La récente décision du Tribunal judiciaire de Paris, rendue le 13 juin 2024 sous la référence 23/08957, illustre les questions complexes soulevées par la substitution d’un engagement de construire à un engagement de revendre. Le présent commentaire vise à analyser les implications juridiques de cette décision, en mettant l’accent sur deux aspects essentiels : l’impossibilité d’obtenir une restitution complémentaire des droits de mutation et l’importance du formalisme dans la demande de substitution.

I. L’impossibilité de restitution complémentaire des droits de mutation : l’engagement de revendre est réputé acquis

Une SAS, dans le cadre de l’acquisition d’un ensemble immobilier, s’était placée sous le régime de faveur prévu à l’article 1115 du Code général des impôts (CGI). Ce régime, appelé à tort par le tribunal "régime des marchands de biens" permet à tous les assujettis à la TVA de bénéficier d’un taux réduit de droits de mutation à la condition de revendre les biens dans un délai de cinq ans.

La société a, par un acte complémentaire notarié du 19 janvier 2022, substitué cet engagement de revendre par un engagement de construire, espérant ainsi obtenir une restitution des droits de mutation déjà acquittés. Cette demande a été rejetée par l’administration fiscale, et le Tribunal judiciaire de Paris a confirmé ce rejet.

Il convient de rappeler qu'une fois pris, l'engagement de revendre est réputé acquis et ne peut être annulé par une simple substitution. En effet, le CGI est clair sur ce point.

D'une part, la substitution vaut accomplissement de l'engagement de revendre (dernier alinéa du II du A de l'article 1594-0 G du CGI). D'autre part, le non-respect de l’engagement de revendre dans les délais impartis entraîne l’application du tarif de droit commun et le paiement d’un complément de droits, conformément à l’article 1840 G ter du CGI. Le texte de l’article 1115 du CGI ne prévoit aucune possibilité de restitution des droits déjà acquittés en cas de substitution de l’engagement de revendre par un autre engagement, tel que celui de construire.

Ainsi, le refus de restitution prononcé par l’administration fiscale et confirmé par le Tribunal judiciaire repose sur une lecture stricte de la législation fiscale : l’engagement de revendre, une fois souscrit, doit être respecté ou entraîne l’application du paiement des droits et intérêts de retard. 

II. Le formalisme de la demande de substitution : une exigence rigoureuse

Au-delà de l’impossibilité de restitution de la taxe sur la publicité foncière, la décision du Tribunal judiciaire de Paris met en lumière l’importance du formalisme requis pour une substitution d’engagements en matière fiscale. Dans cette affaire, le tribunal a souligné que la société SAS [Adresse 1] n’avait pas respecté les conditions de forme prévues par la législation fiscale, en particulier celles prévues à l’article 266 bis de l’annexe III au CGI.

Cet article impose aux contribuables souhaitant substituer un engagement de construire à un engagement initial de revendre de souscrire une déclaration précise, mentionnant l’objet et la consistance des travaux prévus, ainsi que le montant des droits dont l’exonération est subordonnée à leur exécution.

Dans l’affaire en question, le tribunal a constaté que la société n’avait pas fourni cette déclaration en bonne et due forme. Cette omission a contribué au rejet de sa demande, illustrant l’importance du respect strict des formalités requises. La rigueur du formalisme exigé par le CGI s’explique par la nécessité de garantir la transparence des engagements pris par les contribuables et de permettre à l’administration fiscale de les contrôler efficacement.

Le tribunal a également relevé que l’acte d’acquisition mentionnait expressément que « à défaut de revendre les biens dans le délai sus-indiqué, il [la société] entend être soumis au tarif prévu de droit commun ». Cette mention, loin d’être anodine, constitue une reconnaissance explicite par le contribuable de son obligation de revendre, sans possibilité de substitution ou de restitution des droits.

Conclusion

La décision du Tribunal judiciaire de Paris du 13 juin 2024 apporte un éclairage précieux sur les limites de la substitution d’un engagement de construire à un engagement de revendre. Elle souligne l’impossibilité d’obtenir une restitution de la taxe sur la publicité foncière dans ce cadre, en raison du caractère irrévocable de l’engagement initial de revendre. De plus, celle-ci met en évidence l’importance du respect du formalisme requis pour toute substitution d’engagements en matière fiscale. Les contribuables doivent veiller à respecter scrupuleusement les conditions légales et formelles sous peine de se voir déboutés de leurs demandes, comme ce fut le cas pour la société.

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