La procédure d'opposition de marque à l'INPI a évolué de manière importante depuis la loi du 22 mai 2019 mise en œuvre par l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits et de services. Ce nouveau cadre législatif est une transposition de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015.

 

Si la procédure d’opposition de marque reste facultative, elle est néanmoins un outil peu onéreux pour faire valoir à l'INPI ses droits sur des marques, mais également sur d'autres droits de propriété intellectuelle. Les modifications effectuées, loin de simplifier la procédure, l'ont rendue plus complexe, car les droits invocables sont plus nombreux et les subtilités procédurales sont toujours présentes. Il est nécessaire dans le cadre d'une procédure d'opposition de marque contre un dépot de marque français, que l'on soit en demande ou en défense, d'éviter les erreurs suivantes :

  • ne pas évaluer les chances de succès,
  • ne pas tenter de règlement amiable,
  • ne pas profiter des nouveaux fondements de la nouvelle procédure d’opposition,
  • ne pas justifier l’atteinte à la renommée,
  • ne pas développer immédiatement tous les arguments pertinents devant l’INPI.

 

Évaluation des chances de succès

La procédure d'opposition peut durer entre 8 et 12 mois en fonction du nombre de réponses que se feront le déposant et l’opposant. Dès lors, il est nécessaire d'évaluer rapidement les chances de succès et d'essayer de prévoir, dans la mesure du possible, ce que pourrait être la décision de l'INPI afin de l'anticiper et le cas échéant, de mettre en place une solution alternative permettant de faire face à une décision défavorable.

 

Point d’attention

Les délais actuels d'enregistrement d'une marque française par l'INPI en cas d'absence de notification d'irrégularité et d'opposition étant d'environ 5 mois, la durée de la procédure d'opposition peut utilement être utilisée pour mettre en place des solutions alternatives.

 

Procédure d’opposition et tentative de règlement amiable

La procédure d'opposition a un rythme relativement lent. Les délais laissés à chacune des parties pour répondre et pour l'INPI pour prendre une décision permettent parfois de régler de manière amiable le litige. Le législateur a permis aux parties de demander conjointement la suspension de la procédure. Il est possible d’obtenir successivement trois suspensions conjointes de quatre mois chacune.

 

Article R 712-17 du Code de la Propriété Intellectuelle

La phase d'instruction ou le délai fixé au premier alinéa de l'article R. 712-16-2 sont suspendus : […]

4° Sur demande conjointe des parties, pendant une durée de quatre mois renouvelable deux fois ; 

 

La totalité des suspensions ne peut donc excéder 12 mois.

 

Plusieurs fondements peuvent être invoqués dans la même opposition

Il s'agit d'une modification majeure puisque maintenant, plusieurs marques peuvent être invoquées au sein de la même opposition et il est également possible d’invoquer la même marque sur différents fondements, à savoir la marque de renommée et le risque de confusion. Le prix de la taxe d'opposition est de 400 euros et chaque fondement supplémentaire coûte 150 euros. Parmi les fondements, il est possible de choisir la marque, la marque de renommée, mais également la dénomination ou raison sociale, le nom commercial ou l'enseigne, ou le nom de domaine. D'autres droits peuvent être invoqués par les collectivités territoriales ou les entités publiques.

 

Enfin, il est également possible dans le cadre de l’opposition d’invoquer le dépôt non autorisé par l’agent ou le représentant du titulaire de la marque.

 

Article L712-4 du Code de la Propriété Intellectuelle

Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d'enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle à l'encontre d'une demande d'enregistrement en cas d'atteinte à l'un des droits antérieurs suivants ayant effet en France :

1° Une marque antérieure en application du 1° du I de l'article L. 711-3 ;

2° Une marque antérieure jouissant d'une renommée en application du 2° du I de l'article L. 711-3 ;

3° Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l'article L. 722-1 ou une demande d'indication géographique sous réserve de l'homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;

6° Le nom, l'image ou la renommée d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ;

7° Le nom d'une entité publique, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.

Une opposition peut également être formée en cas d'atteinte à une marque protégée dans un Etat partie à la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle dans les conditions prévues au III de l'article L. 711-3.

 

Malgré les nombreux nouveaux droits, le droit des marques reste le plus simple à mettre en œuvre, car la protection est définie plus clairement par une liste de produits et services, un signe, et par une date de dépôt, ce qui n’est pas le cas pour le nom commercial ou la dénomination sociale.

 

La marque de renommée peut être invoquée dans le cadre d’une opposition à l’INPI

La marque de renommée peut être utilisée comme fondement pour obtenir le rejet d'une marque pour des produits et services qui ne sont pas similaires. L'INPI a accepté de mettre en œuvre ces dispositions pour plusieurs marques. Encore faut-il démontrer d'une part la renommée, mais également justifier de l'atteinte à cette renommée et du lien présent dans l’esprit du public.

INPI, 16 février 2021, OP 20-1175

Au regard de ces produits et services qui apparaissent si dissemblables de ceux pour lesquels la renommée de la marque antérieure a été établie, la société opposante ne démontre pas le risque que la demande d’enregistrement évoque la marque antérieure dans l’esprit des consommateurs concernés.

En effet, si la renommée de la marque antérieure a été démontrée pour certains produits, il appartient à la société opposante d’établir le lien que pourra établir le public entre le signe contesté et la marque antérieure pour les produits précités, ce lien n’apparaissant nullement évident du fait de la forte dissemblance des produits et services en cause.

Ainsi, l’absence d’argumentation relative aux produits et services en cause ne permet pas à l’Institut d’établir un lien entre les signes pour les produits et services précités, l’Institut ne pouvant se substituer à la société opposante pour établir une telle démonstration.

L’existence d’un lien entre les marques dans l’esprit du public étant une des conditions nécessaires à l’application de la protection des marques de renommée, l’opposition n’est pas bien fondée sur le fondement de l’atteinte à la renommée de la marque antérieure pour les produits et services de la demande d’enregistrement contestée.

 

Dans cette affaire opposant la marque « Beatles » à la marque « The Beatles », l'opposante n'avait pas développé d’argument sur l’existence d’un lien dans l'esprit du public. Cette décision a été infirmée en appel, l’argumentation ayant été complétée.

 

La procédure d’appel des décisions de l’INPI

 

Dans le cadre d'une procédure d'opposition, les décisions de l'INPI peuvent faire l'objet d’un nouvelle examen par la Cour d'Appel compétente, la Cour d’Appel compétente étant fonction du domicile du défendeur. Le recours contre la décision d’opposition de l'INPI n'est pas en tant que tel un appel, mais un recours en nullité dans lequel il n’est pas possible d'ajouter de nouveaux arguments ou de nouvelles pièces. Dès lors, il est important, dès la procédure d’opposition devant l’INPI, d’invoquer l'ensemble des droits de produire l'ensemble des pièces pertinentes, car cela ne sera pas possible après en appel.

 

 

Par Julien LACKER

Avocat Associé

GOMIS & LACKER AVOCATS AARPI -  tel: 01 47 63 63 35

Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle

Spécialiste en droit du numérique

Médiateur diplômé

Chercheur associé au CERDI (Centre d’Études et de Recherche en Droit de l’Immatériel)