La question des directives anticipées en matières médicales ;

Comme le disait Montaigne, notre propre métier est d’apprivoiser la mort : (Les essais, Chapitre XX, que philosopher c’est apprendre à mourir)

(…) Il est incertain où la mort nous attende, attendons la part tout. La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à servir. Le sçavoir mourir nous affranchit de toute subjection et contrainte. Il n’y a rien de mal en la vie pour celuy qui a bien comprins que la privation de la vie n’est pas mal. (….)

À l'automne de leur vie et ne voulant pas ajouter des tourments à l'angoisse de leurs proches, certains réfléchissent à des solutions pour anticiper une déchéance future.

 Le droit nous offre désormais la possibilité d’anticiper des problèmes de santé futur pouvant obérer l’autonomie de décision d’un individu sur sa santé.

Il s’agit des directives anticipées.

  1. L’autonomie de volonté un principe cardinal dans la décision médicale.

Conformément au Code de la Santé Publique (CSP), tout acte médical nécessaire et justifié médicalement doit être précédé d’un consentement libre et éclairé de la part du patient

Ce principe prend naturellement appui sur le celui du respect de la dignité de la personne humaine consacré par l’article L 1110-2 du CSP

 

 

 C’est la doctrine du consentement (appellation anglo-saxonne) trouve son application à l’article L.1111-4 es lois n° 2005-370 du 22 avril 2005 tel que modifié par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 du Code de la santé publique (CSP) :

« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. » 

Le consentement éclairé du patient est un donc un élément essentiel à tout acte médical, peu importe les connaissances dont il dispose (CE, 12 février 2020, n°425722 )

Par conséquent :

« Hors les cas d’urgence ou d’impossibilité de consentir, la réalisation d’une intervention à laquelle le patient n’a pas consenti oblige l’établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l’intéressé que, le cas échéant, toute autre conséquence dommageable de l’intervention ». CE, 24 septembre 2012, M., n° 336223 :

Ce qui implique nécessairement la réaffirmation du respect de l’autonomie de la volonté  de l’individu et ce même pour les majeurs soumis a des mesures de protection.

Ainsi, l’article L 1111-2 du CSP modifié par l’ordonnance N°2020-232 du 11 mars 2020 énonce que l'information est délivrée au majeur protégé d'une manière adaptée à leurs facultés de compréhension.

 Ce principe de l'autonomie de décision de la majeure protégée a été réaffirmer par l'article 459 alinéa un du code civil qui énonce que celui-ci prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet.

Cet idéal est réalisable chez un individu lucide psychiquement.

L’équation apparait donc simple, l’individu possédant des capacités cognitives intactes, reçoit des informations sur les risques fréquents graves normalement prévisibles d’un acte de diagnostic ou de soin.

A ce stade, la problématique qui s’impose à nous est de savoir si l’individu est toujours autonome en tout temps et en tout lieu en ce qui concerne la prise de décision vis-à-vis de sa santé ?

La liberté de choix est d’autant plus difficile lorsqu’on est atteint d’un handicap ou lorsque le corps médical a posé un diagnostic d’une pathologie grave, invalidante et évolutives pouvant s’accompagner d’une déchéance physique et psychique.

L’ esprit s’obscurcit face à un futur mortifère a plus ou moins brève échéance.

Ainsi, au lieu de laisser sous l’emprise du paternalisme médical ses proches, n’est-il pas préférable d’essayer de rétablir, dans le présent et l’avenir, une symétrie dans la décision médicale ?

C’est à mon avis la philosophie du législateur dans la création de ces directives anticipées.

 

  1. Les directives anticipées : des lignes directrices pour le corps médical

 

Il s’agit d’instructions écrites, d’une personne majeure, concernant la gestion de sa fin de vie c’est-à-dire  d’énoncer clairement, au corps médical, sa volonté relative aux traitements ou actes médicaux qui seront ou ne seront pas engagés, limités ou arrêtés.

D’emblée, rappelons que le Conseil Constitutionnel à réaffirmer la conformité à la Constitution de ces dispositions dans une décision QPC N2022-1022.

 

Ainsi, aux termes de l'article L. 1111-11 du Code de la Santé Publique, relatif aux directives anticipées :

" Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médicaux. / À tout moment et par tout moyen, elles sont révisables et révocables (...). / Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.

 La décision de refus d'application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire et est inscrite au dossier médical.

Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches. / (...) ".

Ces directives doivent être nécessairement matérialisées par un document écrit, comme le précise l’article R. 1111-17 du même code

" Les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 s'entendent d'un document écrit, daté et signé par leur auteur, majeur, dûment identifié par l'indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance (...

 

 

 

La première question qui s’impose est de savoir quelle est la portée de ces fameuses directives anticipées ? 

 

A priori, elles doivent s’appliquées à partir du moment où la personne est dans une situation médicale où il n’est plus capable d’exprimer sa volonté (altérations cognitives importantes, coma, ….)

Néanmoins, précisons que le corps médical ne doit pas suivre aveuglément ces directives puisqu’il peut écarter les directives anticipées du patient comme manifestement inappropriées ou non conformes à sa situation médicale

En effet, selon l'article R 4127 37 un du Code de la Santé Publique le médecin peut refuser de les appliquer à l’issue d'une procédure collégiale recueillant, l'avis des membres de l'équipe des soins et celui d'au moins un médecin appelé en qualité de consultant.

 Il peut alors aussi recueillir auprès de la personne de confiance le témoignage de la volonté exprimée par le patient et doit en tout état de cause l'informer de la décision de refus d'application des directives anticipées.

De même, n’oublions pas que le médecin peut en cas d’urgence vitale, ne pas mettre en œuvre les directives durant le temps nécessaire à l’évaluation de la situation médicale.

Ce réinvestissement du corps médical peut apparaitre comme choquante pour partisans du strict respect de la volonté de la personne.

Cependant, gardons à l’esprit la trajectoire de la fin de vie n’est pas toujours aussi linéaire et que de ce fait le législateur a voulut instaurer un dialogue entre le médecin la personne et sa famille ?

 

 

 

En second lieu, il conviendra d’articuler ces directives anticipées avec la personne de confiance.

Celle-ci a été consacrée par le code de la santé publique issu de la Loi du 4 mars 2002 et modifier par la loi numéro 2024- 317 du 8 avril 2024 portant mesure pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie qui consacre la primauté de la consultation de la personne de confiance par rapport à la famille

Tout d’abord, il s’agit d’une obligation pour les établissements de santé de proposer, lors de chaque hospitalisation, la désignation d’une personne de confiance, Article L 1111-6-1 du CSP ;

Concrètement, la personne peut désigner une personne de confiance qui, si elle le souhaite, l'accompagnera dans ses démarches afin de l'aider dans ses décisions

La même procédure est déclinable pour les établissements sociaux et Medico sociaux (articles L 311-0-3 et L 311-5-1 du code de l’action social et des familles

En outre, conformément à l’article L 1111-6 du CSP la mission de la personne de confiance évolue en fonction de la capacité d’expression de la volonté de la personne

Enfin, l’article L1111-12 du CSP indique qu’en l’absence de directive anticipée, le médecin recueil le témoignage ou la vie de la personne de confiance ou à défaut celle de la famille ou des proches