DG : Bonjour M. AIRACHE, vous ne venez pas m’annoncer une grève au moins

DRH : Non, rassurez-vous M. LASSURE, je viens vous soumettre quelques propositions d’administration du personnel

Le DG soupire et regarde sa montre.

DG : j’espère que ce ne sera pas long, c’est que j’ai un Conseil d’administration à préparer moi, on est en période d’arrêté des comptes. D’ailleurs l’EBITDA n’est pas bon et le résultat d’exploitation est négatif, la masse salariale est obèse, alors ne venez pas me réclamer des sous car de sous il n’y en a plus à distribuer aux camarades salariés.

DRH : Non, rassurez-vous M. LASSURE, je viens au contraire vous proposer une économie

DG : là vous commencez à m’intéresser AIRACHE

DRH : eh bien voilà, il s’agit des frais de mission de nos salariés. Il se trouve que le forfait URSSAF n’est plus adapté et qu’il faudrait passer au remboursement de frais au réel, c’est-à-dire sur factures

DG : oulala, AIRACHE, ça, ça voudrait dire qu’on explose les plafonds, sans compter la paperasse des factures à viser, vous en avez parlé au comptable M. LECONTE ?

DRH : oui, absolument, et il est d’accord avec moi, il faut stopper certaines pratiques

DG : de quelles pratiques parlez-vous ?

DRH : eh bien voilà. Comme vous le savez, ces forfaits URSSAF sont non imposables, si bien que les salariés en ont fait une source de revenus complémentaire au prix de petites combines. Par exemple ils se regroupent à trois ou quatre dans une chambre d’hôtel pour limiter les frais, ils cuisinent dans les chambres, sans compter ceux qui dorment directement dans leur voiture. Résultat, ils arrivent fatigués sur les chantiers. On risque une augmentation des accidents du travail. Sans compter qu’on ne peut rien vérifier puisqu’il n’y a pas de factures. J’ai cru comprendre que certains pratiquaient le « fini parti », c’est-à-dire arrivée le lundi après-midi et départ le vendredi matin. Je pense qu’il faut remettre un peu d’ordre dans tout ça.

DG : et les syndicats, vous en avez parlé aux syndicats ? Vous croyez qu’ils vont être d’accord pour revenir au système des bonnes vieilles factures ? Quand ils arrivent fatigués au siège social à Paris, vous croyez qu’ils ont fait quoi la veille ? Avec quoi croyez-vous qu’ils les paient leurs sorties aux Folies Bergères ? Vous croyez qu’ils ont envie qu’on sache ce qu’ils font de leurs nuits parisiennes ?

DRH : les représentants du personnel représentent les intérêts du personnel, pas leurs petits intérêts à eux. Il ne s’agit pas de négocier une augmentation générale ou une prime, il s’agit simplement de rembourser les frais engagés dans le cadre d’une mission professionnelle. Si les frais sont justifiés, ils seront remboursés, voilà tout. Et sur facture on peut dépasser le forfait URSSAF sans que ce soit soumis à charges sociales, le tout passant en charges d’exploitation, avec au final des ouvriers frais et dispo le matin sur les chantiers…

DG : eh bien AIRACHE, tout ceci découle du bon sens, je n’y vois pas d’inconvénient, sauf si les syndicats m’embêtent au prochain Comité social et économique. Si c’est le cas, vous attendrez l’année prochaine pour la prime que je vous avais promise…

DRH : bien M. LASSURE

Le DG consulte ostensiblement sa montre

DG : autre chose ?

DRH : oui, ça concerne les tenues de travail.

DG : oui eh bien quoi encore ?

DRH : eh bien les ouvriers reviennent à la charge pour le remboursement des frais de nettoyage des tenues que nous leur imposons sur les chantiers

DG : non mais, on les habille pour travailler et il faudrait en plus payer le pressing ? Est-ce qu’ils ont une clause qui prévoit une prime de nettoyage dans leur contrat de travail ?

DRH : non, mais…

DG : dans la convention collective ?

DRH : non, mais…

DG : dans un accord de branche ?

DRH : non, mais…

DG : alors vous voyez bien

DRH : c’est que la Cour de cassation vient de rendre un arrêt qui dit qu’à partir du moment où la tenue de travail est obligatoire, il faut rembourser les frais de nettoyage, et ceci même si les contrats de travail ne prévoient pas le versement d’une prime de nettoyage

DG : ah parce que vous croyez que les ouvriers consultent les arrêts de la Cour de cassation sur LEGIFRANCE ?

DRH : eux non, mais BOUILLON, le délégué syndical, oui, à chaque fois il revient à la charge, il fait une fixation sur le sujet. Je vous rappelle que son épouse tient un pressing avenue de la gare

DG : eh bien recevez le, prenez le BOUILLON, Ahaha, mes hommages à Madame, et n’oubliez pas de négocier un tarif de groupe !