En principe, seule la personne qui contracte une dette en est le débiteur (article 2284 du Code civil).
Or, il existe une exception concernant les époux.
Ainsi, l’article 220 du Code civil prévoit un principe de solidarité entre époux pour les dettes ménagères, soit :
- Celles liées à l’entretien du ménage ;
- Celles liées à l’éducation des enfants.
En conséquence, lorsqu’un époux consent une dette ménagère, l’autre y sera tenu solidairement : le créancier pourra demander le paiement à l’un ou l’autre des époux indifféremment.
I. Le principe de la solidarité des dettes ménagères entre époux
A. Domaine d’application de la solidarité des dettes ménagères
Le principe de la solidarité des dettes ménagères entre époux a vocation à s’appliquer quel que soit le régime matrimonial des époux (communautaire ou séparatiste).
L’article 226 du Code civil prévoit à cet effet que la solidarité des dettes ménagères est soumise au régime primaire dit « impératif », ce qui emporte deux conséquences :
- La solidarité des dettes ménagères entre époux est d’ordre public ;
- La solidarité des dettes ménagères ne peut être écartée et ce, même si les époux en avaient décidé autrement.
- Les dettes soumises à la solidarité
a. Les dettes contractuelles
L’article 220 alinéa 1 du Code civil prévoit une solidarité pour toutes les dettes nées d’un contrat lorsqu’elles concernent :
- L’entretien du ménage : Electricité, eau, gaz, charges de copropriété, chauffage …
- L’éducation des enfants : Nourriture, cantine, frais de scolarité, dépenses de santé ou hospitalisation…
b. Les dettes légales ou non contractuelles
La jurisprudence considère que la solidarité s’applique à toute dette « même non contractuelle ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants » (Civ 1ère, 7 juin 1989, D. 1990. 21, note Massip).
Ainsi, la Cour de Cassation a pu considérer que les dettes suivantes étaient solidaires :
- Cotisations relatives au salaire d’une employée de maison (Soc.12 mai 1977, Bull.Civ V, n°316) ;
- Le remboursement des prestations familiales indûment perçues (Soc.19 mars 1986, Bull. civ. V, n° 107 ; Defrénois 1987. 1195, obs. Champenois) ;
- Cotisations au titre du régime légal de l’assurance maladie et maternité (Civ.1ère, 18 février 1992, n° 90-17.360).
B. L’objet des dettes qualifiées de ménagères
La détermination du caractère ménager d’une dette peut poser en pratique de nombreuses difficultés.
En tout état de cause, la dette doit nécessairement concerner l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.
- Les dettes ménagères concernant l’entretien du ménage
Afin qu’une dette soit solidaire, elle devra être liée à l’entretien du ménage.
En pratique, il s’agira :
- Soit de dépenses nécessaires à la vie courante : frais de nourriture, habillement, chauffage, électricité, gaz, eau, soins médicaux propre à chacun des époux …
- Soit de dépenses visant à satisfaire les besoins de la vie courante : dans ce cas de figure, le juge appréciera ‘in concreto’ (au cas par cas).
Attention : certaines dépenses sont toutefois exclues du champ des dettes ménagères :
- Les dépenses d’investissement comme l’acquisition ou la construction d’un bien immobilier (Civ. 1re, 4 juill. 2006, n°03-13.936) ;
- Les dépenses visant à l’amélioration d’un bien immobilier autres que celles liées uniquement à son bon entretien;
- Les dettes personnelles d’un époux (dettes professionnelles) ou ne profitant pas à l’autre (dommages et intérêts résultant de la commission d’une infraction pénale).
2. Les dettes ménagères concernant l’éducation des enfants
Les dettes relatives à l’éducation des enfants des époux sont solidaires.
Sans établir une liste exhaustive, celles-ci peuvent revêtir plusieurs formes :
- L'alimentation;
- L'éducation;
- La scolarité ;
- Les loisirs.
Quid des dettes contractées pour l’éducation d’enfants dont seul un des époux est parent ?
En présence d’enfants non communs au couple marié, se pose la question de savoir si la solidarité des dettes trouve à s’appliquer.
Dans l’hypothèse d’une vie commune et sauf dépenses exceptionnelles, les dépenses relatives à l’éducation du ou des enfants d’un seul des conjoints sont solidaires.
II. L’exclusion du principe de solidarité des dettes ménagères entre époux
Le législateur a prévu trois exceptions à la solidarité des dettes (article 220 alinéas 2 et 3 du Code civil).
A. Les dettes manifestement excessives
En vertu de l’article 220 alinéa 2 du Code civil, les dettes manifestement excessives ne seront pas solidaires.
En pratique, une dette sera considérée comme manifestement excessive en fonction de trois critères non cumulatifs :
- Soit eu égard au train de vie du ménage ;
- Soit eu égard à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération ;
- Soit eu égard à la bonne ou mauvaise foi du contractant.
1. Les dettes manifestement excessives eu égard au train de vie du ménage
La solidarité n’a pas lieu lorsque la dette est manifestement excessive eu égard au train de vie du ménage.
Ainsi, la jurisprudence a pu considérer que l’achat d’une voiture de luxe pour une famille modeste échappait à la solidarité (Aix-en-Provence, 17 janvier 1994, JCP N 1995.II.689, obs Wiederkehr).
En tout état de cause, le juge appréciera au cas par cas l’existence ou non d’une disproportion entre les ressources de la famille et la dépense litigieuse.
2. Les dettes manifestement excessives eu égard à leur utilité ou à leur inutilité
La solidarité des dettes n’aura également pas vocation à s’appliquer en présence d’une dette considérée comme inutile à l’entretien du ménage ou à l’éducation des enfants.
Encore une fois, il s’agira d’une appréciation souveraine des juges du fond.
3. Les dettes manifestement excessives eu égard à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant
Enfin, la solidarité ne s’applique pas lorsque le créancier est de mauvaise foi et plus particulièrement dans deux hypothèses :
- Lorsqu’il sait que la dette ne correspond pas au train de vie du ménage ;
- Lorsqu’il a eu connaissance du désaccord manifesté par l’époux non contractant à l’opération et que celle-ci est tout de même conclue.
B. Les achats à tempéraments et les emprunts
- Les achats à tempéraments
L’article 220 alinéa 3 du Code civil prévoit que la solidarité n’a pas lieu pour les achats à tempéraments sauf s’ils ont été conclus par les deux époux.
En pratique, un achat à tempérament est un achat qui donne lieu à un paiement échelonné du prix (ex : achat d’un bien électroménager en 4 fois sans frais).
Pour les dettes issues de tels achats, même ménagers, aucune solidarité n’est prévue sauf si les deux époux y ont valablement consenti.
2. Les emprunts
L’article 220 alinéa 3 du Code civil prévoit que la solidarité n’a pas lieu non plus pour les emprunts sauf dans trois hypothèses :
- En présence d’un seul emprunt : Lorsque celui-ci porte sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante : La solidarité s’applique ;
- En présence d’une pluralité d’emprunts : Lorsque le montant cumulé de ceux-ci n’est pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage : La solidarité s’applique ;
- En présence du consentement exprès des deux époux à l’emprunt ménager : La solidarité s’applique.
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Article rédigé par :
Harold MECHICHE, Avocat au Barreau de PARIS
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