La vie d’après confinement ne reprendra pas comme avant…
Le 11 mai 2020.
Un jour qui restera gravé, celui du fameux déconfinement et de la reprise de l’activité économique, du moins, on l’espère.
Mais pas sans quelques mesures.
Le confinement, en mars 2020, a été un choc avec l’idée qu’il fallait s’y plier pour recommencer à vivre comme avant.
« La vie d’après confinement ne reprendra pas comme avant » et c’est le cas pour toutes les entreprises qui devront vivre avec un nouveau risque : le Covid 19.
A la lumière de la responsabilité déjà lourde qui pèse sur les employeurs pour assurer la santé et la sécurité de ses salariés, s’ajoute ce risque nouveau, invisible et encore peu maitrisé.
Chacun innove, réfléchi entre le bon sens, le possible / pas possible et maintenant, le protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés édité par le Ministère du travail.
21 pages de conseils à destination des employeurs.
21 pages de nouvelles obligations qui pourront, en cas de manquement, entrainer la responsabilité de l’employeur en cas de contamination au Covid 19 d’un salarié et voir engager la faute inexcusable de l’entreprise.
Quelles sont les nouvelles obligations à partir du 11 mai 2020 ?
Trois grandes obligations y sont inscrites :
- éviter les risques d’exposition au virus ;
- évaluer les risques qui ne peuvent être évités ;
- privilégier les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.
1) PRIORITE AUX MESURES DE PROTECTION COLLECTIVE
Il s’agit des mesures organisationnelles :
- D’abord le télétravail qui doit rester la priorité et devient une règle dès lors qu’il est possible.
- Ensuite et seulement à défaut, la mise en place d’horaires décalés.
Autrement-dit, changer les horaires des salariés pour éviter que tous se retrouvent, au même moment, sur place.
Le protocole ne le dit pas, mais attention au temps partiel, il faut signer un avenant au contrat de travail si cette solution est mise en œuvre.
- EN COMPLEMENT, SI BESOIN, LES MESURES DE PROTECTION INDIVIDUELLE
La page 3 du protocole indique :
« Ce n’est que lorsque l’ensemble de ces précautions n’est pas suffisant pour garantir la protection de la santé et sécurité des personnes qu’elles doivent être complétées, en dernier recours, par des mesures de protection individuelle, telles que le port du masque. »
Curieuse précision à l’heure où les citoyens français ne savent toujours pas s’ils doivent, ou pas, porter le masque au quotidien et pas seulement dans les transports…
A la lecture de ce protocole, le Ministère du travail semble ne pas obliger au port du masque dans les entreprises.
Or le protocole admet quelques lignes plus loin qu’en cas de risque de rupture dite accidentelle des mesures de distanciation sociale, le port du masque est préconisé.
Comment, dans une entreprise, s’assurer que personne ne vienne (un collègue, un client..), accidentellement, rompre ces distances de protection ?
Comme il est d’usage de dire : « deux précautions valent mieux qu’une ».
EN PRATIQUE ?
Petit rappel des mesures barrières selon le protocole
Ces mesures pourront (devront même) utilement être remises par lettre à chaque salarié et affichées dans l’entreprise.
Il convient de rappeler que si l’employeur est responsable de la santé et la sécurité des salariés, ces derniers sont également responsables de leur santé et de celles de leur collègue de travail.
- Se laver régulièrement les mains à l’eau et au savon ou avec une solution hydro-alcoolique (SHA) ne pas se sécher les mains avec un dispositif de papier/tissu à usage non unique
- Eviter de se toucher le visage en particulier le nez et la bouche
- Utiliser un mouchoir jetable pour se moucher, tousser, éternuer ou cracher, et le jeter aussitôt
- Tousser et éternuer dans son coude ou dans un mouchoir en papier jetable
- Mettre en œuvre les mesures de distanciation physique :
- Ne pas se serrer les mains ou embrasser pour se saluer, ni d’accolade ;
- Distance physique d’au moins 1 mètre (soit 4m2 sans contact autour de chaque
personne)
Ce seuil de 4m² doit permettre aux salariés entre eux mais aussi à l’égard des clients, d’être en mesure de respecter la distance d’1 M.
- Aérer régulièrement (toutes les 3 heures) les pièces fermées, pendant quinze minutes
- Désinfecter régulièrement les objets manipulés et les surfaces y compris les sanitaires
- Rester chez soi en cas de symptômes évocateurs du COVID-19 (toux, difficultés respiratoires, etc.) et contacter son médecin traitant (en cas de symptômes graves, appeler le 15)
Précision : il semblerait que le port des gants soit à éviter selon le Ministère : « ils donnent un faux sentiment de protection. Les gants deviennent eux-mêmes des vecteurs de transmission, le risque de porter les mains au visage est le même que sans gant, le risque de contamination est donc égal voire supérieur »
A ce stade, on répète, on affiche, on communique, on informe.
En cas de mise en cause de la responsabilité de l’employeur, cette première phase sera impérative et la société devra s’en justifier.
Gestion des flux de personnes
Ce dispositif semble préconisé pour les établissements recevant du public (ERP), avec la mise en place d’un plan de circulation et la gestion de l’affluence.
Nous avons tous vécu ces chemins tracés dans les supermarchés et l’entrée au compte-goutte.
En entreprise, doit-on y réfléchir ?
Ce n’est pas préconisé, mais cela ne semble pas inadapté.
Si c’est possible, pourquoi ne pas imaginer des chemins de circulation, permettant aux salariés, même en faible nombre, d’éviter de se croiser et de se retrouver sur des endroits stratégiques ?
Le fléchage au sol, à base de pastille aux couleurs du logo de l’entreprise, va sûrement devenir un nouvel élément de décoration à intégrer !
Ne serait-ce que pour l’accès aux distributeurs, machines à café et autres moyens mis à disposition des salariés, comme le rappelle le protocole, avec en plus, l’échelonnement des heures de pause pour éviter l’affluence.
Peut être une porte pour parler aussi de cette fameuse pause « clope » qui pénalise la productivité et porte atteinte à la santé de vos salariés !
A défaut, il faut aussi également penser à s’assurer que les salariés ne se retrouvent pas tous à revenir en même temps de cette fameuse pause, sur leur poste de travail !
Par ailleurs, il faudra envisager aussi les allers et venues sur les services stratégiques comme le rappelle le protocole : service comptabilité, service RH…peut être sous forme de RDV…
Le port du masque
Les préconisations du protocole sont assez floues.
Pas obligatoire sur le principe, sauf risque particulier..
La généralisation du masque ne fait nul doute et ce sera à l’employeur de le fournir.
Le protocole rappelle à ce titre que le port de ce masque ne doit pas venir au détriment du port de masque réservé à certaines professions exposées à des risques déjà identifiés.
Pour tous les autres salariés, le masque va devenir un équipement de protection individuelle (EPI).
Comment choisir le masque, le protocole répond :
« L’employeur peut fournir des masques FFP1 ou des masques alternatifs à usage non sanitaires, dits « grand public », développés dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Ils sont nécessairement utilisés en complément des gestes barrières et des mesures de distanciation physique ».
C’est une possibilité, pas une obligation.
A l’employeur de prendre ses responsabilités…face au risque de rupture dite accidentelle des mesures de distanciation sociale.
Le protocole rappelle cependant :
« Lorsque les EPI sont à usage unique leur approvisionnement constant et leur évacuation doivent être organisés. Les déchets potentiellement souillés sont à jeter dans un double sac poubelle, à conserver 24 heures dans un espace clos réservé à cet effet avant élimination dans la filière ordures ménagères. Lorsqu’ils sont réutilisables, leur entretien, notamment leur nettoyage selon les procédures adaptées, doit être organisé. »
Il faut donc, pour les employeurs organiser : la fourniture de masque et leur traitement (déchets ou lavage) ainsi que leur renouvellement.
La prise de température
Le nouveau geste du quotidien risque de devenir : la prise de température.
Le protocole du Ministère du travail invite toute personne ayant des symptômes à contrôler sa température, même si la fièvre n’est pas toujours présente sur les malades.
Mais surtout, il est autorisé d’organiser, au sein des entreprises, un contrôle de la température des personnes entrant sur le site.
Cette nouvelle possibilité doit être encadrée par la rédaction d’une note de service valant adjonction au règlement intérieur prévue à l’article L. 1321-5 du code du travail
qui autorise une application immédiate des obligations relatives à la santé et à la sécurité avec communication simultanée au secrétaire du comité social et économique, ainsi qu'à l'inspection du travail.
Le protocole rappelle que ce dispositif de contrôle de température devra accorder les garanties suivantes :
la prise de mesure dans des conditions préservant la dignité ;
une information préalable sur ce dispositif (RI, note de service, affichage, diffusion internet) en particulier sur la norme de température admise, l’objectif de la mesure et sur l’absence de suites au dépassement de cette norme.
En tout état de cause, en l’état, ce contrôle ne saurait être obligatoire et les salariés peuvent le refuser.
Si l’employeur, devant ce refus, ne laisse pas le salarié accéder à son poste, il peut être tenu de lui verser le salaire correspondant à la journée de travail perdue.
Pas d’urgence a priori pour le moment d’organiser des prises de température collective au petit matin et comptons sur la responsabilité individuelle de chacun…
En cas de nécessité jugée en interne, cela doit impérativement passer par la rédaction d’une note de service adjointe au règlement intérieur.
Les tests de dépistage
Le protocole donne aux entreprises un « rôle à jouer » dans la stratégie nationale de dépistage :
« après le 11 mai, en incitant leurs agents symptomatiques à ne pas se rendre sur leur
lieu de travail ou à le quitter immédiatement si les symptômes se révèlent sur leur lieu
de travail et à consulter, si possible par téléconsultation, un médecin afin d’obtenir la
prescription de dépistage ;
en évaluant précisément les risques de contamination encourus sur les lieux de travail
qui ne peuvent être évités et en mettant en place en conséquence des mesures de protection qui limiteront le nombre de personnes ayant été en contact rapproché avec
un patient Covid ;
en collaborant avec les autorités sanitaires si elles venaient à être contactées dans le
cadre du contact tracing. »
Dans ce cadre, nouvelle obligation de l’entreprise : rédiger une procédure interne ad hoc de prise en charge sans délai des personnes symptomatiques.
Cette procédure interne devra détailler le plan d’urgence à mettre en œuvre dans le cas d’un salarié présentant les symptômes du Covid 19.
A l’heure où la multiplication des symptômes ne cesse de se faire connaitre : parfois de la fièvre, parfois de la toux, un malaise, des maux de tête, perte de goût et/ou odorat… il faudra être prudent et rapidement, par précaution, mettre en place le dispositif.
Cette procédure comprend 3 étapes définies par le protocole :
- l’isolement ;
Cela signifie qu’une pièce dédiée va devoir être organisée et dans cette hypothèse le port du masque pour tous les intervenants deviendra obligatoire.
- la protection ;
- la recherche de signes de gravité.
En fonction, soit appeler le 15 ou inviter le salarié à contacter en urgence son médecin traitant.
Une fois cette procédure gérée, il faudra y intégrer, toujours selon le protocole, la désinfection des locaux.
Si le covid est confirmé, le service du contact-tracing informé par le médecin prenant en charge le salarié malade, contactera les contacts à risque qui seront placés en quatorzaine…
Autrement-dit, en cas de Covid 19 sur un salarié, l’entreprise risque de se retrouver avec tout un service en quarantaine s’il n’a pas mis en place les mesures de protection…
Sans parler de l’autre risque de voir sa responsabilité engagée pour faute inexcusable…
Le jeu en vaut la chandelle… !
Nouveau rôle du médecin du travail
Les médecins du travail sont habilités à délivrer des arrêts de travail pour les salariés suspectés d’infection ou reconnus atteints par le covid-19, ou contraints à des mesures d’isolement.
CONCLUSIONS
Nous avons tous compris, avec le confinement, qu’il est dans l’intérêt de tous, employeurs et salariés, de réussir à vivre avec le Covid 19 pour assurer la reprise des activités économiques.
Ces mesures de protection devront être mises en place en toute intelligence, en concertation avec les salariés et leurs représentants.
Elles nécessiteront surement aussi d’être adaptées au fur et à mesure, à l’usage.
Petit rappel, en cas de mise en cause de la faute inexcusable de l’entreprise dans la contamination Covid-19, l’employeur devra justifier la mise en place effective de toutes ces mesures.
Le Cabinet se tient à votre disposition pour vous accompagner et pour plus de renseignements en droit du travail.
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