Dans un article en date du 19 janvier 2023, le site d’informations médicales et professionnelles Egora faisait état d’un bras de fer engagé entre le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes et des étudiants de deuxième cycle de médecine (anciennement appelés « externes »).
Le CHU de Rennes réclamerait à plusieurs dizaines d’étudiants le remboursement des sommes versées malgré l’absence de réalisation de semaines de stage. En réponse, les étudiants feraient valoir qu’ils souhaitaient poser leurs congés sur cette période et que cela leur aurait été refusé. Ils feraient encore état de gardes impayées et du défaut de versement de la prime inflation [1].
Mais que dit le droit sur ces questions ?
Le présent article entend apporter un éclairage juridique général sur les différentes problématiques évoquées par le média. Il n’engage que son auteur qui n’a pas eu accès aux éléments et aux détails du dossier.
I. Le statut des étudiants de deuxième cycle de médecine
Durant leur deuxième cycle de médecine, les étudiants en médecine doivent effectuer des stages en hôpital et ont la qualité d’agent public dans ce cadre [2].
Leur statut est défini de manière réglementaire [3].
II. Les congés annuels
Les étudiants ont droit à 30 jours ouvrables de congés annuels :
Durant leur deuxième cycle de médecine, les étudiants doivent effectuer 36 mois de stage. Ces périodes de stage comprennent des congés annuels [4].
Les étudiants hospitaliers ont ainsi droit à un congé annuel de 30 jours ouvrables pendant lequel ils perçoivent une rémunération.
De plus, et au cours du deuxième cycle de médecine, les étudiants peuvent encore bénéficier d’un congé supplémentaire de 30 jours ouvrables non rémunérés conditionné à l’accord du doyen de la faculté de médecine et du directeur du CHU de rattachement [5].
La fixation des congés sous l’autorité du directeur de l’hôpital :
Les jours de congés doivent être posés entre le 1er octobre et le 30 septembre de l’année suivante [6].
Ils ne peuvent être posés sur les semaines durant lesquelles les étudiants ne sont pas en stage ou sur le temps consacré à leur formation universitaire (cours, contrôle et examens). De plus, les congés annuels ne peuvent pas se confondre avec les congés universitaires [7].
En pratique, les congés sont demandés par l’étudiant sur son temps de stage auprès du responsable de la structure d’accueil.
Le responsable de la structure d’accueil organise la prise des congés en fonction de l’organisation et de l’activité du service.
Le tableau des congés est ensuite arrêté par le directeur de la structure d’accueil [7] [8].
III. Les gardes
L’obligation de participer aux gardes :
La participation aux gardes fait partie intégrante de la formation des étudiants en deuxième cycle de médecine [9].
Durant leur deuxième cycle de formation, les étudiants de médecine doivent réaliser au moins 25 gardes [10].
Le service de garde doit être accompli en dehors du service normal [11].
L’encadrement réglementaire des gardes :
Un étudiant hospitalier ne doit pas effectuer de garde la veille d’un examen [12].
Par ailleurs, il ne peut être mis dans l’obligation de garde plus de 24 heures consécutives sauf exceptions prévues par les textes et nécessité impérieuse de service [13]. De même, son temps de présence dans l’établissement ne peut excéder 24 heures consécutives [14].
S’agissant des gardes de nuit, le service de garde commence à la fin du service normal de l'après-midi (et au plus tôt à 18h30) et s'achève au début du service normal du lendemain matin (et au plus tôt à 8h30) [13].
A l’issue de chaque garde de nuit, l’étudiant hospitalier doit bénéficier d’un repos de sécurité d’une durée de 11 heures intervenant immédiatement à l’achèvement de la garde. Ce repos consiste en principe une interruption totale de toute activité hospitalière, ambulatoire et universitaire [15].
S’agissant des gardes le dimanche et les jours fériés, le service de garde débute à 8h30 et se termine à 18h30, au début du service de garde de nuit [13].
La rémunération des gardes :
La participation à des gardes donnent lieu au versement d’indemnités liées au service de garde [16].
Elle est de 54,57 € brut par garde (étant précisé qu’une garde de 24 heures correspond à 2 périodes de garde et doit en conséquence faire l’objet d’une indemnisation de 109,14 €).
L’indemnité est versée mensuellement [7] [8] [17].
IV. La prime inflation
En raison de la hausse du coût de la vie, le législateur a voté en 2021 le versement, sous conditions, d’une aide exceptionnelle de 100 €, dite « prime inflation » ou encore « indemnité inflation » [18].
Les agents publics mais également les étudiants en stage ayant perçu une rémunération inférieure à 26 000 € bruts au titre de la période allant du 1er janvier au 31 octobre 2021 avaient droit au versement de cette prime [19].
La prime inflation devait être versée par l’employeur public avant le 28 février 2022 au plus tard [19].
V. Le remboursement d’un trop-perçu de rémunération
Lorsqu’un agent public touche un trop-perçu de rémunération ou d’indemnité, l’administration peut réclamer le remboursement de ce trop-perçu. L’agent est alors tenu au remboursement.
Il en va ainsi lorsqu’un agent perçoit une rémunération alors que le service n’a pas été fait.
Le recouvrement de cette somme doit être effectué dans le respect des règles applicables au recouvrement des créances par les personnes publiques. Par conséquent, toute décision ou titre demandant le remboursement d’une telle somme peut être contesté devant le juge administratif.
Par ailleurs, le versement indu d’une somme d’argent à un agent public par l’administration constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité [20].
Si vous souhaitez être accompagné dans le cadre d’une demande ou d’une procédure, vous pouvez faire appel à mes services. Je réponds également aux questions que vous vous posez sur vos droits et obligations et je vous conseille sur les solutions qui s’offrent à vous.
Le 08 février 2023, par Maëlle Meurdra, Avocate au Barreau de Rennes
Tél. : 06 21 87 13 23
Mél. : cabinet@meurdra-avocat.fr
Site internet : meurdra-avocat.fr
[2] Article R. 6153-46 du code de la santé publique
[3] Article L. 6153-1 du code de la santé publique
[4] Article R. 6153-47 du code de la santé publique
[5] Article R. 6153-58 du code de la santé publique
[6] Pour les étudiants de troisième année du deuxième cycle (DFASM3) cette période est prolongée jusqu’au 31 octobre de l’année suivante.
[7] Instruction ministérielle DGOS/RH4 n°2014-340 du 10 décembre 2014 clarifiant les dispositions réglementaires relatives aux étudiants en médecine, en odontologie et en pharmacie, NOR : AFSH1429376J
[8] Instruction ministérielle n°DGOS/RH5/DGESIP/2020/225 du 9 décembre 2020 relative à l’accueil et à l’organisation des stages des étudiants de deuxième cycle en médecine, en odontologie et pharmacie et des étudiants en second cycle des études de maïeutique
[9] Articles R. 6153-47-1 et R. 6153-52 du code de la santé publique ; Article 8 de l’arrêté du 8 avril 2013 relatif au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales
[10] Article 8 de l’arrêté du 8 avril 2013 relatif au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales ; Article 1er de l’arrêté du 17 juin 2013 relatif aux modalités de réalisation des stages et des gardes des étudiants en médecine
[11] Articles 1 et 2 de l’arrêté du 17 juin 2013 relatif aux modalités de réalisation des stages et des gardes des étudiants en médecine
[12] Article R. 6153-47-1 du code de la santé publique
[13] Article 3 de l’arrêté du 17 juin 2013 relatif aux modalités de réalisation des stages et des gardes des étudiants en médecine
[14] Article 2 de l’arrêté du 17 juin 2013 relatif aux modalités de réalisation des stages et des gardes des étudiants en médecine
[15] Article R. 6153-47-1 du code de la santé publique ; Article 4 de l’arrêté du 17 juin 2013 relatif aux modalités de réalisation des stages et des gardes des étudiants en médecine
[16] Article D. 6153-58-1 du code de la santé publique
[17] Articles 5 à 7 de l’arrêté du 17 juin 2013 relatif aux modalités de réalisation des stages et des gardes des étudiants en médecine
Il s’agit du montant en vigueur depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du 8 juillet 2022 relatif à l'indemnisation de la permanence et de la continuité des soins des personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, des internes et des étudiants en médecine.
[18] Article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021
[19] Décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021 relatif aux modalités de versement de l'aide exceptionnelle prévue à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021
[20] Conseil d’Etat, 1er juillet 1904, Navaggioni
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