L’avocat reçoit un client. Le client semble à la fois perturbé et déterminé.

L’avocat : bonjour monsieur, que puis-je faire pour vous ?

Le client : eh bien voilà, je veux être licencié.

L’avocat : oui, c’est-à-dire ?

Le client : eh bien, j’en ai marre de mon employeur, on ne s’aime plus, je veux le quitter mais je ne veux pas démissionner.

L’avocat : et vous lui avez déjà fait part de votre projet ?

Le client : oh pour ça oui, on s’est vus, je lui ai demandé une rupture conventionnelle mais il m’a dit que si je voulais partir je n’avais qu’à démissionner.

L’avocat : et vous ça ne vous intéresse pas de démissionner…

Le client : …ah ça non, je n’ai pas encore trouvé mon nouveau job.

L’avocat : alors pourquoi être si pressé ?

Le client : mais parce que ce n’est plus possible, je ne suis pas reconnu à ma juste valeur, voilà tout !

L’avocat : certes, mais vous savez, s’il ne veut pas entendre parler de rupture conventionnelle et qu’il n’a aucun motif pour vous licencier, il n’y a pas 36 solutions.

Le client : une seule me suffira.

L’avocat : je peux vous en donner deux, à manier avec précaution. La première s’appelle la résiliation judiciaire de votre contrat de travail, que vous demandez auprès du Conseil de prud’hommes du ressort de l’établissement où vous travaillez. Vous avez quelque chose de grave à reprocher à votre employeur et vous demandez au Conseil de prononcer la rupture de votre contrat. Jusqu’à sa décision vous restez aux effectifs de votre employeur, vous vous rendez à votre travail et vous continuez à être payé, mais bonjour l’ambiance…

Le client : et l’autre ?

L’avocat : l’autre c’est de la nitroglycérine, une solution explosive et potentiellement hautement toxique, à manier avec une infime précaution…

Le client : …vous commencez à m’intriguer

L’avocat : cela s’appelle la prise d’acte. Vous rompez vous-même votre contrat de travail pour des faits GRAVES que vous reprochez à votre employeur en lui indiquant que vous prenez acte de la rupture de votre contrat de travail puis vous saisissez le Conseil de prud’hommes qui se prononcera sur le bienfondé de votre demande.

Le client : ma demande est bien fondée.

L’avocat : je n’en doute pas mais c’est au Conseil de prud’hommes d’en décider. Il vous appartient de le convaincre en motivant votre demande, c’est-à-dire en lui expliquant ce qui vous a amené à rompre. Il faut impérativement vous constituer des preuves sérieuses de ses manquements.

Le client : pas de problème, mon dossier est prêt. Et ensuite, que se passe-t’il ?

L’avocat : eh bien si les torts reprochés à l’employeur sont considérés comme fondés et graves, la prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire d’un licenciement nul si vous êtes représentant du personnel…

Le client : …ce n’est pas le cas.

L’avocat : donc l’employeur devra vous payer des dommages et intérêts

Le client : très bien, tout ceci me va bien…

L’avocat : …en revanche, si les manquements reprochés à votre employeur ne sont pas établis ou jugés infondés ou considérés comme insuffisamment graves, ou pas urgents au point de rompre immédiatement le contrat de travail, la prise d’acte produira les effets d’une démission, et vous pouvez même être condamné à payer à votre employeur le préavis non exécuté, sans que ce dernier n’ait à démontrer un quelconque préjudice.

Le client : ouh lala, mais je ne veux pas démissionner moi, et encore moins lui payer mon préavis…

L’avocat : que reprochez-vous exactement à votre employeur ?

Le client : eh bien figurez-vous que j’ai candidaté il y a trois mois de cela pour un poste de chef de quart et que je n’ai même pas été reçu en entretien, c’est gravissime non ?

L’avocat : mais quel métier exercez-vous ?

Le client : comptable, pourquoi ?