L’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services et son décret d’application  n° 2019-1316 du 9 décembre 2019 relatif aux marques de produits ou de services réforment substantiellement le droit des marques.

Ces nouvelles dispositions octroient notamment de nouvelles compétences au directeur de l’INPI.

L’objectif est de désengorger les juridictions jusqu’alors compétentes et de permettre aux justiciables d’obtenir des décisions rapides à des coûts moindres.

La réforme établit la répartition des  compétences de la manière suivante et ce à compter du 1er avril 2020.

Le directeur de l’INPI se voit attribuer les compétences suivantes à l’article L.716-5, I du code de la propriété intellectuelle :

  • les demandes en nullité exclusivement fondées sur un ou plusieurs des motifs énumérés relatifs ou absolus (art L. 711-2 et art L. 711-3 ,1° à 5°, 9° et 10° du I, au III du même article ainsi qu’aux articles L. 715-4 et L. 715-9).
  • les demandes en déchéance fondées sur les articles L. 714-5, L. 714-6, L. 715-5 et L. 715-10.

Les juridictions civiles restent compétentes pour les autres demandes, telles les demandes en nullité fondées sur un droit d’auteur ou un droit de dessin et modèle, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale.

C’est dans le cadre de cette nouvelle procédure que la marque française GANG BANG A PARIS enregistrée sous le numéro 11 3 859 576, le 16 septembre 2011, dans les classes 25, 35 et 41 a été annulée par l’INPI le 10 novembre 2020. Le motif : un signe contraire à l’ordre public ou dont l’usage est légalement interdit.

Demander l’annulation de cette marque devant l’INPI le 25 mai 2020 a permis au demandeur d’obtenir rapidement une décision en usant d’une procédure plus simple et moins onéreuse :

  • procédure dématérialisée devant le portail de l’INPI ;
  • Echanges argumentés des parties et décision de l’INPI qui doit statuer dans les 3 mois
  • Redevance : 600 euros de taxe

Attention : le demandeur pouvait engager ce type d’action en nullité car sa demande a été formulée le 25 mai 2020. En revanche, la validité de la marque GANG BANG A PARIS déposée en 2011 devait être appréciée au regard du code de la Propriété Intellectuelle issue de la Loi du 1er juillet 1992 dans sa version en vigueur au jour du dépôt de la marque contestée.

C’est dans ce contexte que l’INPI, dans sa décision du 10 novembre 2020, a ainsi estimé que la marque GANG BANG A PARIS était contraire à l’ordre public.

L’INPI revient sur la notion d’ordre public et de bonnes mœurs : elle se réfère aux valeurs et aux normes sociales auxquelles la société adhère et vise ainsi à réguler les comportements susceptibles de contrevenir à l’ensemble des règles imposées tant par la législation que par la morale sociale en garantissant des principes essentiels au bon fonctionnement de la société tels que la préservation de l’Etat et de ses institutions ou encore du respect des lois pénales réprimant les comportements discriminants ainsi que les atteintes et les offenses portées aux personnes, à leur dignité, honneur et considération.

Pour déterminer si la marque GANG BANG A PARIS est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, l’INPI se réfère à la perception de ce signe par le public pertinent lors de son usage en tant que marque.

Le public pertinent est non seulement le public concerné directement par les produits et services visés mais également le public concerné de manière incidente dans leur vie quotidienne, lors de campagne publicitaire ou lieux de vente.

Ce public pertinent correspond à un public  raisonnable ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance. L’INPI ne doit pas donc se référer à un public facilement choqué ou que rien ne choque.

Après analyse des pièces versées au débat, GANG BANG relève du vocabulaire pornographique et désigne une pratique sexuelle mettant en scène une personne face à plusieurs autres partenaires. Ce terme dérivé de l’expression anglaise « GANGBANG » désignant un viol collectif, renvoie par conséquent à une pratique susceptible de dégager une image violente et dégradante.

L’INPI relève également que les produits couverts sont des produits d’habillement, produits de consommation courante destinés à un très large public notamment les mineurs susceptibles de chercher à comprendre le sens de ce signe. Il en est de même pour les autres services visés par cette marque à savoir les services de formation et de divertissement.

C’est pour toutes ces raisons que l’INPI annule la marque GANG BANG A PARIS retenant l’atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, la marque étant composée d’un signe dont l’utilisation est légalement interdite sur le fondement de l’article L227-24 du code Pénal et ce pour tous les produits et services qu’elle couvre.

Le demandeur avait également fondé son action sur le caractère trompeur de la marque.

L’INPI rejette ce fondement aux motifs que PARIS sera perçu comme le lieu de réalisation de ce gang bang et non comme indication quant à la provenance géographique des produits et services visés par la marque.

Cette marque n’est pas trompeuse quant à la provenance géographique des produits ou services couverts par la marque.

Mots clefs: marque, licéité, INPI