Le Code de l'urbanisme comporte des dispositions dites pénales visant à réprimer les manquements à la réglementation d'urbanisme. Bien qu'il s'agisse le plus souvent de la réalisation de travaux sans autorisation (permis de construire, déclaration préalable), la violation des règlements d'urbanisme est visée par ces dispositions pénales (Code de l'urbanisme, articles L480-4 et suivants).

Outre la méconnaissance des règles de procédure (défaut d'autorisation), la méconnaissance des règles de fond est également sanctionnable, ce qu'a prévu le législeur en disposant que "En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations mentionnées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des plans locaux d'urbanisme" (Code de l'urbanisme, article L610-1), et "Il se déduit de ces textes que le fait d'affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d'urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d'une autre affectation constitue une violation de ce plan et le délit prévu à l'article L. 610-1 du code de l'urbanisme" (Cour de cassation, 27 février 2024, n°23-82.639).

Ainsi, par exemple, il a déjà été jugé que l'implantation de caravanes et d'un mobile-home prohibés par le PLU pouvait être sanctionnée par ces dispositions (Cour de cassation, 15 janvier 2019, pourvoi n° 17-86.729). La mise en conformité avec le PLU peut alors être ordonnée par le juge (Code de l'urbanisme, article L480-5), avec en sus une astreinte (Code de l'urbanisme, article L480-7).

Dans une nouvelle application, la Cour de cassation confirme la Cour d'appel de Rennes qui avait ordonné la démolition et la condamnation à une amende civile d'un ostréiculteur qui avait transformé une partie de la construction autorisée comme étant aquacole en restaurant agrémenté d'une terrasse : 

"28. En effet, d'une part, en application des dispositions des articles L. 610-1 et L. 480-5 du code de l'urbanisme, les infractions aux dispositions des plans locaux d'urbanisme peuvent donner lieu à mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la seule circonstance que l'infraction porte sur l'utilisation de bâtiments de manière non conforme à celle autorisée par le PLU ne faisant pas obstacle à ce qu'une telle mesure à caractère réel soit prononcée." (Cour de cassation, 6 février 2024, pourvoi n° 23-81.748). 

La Cour souligne de manière particulièrement intéressante que l'utilisation de bâtiments de manière non conforme à celle autorisée par le PLU peut être sanctionnée par la remise en état des lieux.

Pour déterminer l'utilisation qui est faite du bâtiment, elle procède par un faisceau d'indices et retient notamment que :

  • les exploitants proposent à leur clientèle des produits comprenant un apport substantiel de denrées alimentaires d'une provenance extérieure à sa production, en sorte que leur activité est passée progressivement de la dégustation des produits aquacoles issus de l'exploitation à la restauration,
  • la partie supérieure du bâtiment et la terrasse en bois implantée sur la partie du domaine maritime étant consacrées à cette activité commerciale de restauration,
  • ces prestations de restauration, compte tenu de l'importance des moyens qui leur a été consacrée et des achats dépourvus de tout lien avec l'activité de production ostréicole qu'elles ont nécessité, et leur prédominance sur cette dernière d'un point de vue économique, ne sont pas le prolongement de cette activité.

Outre ce cas d'espèce, il est probable que l'administration se saisisse de cet outil dans d'autres situations, par exemple en cas de changement de sous-destination en violation du PLU, alors même qu'aucune déclaration préalable n'est requise à ce titre. Le même faisceau d'indice pourrait être transposé pour réprimer l'exploitation en AirBNB, en co-living ou encore en dark store dans les cas où il n'y aurait pas formellement de changement de destination et faire ordonner la mise en conformité des constructions. Cela constituerait la suite logique après une mise en demeure par le Maire non suivie d'effet, le Maire étant tenu de dresser procès-verbal en cas d'infraction et de provoquer les poursuites (Code de l'urbanisme, article L480-1).

A noter que, dans un autre arrêt du même jour, la Cour précise que l'astreinte dont peut être assortie l'injonction de remise en état est "une mesure comminatoire, qui a pour objet de contraindre son débiteur à exécuter une décision juridictionnelle et non de le sanctionner à titre personnel, n’a pas, en l’absence de tout texte le prévoyant, à être motivée au regard des ressources et des charges du prévenu" (Cour de cassation, 6 février 2024, n°22-82.833), ce qui ne manquera pas d'aggraver la difficulté lorsqu'il sera question à la fois de financer la mise en conformité, d'en porter les pertes d'exploitations mais également les frais de l'astreinte. 

Pour les exploitants, il est donc désormais indispensable de se faire assister sur la régularisation des locaux nécessaires à l'activité, et ce d'autant plus lorsqu'il y a un projet de cession ou d'extension.

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer et éviter les risques induits dans le cadre de votre projet ;
  • Pour vous accompagner dans la régularisation, et le cas échéant, en cas de litige lié aux mesures adoptées par l'administration locale ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement votre projet en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques liés à la réglementation d'urbanisme.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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