Les sociétés ont acquis, au fil des années, de véritables réserves de trésorerie qui ne sont pas toujours utilisées dans le cadre du développement économique d’une société. Compte tenu du taux de prélèvement fiscal et social sur l’appréhension des réserves, les associés préfèrent souvent les maintenir dans l’actif social.
Schématiquement, nous pouvons considérer qu’ils existent deux manières pour un ou plusieurs associés de retirer des liquidités de la société qu’ils contrôlent :
- Procéder à une distribution de dividendes décidée dans le cadre d’une assemblée générale ordinaire annuelle[1] : Dans ce cas de figure, la société doit avoir réalisé un bénéfice distribuable pour pouvoir verser des dividendes aux associés.
- Se faire racheter ou rembourser tout ou partie de ses titres dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes : la société va réduire son capital en rachetant aux associés un certain nombre de leurs titres à leur valeur vénale et ainsi leur rembourser le prix des titres rachetés.
Dans ces deux cas de figure, deux régimes fiscaux peuvent être applicables :
- Celui de la « Flat Tax » : Le système de la « Flat Tax », ou Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), se caractérise par l’unification des taxations. Dividendes et plus-values sur cession de titres sont taxés au même taux de 30%, ventilé entre l’IR à hauteur de 12,8 % et les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2% qui sera applicable sur la distribution de dividendes ou dans le cadre de l’imposition de la plus-value sur cession de titres en cas de rachat de titres. Les contribuables y ayant intérêt peuvent toutefois renoncer à cette modalité de taxation et opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR).
- Celui du barème progressif de l’IR : il commandera l’application d’un abattement dans le cadre de la distribution des dividendes (40%) et un éventuel abattement pour durée de détention pouvant aller jusqu’à 85%, auquel il convient d’ajouter les prélèvements sociaux.
La différence majeure se situe au niveau de l’assiette de l’impôt[2].
En effet, le montant déclaré au titre des dividendes n’est pas le même que celui qui est déclaré au titre des plus-values de cession de titres réalisées dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes.
Concernant la distribution des dividendes, l’assiette des dividendes correspond au montant des bénéfices distribués.
Concernant la plus-value de cession de titres par réduction de capital non motivée par des pertes, l’assiette de la plus-value correspond au prix de cession diminué du prix d’acquisition. En effet, la plus-value imposable est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition. Les plus-values sont ensuite éventuellement réduites d'un abattement pour durée de détention à partir d’une durée de 2 ans. L'abattement pour durée de détention ne s'applique pas pour la détermination du montant des prélèvements sociaux.
Le prix d’acquisition s’entend du prix pour lequel les titres ont été acquis à titre onéreux pour le cédant diminué de certaines charges et majoré des frais d’acquisition. Dans le cadre d’une souscription, c’est la valeur nominale du prix d’acquisition qui doit être retenue.
Si le taux d’imposition demeure le même, l’assiette sur laquelle le taux sera applicable est différente, ce qui constitue l’attrait de cette opération de réduction du capital non motivée par des pertes compte tenu du retranchement du prix d’acquisition de l’assiette imposable.
L’imposition de la plus-value de cession de titres dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes au barème progressif de l’IR s’avère généralement la plus avantageuse.
En effet, le système du PFU (Flat Tax) devient moins intéressant dès lors que l’imposition au barème progressif de l’IR permet de bénéficier de l’abattement pour durée de détention. L’assiette de l’imposition, imposition certes plus importante, étant considérablement réduite, l’attrait de l’opération est indéniable.
Il est donc plus avantageux fiscalement pour un associé qui souhaite obtenir des liquidités de se faire racheter ses titres par la société émettrice à l’occasion d’une réduction du capital social non motivée par des pertes que de se voir distribuer des bénéfices, et cela, que l’imposition s’effectue au titre de la Flat Tax ou au titre du barème progressif de l’IR. La taxation fiscale d’une réduction de capital non motivée par des pertes permet de réaliser une économie de prélèvements obligatoires qui va du simple au double, voire du simple au triple.
Néanmoins, la légitimité fiscale d’une telle opération peut prêter à interrogation. En effet, la réduction de capital diminue les capitaux propres de la société et n’est motivée que par l’appréhension de richesses au profit du seul associé cédant et ne présente souvent aucun intérêt social.
Pour autant, la doctrine la plus autorisée considère que cette opération ne pourra souffrir que très exceptionnellement d’une qualification d’abus de droit par fraude à la loi[3].
Pour rappel, l’abus de droit par fraude à la loi est constitué en cas de contrariété à l’intention du législateur et par la poursuite d’un but exclusivement fiscal.
Le but exclusivement fiscal de la réduction de capital n’est pas systématique : cela peut être une façon pour les associés de réduire leur exposition au risque. En effet, le capital social constitue une sûreté sur fonds propres, ce qui interdit de distribuer les fonds correspondants aux associés, sauf réduction de capital.
De la même manière, il semble peu probable d’affirmer que le rachat des titres entrainant la taxation au titre de la plus-value soit contraire à l’intention du législateur.
De la même manière, cette opération peut difficilement faire l’objet d’une qualification d’abus de droit par simulation[4].
La réduction de capital non motivée par des pertes, peut dont constituer pour une société disposant de réserves, un excellent outil de réorganisation du capital permettant de redéfinir les équilibres capitalistiques et de réaliser une opération de « cash-out » à moindre frais.
[1] AGOA
[2] L’assiette correspond à la somme qui est retenue pour déterminer la base de calcul d’un impôt. Un taux est ensuite appliqué à cette somme pour déterminer le montant de l’impôt. Exemple : pour l’impôt sur le revenu ; pour un revenu de 10 000 euros auquel on applique un taux d’impôt de 10% le montant de l’impôt est calculé comme suit : 10 000 (assiette) x 10% (taux) = 1 000 euros = montant de l’impôt.
[3] R. Mortier, « Cash out par rachat de titres : où est l’abus de droit ? », dans Actes Pratiques et Ingénierie Sociétaire, n°2 – mars-avril 2018 ;
[4] Ibid.
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