La garantie décennale est une garantie réelle : cela signifie qu'elle reste attachée à la chose.
De fait, si cette chose est vendue, la garantie se transmet avec elle.
Ainsi, lorsqu'un immeuble sous garantie décennale est vendu, ladite garantie se transmet aux nouveaux acquéreurs.
En conséquence, le maître d’ouvrage initial ne peut plus agir sur le fondement de cette garantie, sauf à justifier d’un préjudice personnel distinct de celui subi par l’acquéreur, ou s’il s’est expressément réservé ce droit dans l’acte de vente.
L’article 1792 du Code civil est explicite :
« L’action en responsabilité décennale des constructeurs appartient au maître d’ouvrage ou à l’acquéreur de l’ouvrage. »
Une exception existe à cette règle : lorsque le maître d’ouvrage démontre avoir subi un préjudice direct, distinct et personnel de celui de l’acquéreur.
Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 septembre 2025 (n° 23-22.930) en fournit une illustration récente.
Les faits et la procédure
En l’espèce, un maître d’ouvrage promoteur avait fait construire un immeuble collectif destiné à la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA).
La réception de l’ouvrage est intervenue le 8 décembre 2016. Un an plus tard, tous les lots avaient été vendus, à l’exception de deux.
Des désordres étant apparus, plusieurs acquéreurs ont assigné le promoteur sur le fondement de la garantie décennale. Ce dernier a alors appelé en garantie les constructeurs et leurs assureurs.
La Cour d’appel de Montpellier a cependant déclaré irrecevables les demandes du promoteur, estimant qu’il n’avait plus qualité à agir.
Ce dernier a formé un pourvoi en cassation, soutenant que la transmission de l’action décennale n’excluait pas sa propre action lorsqu’il justifie d’un intérêt personnel, direct et certain.
La décision de la Cour de cassation
La Haute juridiction rejette le pourvoi et approuve la cour d’appel d’avoir relevé que :
-
les actions du maître d’ouvrage concernaient des lots déjà vendus,
-
il ne s’était pas réservé le droit d’agir lors des ventes,
-
et n’établissait aucun préjudice personnel.
Dans ces conditions, ses demandes étaient irrecevables.
La Cour rappelle ainsi que le droit d’action en garantie décennale suit l’immeuble et appartient désormais à l’acquéreur, sauf clause contraire ou démonstration d’un préjudice propre.
Cette position s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence constante (notamment Cass. civ. 3e, 31 janvier 2007, n°05-15.790).
Lorsque des désordres apparaissent après la vente, chaque propriétaire successif dispose d’une action en responsabilité décennale pour réparer son propre préjudice.
En pratique, c’est donc l’acquéreur — qui découvre les désordres et en subit les conséquences — qui a intérêt à agir.
Toutefois, le vendeur ou le maître d’ouvrage peut conserver un droit d’action résiduel :
-
soit s’il a indemnisé l’acquéreur et subit alors un préjudice personnel,
-
soit si le contrat de vente contient une clause expresse lui réservant le droit d’agir contre les constructeurs.
Conclusion
La garantie décennale demeure un droit attaché à la chose : elle se transmet à l’acquéreur en même temps que la propriété du bien.
Le maître d’ouvrage initial ne peut agir qu’à deux conditions : s’être réservé expressément ce droit dans l’acte de vente, ou subir un préjudice personnel distinct de celui de l’acquéreur.
Faute de quoi, son action est irrecevable.
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Me Grégory ROULAND - Avocat au Barreau de Paris et Docteur en droit
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