La société BEAR ENVIRONNEMENT a été condamnée par le tribunal des activités économiques de Versailles le 11 juin 2025 pour travaux non conformes.
Ce jugement est l'occasion de revenir sur les règles en la matière.
I. Faits et procédure
Une personne avait contracté avec la société BEAR ENVIRONNEMENT pour l’installation de panneaux photovoltaïques, initialement prévue sur toiture (30 000 €), puis finalement sur une pergola attenante.
Une fois les travaux réalisés, procès-verbal de réception a été signé avec réserves, mais ces dernières n'ont pas été levées par la société BEAR ENVIRONNEMENT.
Des désordres sont ensuite apparus (fléchissement de la poutre principale soutenant la toiture de la pergola), et malgré plusieurs mises en demeure, la société BEAR ENVIRONNEMENT n’a pas remédié aux malfaçons, qui ont été repris par une société tierce aux frais de l'acheteur.
L'acquéreur a donc assigné la société BEAR ENVIRONNEMENT devant le tribunal de commerce de VERSAILLES, sollicitant notamment une réduction du prix, le remboursement de frais de reprise, ainsi que des dommages-intérêts pour perte de bénéfice et préjudice moral.
II. Les demandes
L'acquéreur fondait principalement son action sur l’article 1217 du Code civil, qui offre plusieurs sanctions en cas d’inexécution contractuelle : réduction du prix, exécution forcée, résolution, dommages-intérêts… Il sollicitait :
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12 400 € au titre de la réduction du prix (dépose des panneaux),
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3 801,60 € pour les travaux de confortement de la pergola,
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1 752,87 € pour perte de bénéfice de l’installation,
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10 000 € pour préjudice moral,
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ainsi que 5 000 € au titre de l’article 700 CPC.
III. La décision du tribunal
Le tribunal a adopté une approche mesurée et restrictive :
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Réduction de prix : il l'accorde à hauteur de 12 400 €, en raison du retrait nécessaire des panneaux photovoltaïques.
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Reprise de la pergola : il l'accorde, mais limite les frais à 1 100 €, car cette somme correspond au coût convenu initialement, les travaux supplémentaires réalisés par une entreprise tierce excédant le prix contractuel ne pouvaient être imputés à BEAR ENVIRONNEMENT.
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Perte de bénéfice : il la rejete, le tribunal rappelant que la rentabilité d’une installation photovoltaïque ne constitue une caractéristique essentielle que si elle est contractuellement stipulée (art. L.111-1 C. conso.). Or, aucun engagement précis de la société n’était établi.
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Préjudice moral : il le rejete également faute de preuve et de démonstration du quantum.
Ainsi, la condamnation principale s’élève à 13 500 € (12 400 + 1 100).
BEAR ENVIRONNEMENT est condamnée également à rembourser en partie les frais judiciaires dépensés.
IV. QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?
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Article 1217 du Code civil Il dispose que :
« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : 1. refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
2. poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
3. obtenir une réduction du prix ;
4. provoquer la résolution du contrat ;
5. demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »
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Explications de l'article 1217 du Code civil Il y a 5 sanctions principales :
- L’exception d’inexécution, qui signifie que l'acquéreur peut refuser ou suspendre sa propre obligation, comme celle de payer
- L’exécution forcée en nature, permettant à l'acquéreur d'obtenir (amiablement ou en justice) que le vendeur/installateur réalise sa prestation telle que prévue (par exemple, en lui imposant de réparer ce qu'il a mal exécuté), sauf impossibilité matérielle ou disproportion manifeste (art. 1221).
- La réduction du prix : l'acheteur maintient le contrat tout en demandant une révision du prix si la prestation est imparfaite.
- La résolution du contrat : on met un terme à la relation contractuelle, soit par notification unilatérale de l'acheteur par exemple, soit par décision judiciaire, soit par application d’une clause résolutoire dans le contrat.
- Les dommages et intérêts : ils viennent compléter les autres sanctions afin d’indemniser le préjudice subi (art. 1231-1 et suivants).
- Toutes ces sanctions peuvent être cumulées lorsqu’elles ne sont pas incompatibles (ex. réduction de prix + dommages et intérêts).
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Application par le tribunal de l'article 1217 du Code civil Le tribunal a appliqué cette règle pour :
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accorder une réduction du prix (installation photovoltaïque inutilisable),
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admettre partiellement la réparation en nature (frais de reprise de la pergola), ce qui illuste parfaitement l’esprit de l’article : une sanction proportionnée à l’inexécution, évitant à la fois l’enrichissement sans cause et la privation injustifiée de réparation.
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Ce jugement souligne l’importance, pour le consommateur, d’obtenir des engagements écrits clairs concernant la rentabilité économique d’une installation énergétique.
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Pour les entreprises, il rappelle la nécessité de lever les réserves de réception sous peine d’une condamnation quasi-automatique sur le terrain de l’inexécution contractuelle.
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5. Portée du jugement
Ce jugement illustre un équilibre entre protection du consommateur et sécurité juridique du professionnel :
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Le client est indemnisé de son préjudice certain (perte de valeur de la prestation et nécessité de conforter l’ouvrage).
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Mais le tribunal refuse toute extension de responsabilité au-delà du contrat et de ce qui est prouvé.
En somme, il s’agit d’une décision pédagogique qui rappelle deux principes cardinaux :
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Toute preuve incombe au demandeur (art. 1353 C. civ.),
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Les sanctions de l’inexécution doivent rester proportionnées (art. 1217 C. civ.), sous peine d'être rejetées ou réduites.
Pour me contacter
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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