FOCUS SUR LE MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN
QU’EST- CE QUE LE MANDAT D’ARRÊT EUROPEEN (MAE) ?
Le Mandat d’arrêt européen (MAE) est une procédure novatrice, simplifiée et efficace visant à faciliter la coopération judiciaire internationale en matière pénale. Il remplace les longues procédures extraditionnelles dans les pays membres de l’Union Européenne (UE).
En pratique, le MAE est une décision judiciaire émise par un Etat membre (Etat d’émission) en vue de l'arrestation et de la remise par un autre Etat membre (Etat d’exécution) d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté[1].
Ce mécanisme est applicable depuis le 1er janvier 2004.
QUELS FAITS PEUVENT DONNER LIEU À L’ÉMISSION D’UN MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN ?
Les faits pouvant donner lieu à l’émission d’un MAE sont les suivants [2] :
- Les faits punis d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à un an ou, lorsqu'une condamnation à une peine est intervenue, quand la peine prononcée est égale ou supérieure à quatre mois d'emprisonnement ;
- Les faits punis d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à un an ou, lorsqu'une mesure de sûreté a été prononcée quand la durée à subir est égale ou supérieure à quatre mois de privation de liberté.
Le dispositif du MAE est ainsi applicable en matière criminelle et délictuelle à l’exclusion de la matière contraventionnelle.
POINT IMPORTANT : Cela ne vaut que pour les mandats émis par une autorité judiciaire française. En effet, la distinction tripartite des infractions (crime/délit/infractions) ne s’applique pas lorsque le MAE est émis par une autorité judiciaire étrangère.
En tout état de cause, un MAE sera exécuté sans contrôle de la double incrimination au regard de la loi française dès lors que les agissements reprochés sont punis aux termes de la loi étrangère[3]:
- Soit d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ;
- Soit d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée similaire ;
- Entrent dans l'une des catégories d'infractions prévues par l'article 694-32 du CPP (terrorisme ; traite des êtres humains ; exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie ; trafic de stupéfiants, cybercriminalité …).
QUELLE EST LA PROCÉDURE APPLICABLE AU MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN ?
La mise en œuvre du MAE relève de la compétence des seules autorités judiciaires de l'État d'émission et de l'État d'exécution. Il convient alors de distinguer deux hypothèses :
- L’hypothèse où l’autorité judiciaire française émet le MAE ;
- L’hypothèse où l’autorité judiciaire française est chargée de mettre à exécution le MAE émis par un autre membre.
- L’autorité judiciaire française émet le MAE
Le MAE sera délivré par le Ministère public près la juridiction d'instruction, de jugement ou d'application des peines[4].
Tout MAE doit contenir[5] :
- L'identité et la nationalité de la personne recherchée ;
- La désignation précise et les coordonnées complètes de l'autorité judiciaire dont il émane ;
- L’indication de l'existence d'un jugement exécutoire, d'un mandat d'arrêt ou de toute autre décision judiciaire ayant la même force selon la législation de l'Etat membre d'émission et entrant dans le champ d'application des articles 695-12 et 694-32 du Code de procédure pénale ;
- La nature et la qualification juridique de l'infraction ;
- La date, le lieu et les circonstances dans lesquels l'infraction a été commise ainsi que le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée ;
- La peine prononcée, s'il s'agit d'un jugement définitif, ou les peines prévues pour l'infraction par la loi de l'Etat membre d'émission ainsi que, dans la mesure du possible, les autres conséquences de l'infraction.
Enfin, le MAE doit être traduit dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l'État membre d'exécution ou dans l'une des langues officielles des institutions de l’UE acceptées par cet État [6].
- L’autorité judiciaire française est chargée de mettre à exécution le MAE
Le processus passe par :
- Une transmission du MAE
Le MAE est adressé directement au Procureur Général territorialement compétent au plus tard, dans les trois jours ouvrables après la date de l'arrestation de la personne. Si le magistrat estime qu'il n'est pas territorialement compétent pour y donner suite, il le transmet au Procureur Général territorialement compétent et en informe l'autorité judiciaire de l'État membre d'émission [7].
- L’arrestation de la personne recherchée :
Cette dernière doit être conduite dans les 48 heures de son arrestation devant le Procureur Général territorialement compétent.
Après avoir vérifié l'identité de cette personne, le magistrat l'informe, dans une langue qu'elle comprend, de l'existence et du contenu du MAE dont elle fait l'objet. Il l'avise également qu'elle peut être assistée par un avocat (choisi ou commis d’office)[8].
Enfin, le Procureur général doit informer la personne recherchée :
- De sa faculté de consentir ou de s’opposer à sa remise ainsi que des conséquences juridiques de ce consentement ou de cette opposition[9].
- De sa possibilité de renoncer à la règle de la spécialité et des conséquences de ce choix[10] :
En vertu de cette règle, une personne remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé la remise[11].
La renonciation à ladite règle est irrévocable[12].
- La comparution devant la Chambre de l’Instruction
La Chambre de l'Instruction est immédiatement saisie de la procédure, et la personne recherchée doit comparaître devant elle dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la date de sa présentation au Procureur général[13].
L’audience est publique sauf exceptions et contradictoire (droit à l’assistance d’un avocat).
Deux cas de figure[14]:
- Soit la personne recherchée consent à sa remise : La Chambre de l’Instruction rend un arrêt insusceptible de recours ;
- Soit la personne recherchée ne consent pas à sa remise : La Chambre de l’Instruction statue dans un délai de 20 jours à compter de la comparution de l’intéressé. La décision rendue pourra faire l’objet d’un pourvoi devant la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, laquelle aura quant à elle 40 jours pour statuer.
- La remise de la personne auprès de l’Etat d’émission
Le Procureur général prend les mesures nécessaires afin que la personne recherchée soit remise à l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission au plus tard dans les dix jours suivant la date de la décision définitive de la Chambre de l'instruction[15].
QUELLES SONT LES CAUSES IMPÉRATIVES DE REFUS D’EXECUTION D’UN MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN ÉMIS PAR LES JURIDICTIONS ÉTRANGÈRES ?
L'exécution d'un MAE est refusée dans les cas suivants [16]:
- Si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que l'action publique est éteinte par l'amnistie ;
- Si la personne recherchée a fait l'objet, par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un autre Etat membre que l'Etat d'émission ou par celles d'un Etat tiers, d'une décision définitive pour les mêmes faits que ceux faisant l'objet du mandat d'arrêt européen à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ;
- Si la personne recherchée était âgée de moins de treize ans au moment des faits faisant l'objet du MAE ;
- Si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que la prescription de l'action publique ou de la peine se trouve acquise ;
- S'il est établi que le MAE a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre, ou qu'il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons.
Par ailleurs, lorsque le MAE est émis aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté, son exécution est également refusée dans le cas où l'intéressé n'a pas comparu en personne lors du procès à l'issue duquel la peine ou la mesure de sûreté a été prononcée sauf si [17]:
- L’intéressé a été informé dans les formes légales et effectivement, de manière non équivoque, en temps utile, par voie de citation ou par tout autre moyen, de la date et du lieu fixés pour le procès et de la possibilité qu'une décision puisse être rendue à son encontre en cas de non-comparution ;
- Ayant eu connaissance de la date et du lieu du procès, l’intéressé a été défendu pendant celui-ci par un conseil, désigné soit par lui-même, soit à la demande de l'autorité publique ;
- Ayant reçu signification de la décision et ayant été expressément informée de son droit d'exercer à l'encontre de celle-ci un recours permettant d'obtenir un nouvel examen de l'affaire au fond, en sa présence, par une juridiction ayant le pouvoir de prendre une décision annulant la décision initiale ou se substituant à celle-ci, l’intéressé a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision initiale ou n'a pas exercé dans le délai imparti le recours qui lui était ouvert ;
- La décision dont il n'a pas reçu signification doit lui être signifiée dès sa remise lors de laquelle il est en outre informé de la possibilité d'exercer le recours prévu au 3° ainsi que du délai imparti pour l'exercer.
Enfin, l'exécution d’un MAE est refusée si fait faisant l'objet dudit mandat d'arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la loi française [18]
QUELLES SONT LES CAUSES FACULTATIVES DE REFUS D’EXÉCUTION D’UN MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN ÉMIS PAR LES JURIDICTIONS ÉTRANGÈRES ?
L'exécution d'un MAE peut être refusée [19]:
- Si, pour les faits faisant l'objet du mandat d'arrêt, la personne recherchée fait l'objet de poursuites devant les juridictions françaises ou si celles-ci ont décidé de ne pas engager les poursuites ou d'y mettre fin ;
- Si la personne recherchée pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté est de nationalité française ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et que la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du Code de procédure pénale ;
- Si les faits pour lesquels il a été émis ont été commis, en tout ou en partie, sur le territoire français ;
- Si l'infraction a été commise hors du territoire de l'Etat membre d'émission et que la loi française n'autorise pas la poursuite de l'infraction lorsqu'elle est commise hors du territoire national.
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Article rédigé par :
Harold MECHICHE, Avocat au Barreau de PARIS
53, Quai de Bourbon
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Tél. : +33 (0)1 45 35 92 14
Mail : contact@mechiche-avocat.com
Site : https://www.mechiche-avocat.com/
[1] Article 695-11 du Code de procédure pénale
[2] Article 695-12 du Code de procédure pénale
[3] Article 695-23 alinéa 2 du Code de procédure pénale
[4] Article 695-16 du Code de procédure pénale
[5] Article 695-13 du Code de procédure pénale
[6] Article 695-14 du Code de procédure pénale
[7] Article 695-26 alinéa 3 du Code de procédure pénale
[8] Article 695-27 alinéa 2 du Code de procédure pénale
[9] Article 695-27 alinéa 6 du Code de procédure pénale
[10] Ibid n°7
[11] Article 695-18 du Code de procédure pénale
[12] Article 695-19 alinéa 1er du Code de procédure pénale
[13] Article 695-29 du Code de procédure pénale
[14] Article 695-31 du Code de procédure pénale
[15] Article 695-37 du Code de procédure pénale
[16] Article 695-22 du Code de procédure pénale
[17] Article 695-22-1 du Code de procédure pénale
[18] Article 695-23 alinéa 1 du Code de procédure pénale
[19] Article 695-24 du Code de procédure pénale
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