Dans cet arrêt la cour d’appel de Versailles du 27 janvier 2022 (RG 19/02284), considère que le forfait jours d’une expert comptabilité de Novartis Pharma est privé d’effet du fait de l'absence d'entretien sur la charge de travail.

2.2) Sur le forfait jours privé d’effet et les heures supplémentaires

Dans ces conditions, le manquement n’est pas caractérisé.

-                     l’illicéité de la convention de forfait en jours : elle explique qu’elle n’a pas bénéficié d’unsuivi régulier de sa charge de travail, ni d’un entretien annuel spécifique.

L’employeur répond que Mme X n’a jamais fait état d’une surcharge de travail.

Aux termes des dispositions des articles L.3121-39 et suivants du code du travail dans leur version applicable en l’espèce, la conclusion d’une convention individuelle de forfait en jours doit être prévue par un accord d’entreprise ou, à défaut, par un accord de branche. Elle doit en outre être établie par écrit. Enfin, il appartient à l’employeur d’organiser un entretien annuel portant sur l’organisation du travail, la charge de travail et l’articulation vie privée / vie professionnelle.

Il ressort du contrat de travail signé par les parties le 2 septembre 2014 que Mme X a été soumise à une convention de forfait de 218 jours. Or, comme le soutient la salariée, l’employeur ne justifie pas avoir organisé d’entretien annuel portant sur sa charge de travail. L’employeur ne saurait arguer des stipulations du contrat de travail suivant lesquelles « le Collaborateur veillera à alerter la Société s’il s’avérait que sa charge de travail ne lui permettrait pas de respecter les durées légales maximales de travail effectif, à savoir :

•  48 heures par semaine

•  10 heures de travail par jour ».

En effet, l'employeur ne peut faire reposer sur le salarié le contrôle de la charge de travail qui lui incombe.

La convention de forfait en jours est par conséquent inopposable à la salariée. Néanmoins, ce manquement de l’employeur perdure depuis la conclusion du contrat, dont il n’a manifestement pas empêché la poursuite pendant 3 ans et demi. Il ne peut donc justifier la prise d’acte.

-                     le non-paiement des 774,80 heures supplémentaires : elle produit un décompte quotidien et hebdomadaire de ses heures supplémentaires qu'elle dit avoir accomplies depuis le 20 février 2015.

L’employeur répond que le tableau produit par la salariée déclenche des heures supplémentaires à partir de la 29ième heure et non à partir de la 36ième heure.

Selon l’article L 3171-4 du code du travail, « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme X communique en pièce n°32 un décompte quotidien et hebdomadaire de ses heures supplémentaires récapitulant :

-  L’heure de début de sa journée de travail ;

-  L’heure de fin de sa journée de travail ;

-  Le nombre d’heures supplémentaires majorées à 125 % et à 150 %.

La salariée présente ainsi, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies permettant à l’employeur d’y répondre utilement.

Or, il doit être rappelé que les heures supplémentaires se décomptent sur la semaine civile, alors que Mme X les a calculées, certaines semaines, par jour (ex : le 2 janvier 2015, les semaines du 9 novembre 2015, des 16, 30 mai 2016, 26 juin 2017). En outre, certains jours, elle ne communique pas ses horaires (ex : les 10, 11, 12 mars, 8 avril, 17 septembre, 20 novembre 2015, 7 janvier, 16 mars, 28 avril, 12, 19 octobre, 9, 16, 23 novembre 2016, 15, 22 février, 8 mars, 10 mai, 15, 29 novembre 2017).

Par ailleurs, la cour constate que Mme X n’a décompté aucune pause déjeuner.

Enfin, comme le relève l’employeur, il apparaît que les calculs réalisés par la salariée sont affectés d’erreurs puisqu’elle a, certaines semaines, retenu, au titre des majorations, un nombre d’heures supérieur à celui du nombre total d’heures supplémentaires. Ainsi, la semaine du 11 au 17 janvier 2016, Mme X considère que l’employeur lui est redevable de 8 heures supplémentaires majorées à 25% alors qu’elle a indiqué n’avoir réalisé que 6,10 heures supplémentaires. Il en va de même pour la semaine suivante ; la salariée réclame le paiement de 8 heures supplémentaires majorées à 25 % alors qu’elle indique n’avoir accompli que 6,45 heures supplémentaires. La même erreur affecte les calculs des semaines des 7 et 21 mars 2016.

Une autre erreur altère le calcul de la semaine du 28 mars 2016 puisque Mme X retient 11,70 heures supplémentaires alors qu’elle indique avoir travaillé 39,70 heures.

Il en ressort que la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le rappel de salaire dû à Mme X au titre des heures supplémentaires à la somme de 1 245 euros, outre les congés payés afférents, soit 124,50 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point. Ce manquement ne peut cependant justifier la prise d’acte compte tenu du volume limité d’heures supplémentaires accomplies sur une période de 3 années.

- le travail dissimulé : la salariée soutient que l’employeur ne pouvait ignorer qu’elle travaillait ainsi sans être déclarée ni rémunérée, de sorte qu’il ne fait aucun doute qu’il s’est soustrait intentionnellement au paiement de son salaire.

Cependant, le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi par l’employeur n’est pas démontré, dès lors d’une part que Mme X était soumise à une convention de forfait en jours n’impliquant pas un contrôle des horaires de la salariée et d’autre part, que le volume d’heures supplémentaires retenu sur la période de 3 ans est très limité.

Dans ces conditions, le manquement n’est pas établi et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire de ce chef.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme X échoue à rapporter la preuve d’un ou de plusieurs manquements imputables à l’employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a fait produire à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme X les effets d’une démission et débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.

Si l’employeur sollicite, aux termes du dispositif de ses écritures, la condamnation de Mme X au paiement de la somme de 13 412,88 euros correspondant au préavis que cette dernière aurait dû effectuer, la cour constate que cette demande ne fait l’objet d’aucun développement dans les motifs des conclusions de l’employeur en méconnaissance des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

 

En outre, en page 20 de ces écritures, il est « demandé à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de

prud’hommes de Nanterre et ainsi débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes et de la condamner à verser à la société la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ».  Il n'y a donc pas lieu à statuer sur cette demande.

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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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