La vente en état futur d’achèvement (VEFA) se caractérise par le fait que le bien vendu, l’appartement par exemple, n’existe pas encore physiquement au jour de la signature de l’acte notarié. L’acquéreur devient propriétaire du bien au fur et à fur de sa construction, raison pour laquelle le prix est payé progressivement, au rythme des appels de fonds.

Naturellement, l’acte de vente précise le délai dans lequel l’appartement doit être livré à l’acquéreur. Il est cependant fréquent de constater que ce délai n’est pas respecté par les promoteurs et que les biens achetés en VEFA sont souvent livrés avec retard.

Que se passe-t-il alors pour l’acquéreur ?

 

L’acquéreur est-il indemnisé en cas de retard de livraison ?

Pas systématiquement, bien au contraire ! Rien n'oblige en effet le promoteur à verser à son client des pénalités de reatrd si la livraison du bien n'intervient pas dans le délai prévu.

Il n’existe donc que rarement dans les contrats de VEFA une clause prévoyant le versement d’une indemnité à l’acquéreur si les clés ne lui sont pas remises dans le délai indiqué. Et, lorsqu’une telle clause a été insérée au contrat, sa rédaction peut suspendre. Nous avons ainsi relevé une pénalité de retard fixée à « 2% du prix de vente toutes taxes comprises par année de retard » (sic !).

En l’absence de pénalité contractuelle, ou si la pénalité est ridicule, l’acquéreur devra placer sa demande indemnitaire sur le terrain de la responsabilité contractuelle et justifier de l’existence des préjudices subis et de leur quantum.

Des acquéreurs ont même pu obtenir la résolution de la vente, c’est-à-dire son annulation en raison d’un retard de livraison de près d’un an.

Mais, en défense, le promoteur pourra évoquer les « causes légitimes de report du délai de livraison » prévues au contrat de vente : intempéries, faillites d’entreprises, etc. Et on lit dans certains actes que « Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du BIEN d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier ». Un mois d’intempéries justifierait un retard de livraison de 2 mois…

Rappelons que les acquéreurs ne sont pas obligés d’accepter de telles clauses et qu’ils peuvent négocier ces points, mais à condition de le faire en temps utile, c’est à dire avant de s’engager en signant le contrat de réservation.

 

L’acquéreur doit-il rembourser le prêt si le bien n’est pas livré ?

Oui, hélas ! En revanche, pour limiter les conséquences financières du retard de livraison, l’acquéreur, emprunteur, pourra solliciter du Tribunal qu’il ordonne la suspension du remboursement du prêt souscrit pour financer l’opération.

L’article L. 312-19 devenu L. 313-44 du Code de la Consommation prévoit cette suspension dans les conditions suivantes :

« Lorsqu’il est déclaré dans l’acte constatant le prêt que celui-ci est destiné à financer des ouvrages ou des travaux immobiliers au moyen d’un contrat de promotion, de construction, de maîtrise d’œuvre ou d’entreprise, le tribunal peut, en cas de contestation ou d’accidents affectant l’exécution des contrats et jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de prêt sans préjudice du droit éventuel du prêteur à indemnisation. Ces dispositions ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par l’une des parties ».

Et la jurisprudence a consacré le principe de l’applicabilité de ce texte à la vente en état futur d’achèvement (Cass. 1ère civ., 18 déc. 2014, n° 13-24.385, X. c/ Sté BNP Paribas Personal Finance :JurisData n°2014-031611 ; Cass. 1ère civ., 9 décembre 2015, n° 14-29.960).

La Cour de cassation approuve ainsi la décision rendue par la Cour d’appel de RIOM qui a « relevé que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement présente une nature hybride puisqu'il porte sur la vente mais aussi sur la construction d'ouvrages, dont l'acquéreur devient propriétaire au fur et à mesure de leur exécution (…) et décidé, à bon droit, que ledit contrat devait être assimilé aux contrats visés par l'article L. 312-19 du code de la consommation »

Ultime évolution observée de ce processus jurisprudentiel, le Tribunal de grande instance de Paris (2e chambre, 2e section, 23 février 2018, n° 16/15284) a admis la suspension du prêt dans le cadre d’un investissement « MALRAUX » : achat d’un bien ancien qui doit faire l’objet de travaux de rénovation.

Le Tribunal explique ainsi que « l’arrêt du chantier et l’inaptitude des ouvrages dont les travaux n’ont été que partiellement réalisés à une utilisation normale déséquilibrent gravement et durablement l’économie des opérations financières dans lesquelles M. X s’est engagé.

Il convient en conséquence d’ordonner la suspension du prêt ».

L’on ne peut que saluer cette évolution vers plus de protection des acquéreurs victimes de retard de livraison en VEFA..