme ayant suspendu le délai de 4 mois.

Autrement dit, si la Cour constate une irrégularité tenant au formalisme exigé par l’article 47 du Règlement de la Cour EDH, il sera toujours possible au requérant de régulariser sa saisine en introduisant de nouveau un recours mais il devra le faire dans le délai de 4 mois précité, lequel n’aura pas été interrompu par la première saisine jugée irrégulière.

Pour plus d’informations à cet égard, vous pouvez consulter mon article portant sur la méthodologie pour saisir la Cour EDH.

3.     L’irrecevabilité tirée du défaut manifeste de fondement

L’article 35 de la Conv EDH énonce en son §3 :

« La Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite en application de l’article 34 lorsqu’elle estime :

a) que la requête est incompatible avec les dispositions de la Convention ou de ses protocoles, manifestement mal fondée ou abusive ; […] »

En pratique, de nombreuses requêtes sont effectivement rejetées car elles ne sont pas assez étayées, ou car la matérialité/ la preuve des faits n’est pas rapportée,

La Cour considère alors, qu’intrinsèquement, l’affaire ne justifie pas une saisine de la Cour.

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Ainsi, il est important que toute requête devant la Cour EDH respecte les conditions de forme et de recevabilité exigées par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales et par le Règlement de la Cour.

 

En effet, ce n’est qu’après avoir examiné le respect des conditions de forme et de recevabilité d’une requête que la Cour EDH notifie la requête au gouvernement défendeur si elle n’a pas rejeté la requête au stade de l’examen sur la recevabilité.

Fanny de Beco- Avocate

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