I. Pourquoi faire une recherche d’antériorité avant de déposer une marque ?

La recherche d’antériorité de marque est souvent omise avant de procéder au dépôt d’une marque.

La recherche d’antériorité de marque a pourtant bien des avantages car elle permet de faire diminuer les risques d’opposition de marque à l’INPI ou à l’EUIPO, même si elle ne permet pas de garantir à 100% l’enregistrement d’une marque.

En effet, les droits antérieurs préexistants sont pour certains absents des bases de données qui peuvent être consultées.

L’objectif de la recherche d’antériorité est donc d’allouer le risque de manière acceptable afin que le dépôt de marque ait des chances accrues d’être enregistré.

Déposer une marque à l’INPI ou à l’EUIPO paraît simple.

De nombreuses personnes le font comme Monsieur JOURDAIN faisait de la prose, c’est-à-dire sans savoir les implications provoquées par cet acte juridique.

Avant de revendiquer un monopole sur un signe ou sur un son, il est important d’avoir le maximum d’informations sur les conséquences possibles d’un tel acte.

La recherche d’antériorité peut être faite avant de déposer une marque, mais également avant de commencer l’utilisation d’un signe.

En effet, le dépôt de marque, comme l’usage d’un signe, peut être source, sous certaines conditions, de responsabilité et peut porter atteinte aux droits des tiers.

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Pour expliquer la nécessité de faire une recherche d’antériorité, il est nécessaire de comprendre comment fonctionne le droit des marques et notamment la portée d’un droit sur une marque.

a) La prise en compte des similitudes visuelle, phonétique et intellectuelle

Le dépôt de marque par un avocat vise à obtenir un enregistrement de marque qui confère des droits sur toute utilisation d’un signe identique ou similaire pour des produits et services identiques ou similaires dans la mesure où il y a un risque de confusion.

Le risque de confusion est nécessaire lorsqu’il y a similarité.

S’il y a double identité entre les signes et les produits, le risque de confusion n’a pas à être démontré, il est présumé.

La similarité des signes s’apprécie d’un point de vue visuel, phonétique et intellectuel.

Afin de déterminer s’il existe des droits antérieurs, il faut donc déterminer s’il y a des signes antérieurs qui sont visuellement similaires, phonétiquement similaires ou intellectuellement similaires.

À titre d’exemple, une marque qui contient l’ensemble des lettres d’une autre marque dans le même ordre pourrait sous certaines conditions être similaire.

D’un point de vue phonétique, une marque contenant le son « O » pourra être phonétiquement identique à une autre marque où le son « O » s’orthographie « EAU » ou « AU ».

L’aspect phonétique est difficile à prendre en compte lorsque l’on fait une recherche d’antériorité à l’identique qui ne va couvrir que les marques contenant la même suite de lettres.

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Sur le plan intellectuel, deux signes peuvent être jugés similaires, car ils ont le même sens. À ce titre, la Cour d’Appel de Paris a jugé que la marque « PETIT DEJEUNER DE LA PEAU » était similaire à la marque « SKIN BREAKFAST » (Arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 17 décembre 2003 – marque antérieure « SKIN BREAKFAST » contre marque postérieure « PETIT DEJEUNER DE LA PEAU »).

Il est donc nécessaire, lorsque l’on souhaite faire une recherche d’antériorité, de rechercher les marques qui sont similaires d’un point de vue visuel, phonétique et intellectuel.

Le recours à un avocat spécialiste en droit des marques est recommandé car c’est complexe. 

b) La recherche des informations peut être plus ou moins complète

La recherche d’antériorité peut être plus ou moins poussée.

La personne qui veut déposer une nouvelle marque est dans la position d’une personne qui rentrerait dans une pièce plongée dans l’obscurité. Elle peut allumer un briquet, ou une lampe de poche ou un projecteur. Plus les recherches seront poussées, plus il y aura d’informations sur la situation réelle et les droits des tiers.

c) L’analyse juridique des données obtenues

Recueillir uniquement des données, c’est-à-dire des listes de marques ou des listes de dénominations sociales ou de noms commerciaux, est insuffisant.

Une recherche d’antériorité nécessite une étape d’analyse de ces données.

Toute marque antérieure présente dans la même classe ne signifie pas forcément une impossibilité d’utiliser la marque.

À titre d’exemple, dans la classe 9, de la classification internationale de Nice, coexistent à la fois les extincteurs, les lunettes, les microprocesseurs. Il s’agit, à chaque fois, de produits extrêmement distincts et l’existence d’une marque couvrant les extincteurs ne devrait pas permettre d’interdire l’usage du même signe pour des lunettes.

L’analyse des droits des tiers va permettre de savoir s’il y a un risque élevé, moyen ou faible à déposer une marque.

Au vu des résultats de la recherche d’antériorité de marque, le déposant pourra décider de choisir un autre nom, de modifier le signe déposé, soit en ajoutant des éléments, soit en retranchant des éléments, de modifier la liste des produits et services de façon à éviter une confrontation dans certaines classes ou, au contraire, en étendant la protection visée.

II. Pourquoi ne pas faire de recherches d’antériorité ?

La recherche d’antériorité peut ne pas avoir d’intérêt économique si le déposant possède par ailleurs des droits antérieurs sur le signe qu’il souhaite déposer en tant que marque.

Ces droits peuvent être des droits sur une dénomination sociale, un nom commercial, une enseigne, un nom de domaine, des droits de la personnalité tels que le droit au nom, ou encore des droits d’auteur.

a)La recherche d’antériorité : un outil pour faire diminuer les risques

Si l’existence de droits antérieurs ne permet pas d’anéantir tout risque de protestation des tiers, ils peuvent rendre la recherche d’antériorité moins nécessaire d’un point de vue commercial, le rapport entre le coût et la diminution du risque étant plus faible.

b) Le risque zéro n’existe pas

La recherche d’antériorité de marque ne permet jamais d’avoir une certitude absolue.

Les outils de recherche, même les plus performants, sont limités.

La limitation provient notamment des bases de données. Seuls peuvent être recherchés les droits contenus dans des bases de données tels que les marques et les dénominations sociales, noms commerciaux et enseignes ainsi que dans une certaine mesure les droits de la personnalité.

Les droits d’auteur ne peuvent pas être recherchés sur des bases de données en tant que tels. En effet, il n’existe pas de base de données extensive des droits d’auteur, le droit d’auteur n’étant pas soumis à une formalité d’enregistrement.

Une œuvre originale empreinte de la personnalité de l’auteur est protégeable par le droit d’auteur sans aucune formalité et sans obligation de fixation sur un support tangible.

La recherche d’antériorité ne permet pas non plus de détecter si une autre société a déposé dans un autre pays une marque identique ou similaire dont elle pourrait revendiquer la priorité dans un délai de 6 mois en France.

La recherche d’antériorité de marque est par définition un exercice de prédiction de l’avenir. Il s’agit d’un art plus que d’une science exacte.

Cependant, l’objectif raisonnable de la recherche d’antériorité est d’éviter les conflits manifestes et de limiter les risques. Certaines sociétés sont connues des praticiens comme étant particulièrement agressives et un avocat spécialiste en droit des marques pourra vous permettre de gagner du temps et de l’énergie grâce à la recherche d’antériorité. L’avocat marque ainsi sa capacité à donner un conseil précieux.

 

III. Comment faire une recherche d’antériorité

a ) Quels sont les droits antérieurs à rechercher ?

Les droits antérieurs permettant de refuser ou de faire annuler une marque sont listés de manière non limitative à l’article L711-3 du code de la propriété intellectuelle.

Cet article liste notamment la marque antérieure, la marque antérieure de renommée, la dénomination sociale, ainsi que, le nom commercial, l’enseigne ou le nom de domaine dont la portée n’est pas seulement locale, l’indication géographique enregistrée, les droits d’auteur, les droits résultant d’un dessin ou modèle protégé, les droits de la personnalité incluant notamment le nom de famille, le pseudonyme ou l’image, le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale, le nom d’une entité publique.

Ces divers droits antérieurs sont non limitatifs.

Selon les ressources allouées à la recherche d’antériorité de marque, on pourra rechercher les marques, mais également les noms de sociétés (voir les autres droits antérieurs listés ci-dessus).

L’Article L711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose :

« I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

1° Une marque antérieure :

a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;

b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ;

2° Une marque antérieure enregistrée ou une demande de marque sous réserve de son enregistrement ultérieur, jouissant d'une renommée en France ou, dans le cas d'une marque de l'Union européenne, d'une renommée dans l'Union, lorsque la marque postérieure est identique ou similaire à la marque antérieure, que les produits ou les services qu'elle désigne soient ou non identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ou demandée et lorsque l'usage de cette marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou qu'il leur porterait préjudice ;

3° Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l'article L. 722-1 ou à une demande d'indication géographique sous réserve de l'homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;

6° Des droits d'auteur ;

7° Des droits résultant d'un dessin ou modèle protégé ;

8° Un droit de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom de famille, à son pseudonyme ou à son image ;

9° Le nom, l'image ou la renommée d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ;

10° Le nom d'une entité publique, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. »

Pour effectuer une recherche d’antériorité, il faut savoir quel signe, quelle marque on souhaite déposer.

Il faut également savoir pour quels produits et services cette marque va être déposée afin de rechercher les classes pertinentes.

La recherche d’antériorité de marque doit donc être intégrée dans le processus de dépôt de marque, car il faut savoir pour quels produits et services la marque va être déposée.

Une marque étant protégée pour des produits qui sont identiques ou similaires, il faudra faire une recherche d’antériorité pour couvrir l’ensemble des produits qui seraient identiques ou similaires à ce que l’on souhaite déposer.

b) Rechercher les droits antérieurs les plus pertinents

À titre d’exemple, si on souhaite déposer une marque pour les logiciels en classe 9, il faudra faire une recherche notamment en classe 42 qui est la classe qui couvre notamment les services de création de logiciels ainsi que les logiciels en tant que service [SaaS].

L’objectif de la recherche d’antériorité de marque est de procéder à une analyse des risques.

Lorsqu’une marque a été déposée pour un signe identique ou similaire, il faudra déterminer (i) si les produits et services sont identiques et similaires, (ii) si l’élément présente un caractère distinctif et (iii) s’il y a un risque de confusion.

Une fois le risque potentiel déterminé, il faudra évaluer s’il s’agit d’un risque théorique ou d’un risque réel en pratique. Une société n’ayant plus d’existence légale présentera un risque plus faible qu’une société cotée au CAC 40 et utilisant la marque.

Le praticien pour déterminer les risques va prendre en compte l’agressivité réelle ou supposée du tiers, son usage et son activité réelle.

La recherche d’antériorité est nécessaire avant un dépôt de marque français à l’INPI mais également avant un dépôt de marque de l’Union Européenne à l’EUIPO.