La pratique de la médecine est un art long et difficile (Ars longa vita brevis) qui nécessite un investissement humain et financier important (études longues, installation couteuse, constitution d’une clientèle).

 

En outre, l’exercice est aussi réglementé par des règles déontologiques strictes (code de déontologie médical) mais aussi par un cadre règlementaire (Convention avec l’assurance maladie) négocié entre l’Etat et les différents syndicats de médecins.

 

D'après le rapport d'activité de la juridiction ordinale pour l'année 2022, les plaintes concernant les honoraires ne concernent que 6% du contentieux dans les chambres disciplinaires de première instance CDPI.

 

Néanmoins, le caractère modeste de ce contentieux ne dois pas nous faire oublier aux médecins cette obligation déontologique fondamentale ; la détermination des honoraires médicaux avec tact et mesures.

 

  1. L’acte de soins : une définition précise ;

 

D’emblée, toute réflexion sur le sujet doit se concentrer sur la définition exacte de l’acte médicale.

 

En effet, cette définition conditionne le caractère remboursable ou non de la consultation médicale nécessaire à la délivrance par un médecin ou la sage-femme d’une prescription et ou la pratique d’un acte de soin.

 

Le Code de la Santé Publique (CSP) ne définit que la notion d’actes de soins car l’article L 1142-1 mentionne des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins.

 

 

L’acte de soin ou acte médical pourrait se définir non pas seulement comme un acte clinique (sens littéral du terme) mais aussi comme une prestation intellectuelle (le diagnostic) réalisé en cabinet ou par un dispositif de télémedecine.

 

En réalité, cet acte est donc segmenté aussi bien en actes cliniques qu’intellectuels.

 

Mais c’est la pratique du diagnostic qui caractérise réellement l’activité médicale (article 36 CDM) et qui justifierai le versement d’honoraires à l’omnipraticien ou au médecin spécialiste.

 

Par ailleurs, l’article 70 du Code de Déontologie Médicale définit indirectement le champ de l’acte médical

 

Tout médecin est, en pratique, habilité à pratiquer les actes de diagnostic de prévention et de traitement.

 

 

Ainsi, il s’agit d’une prestation médicale nécessitant un important travail intellectuel de recherche au-delà de l’aspect purement clinique.

 

Il peut donc paraître normal pour un médecin de demander des honoraires plus ou moins élevés.

 

Tout en sachant que cet examen doit toujours être guidé par le principe d’évaluation de ceux-ci avec tact et mesures.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. L’acception exacte de la notion de tact et de mesure dans la fixation des honoraires :

 

De prime abord, le patient doit être informé des conditions de tarifications par le professionnel de santé (arrêté du 30 mai 2018)

 

 

Ensuite, l’article R 4127-53 du code de la santé publique (article 53 du CDM°) modifié par le Décret 2020-1662 du 22 décembre 2020 énonce que :

 

.        - Les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières.

 

Conformément à l’article 162-2 du code la sécurité social (CSS) :

 

Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d'installation du médecin, sauf dispositions contraires en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 71-525 du 3 juillet 1971.

 

 De sorte que la pratique du paiement à l’acte est un principe fondamental de l’exercice libéral,

 

En effet, ce principe signifie que le médecin perçoit une rémunération en contrepartie de chaque acte effectué.

 

Cette pratique à l’acte a pour corollaire le paiement directe, consacré par la loi n°71-525 du 3 juillet 1971 et l’article L 162-2 du Code de la Sécurité Social et par les différentes Conventions négociées entre l’assurance maladie et les différents syndicats de médecins ;

 

A titre d’exemple celle du 12 janvier 2005 qui stipule également : « le patient règle directement au médecin ses honoraires, seuls permettent un remboursement les actes inscrits sur les listes citées à l’article L162-1-7 du code de la sécurité sociale ».

 

 

Le texte poursuit :

 

 « Le paiement à l’acte reste le mode de rémunération le plus adapté pour rémunérer des fonctions soignantes directes » sujet à controverse mais auquel les médecins libéraux restent très attachés car il symbolise le mieux le colloque singulier entre le médecin et le patient.

 

Enfin, le médecin est libre de déterminer le montant de ses honoraires, à condition de faire preuve de tact et mesures.

 

Cette notion a d’ailleurs fait l’objet d’une étude par le Conseil de l’Ordre des Médecins (CNOM) en 1998 (Le tact et la mesure dans la fixation des honoraires, rapport adopté lors de la session du Conseil National de l’Ordre des Médecins de mai 1998, Dr F-Xavier MERCAT).

 

Elle met en avant le fait que même si les négociations conventionnelles entre les médecins et la sécurité sociale sur le montant des honoraires ont rendu ceux-ci opposables, Il n’en demeure pas moins que cette notion perdure.

 

L’étude met aussi en exergue la difficulté de définir précisément le tact et la mesure, tout simplement parce qu’étymologiquement ces deux notions renvoient à l’intuition du médecin, à sa capacité d’évaluation de la situation financière du patient : 

 

« Cela implique, de la part du médecin, suffisamment de psychologie et de délicatesse, pour faire une juste appréciation du niveau social et économique de la personne qui le consulte …C’est aussi avec mesure que le médecin fixera la valeur du service rendu ».

 

En outre, le rapport poursuit en faisant remarquer, que les honoraires pratiqués doivent faire l’objet d’une information préalable par le praticien conformément à l’arrêté du 9 juin 1996 relatif à l’information sur les tarifs d’honoraires pratiqués par les médecins libéraux, ce qui n’est peut-être pas toujours le cas pour des patients maîtrisant mal le français voire même pour les patients anglophones.

 

Elle conclue en précisant, qu’il est impossible de définir précisément les notions de tacts et mesures, qu’elles sont appréciées selon chaque cas d’espèces par le médecin et qu’il n’appartient qu’aux instances ordinales de sanctionner les abus pouvant maître de la fixation abusives d’honoraires.

 

C’est donc la jurisprudence qui a été mise à contribution pour évaluer l’abus dans la fixation des honoraires.

 

 

 

Pour elle, il s’agit surtout d’un excès dans le montant des honoraires demandés :

 

  1. Les jurisprudences ordinales et du Conseil d’Etat :

 

Dans la jurisprudence ordinale il est bien précisé que l’obligation de pratiquer des tarifs abusifs n’est pas exclusif de l’appartenance au secteur II (07/02/91) BO déc. 1992 p 194.

 

 

Dans la jurisprudence du Conseil d’Etat, la notion de tacts et de mesures est appréciée diversement :

 

CE 17 juin 1988 req n°82644 F avertissement pour un généraliste ayant facturé à un tarif plus de cinq fois supérieur au tarif conventionnel

 

L’obligation de respecter le tact et la mesure s’impose à tout médecin conventionné ou non, car il s’agit d’une obligation déontologique.

 

Le Conseil d’Etat à d’ailleurs confirmer la sanction d’un médecin (section des assurances sociales du Conseil de l’ordre) pour dépassement abusif des honoraires et donc une méconnaissance du principe du tact et de la mesure :

 

 

« En estimant, après avoir relevé dans sa décision que le docteur F a réclamé des honoraires qui, dans de nombreux cas ont dépassé le double du tarif conventionnel en vigueur à l’occasion d’actes ne comportant pas d’investigations particulières en matière de diagnostic ni d’actes thérapeutiques long et délicats, que ce médecin a manqué de mesure, la section des assurances sociales n’a pas donné aux faits une qualification erronés » (CE 30 juin 1993 F rec. tables 1000)

 

 

Voici un autre exemple, une sanction de deconventionnement pour une durée d’un mois pour un généraliste pratiquant la médecine homéopathique et l’acupuncture

 

« La décision attaquée est motivée par les dépassements importants et constants d'honoraires pendant la période du 4ème trimestre 1984" et que "malgré la mise en garde dont il a fait l'objet le 14 avril 1985, le docteur X.… a persisté dans sa manière de faire en fixant des tarifs trois fois supérieurs aux tarifs conventionnels » (CE 19 mai 1993 n°102132)

 

 

 Terminons notre propos par deux autres exemples jurisprudentiels ;

 

 

  • CE 11 juillet 1984 ° n° 41744

 

« En s'étant fait remettre par un patient un chèque préalablement avant. Toute intervention, en ne mentionnant sur la feuille de maladie qu'une faible partie d'honoraires réellement perçus et en exigeant une rémunération excessive, un praticien a commis des faits contraires à la probité et à l'honneur professionnel »

 

 

 

CE 29 juillet 2002 : N°2002-064226

 

« qu'en estimant que le praticien poursuivi avait méconnu l'article 70 du code de déontologie médicale qui prévoit que les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure en tenant compte de la réglementation en vigueur, de la nature des soins donnés et des circonstances particulières, sans que l'état pathologique lourd de la patiente constitue en l'espèce une justification, non plus que son état de fortune ou ses modalités d'assurance, ni le droit à dépassement dont il disposait, la section des assurances sociales a suffisamment répondu à l'argumentation du requérant ; qu'elle n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant établis ces divers griefs ».

 

 

 

 

III) Procédure et sanctions pour dépassements d’honoraires illégales et abusif

 

Pour l'application pratique, on doit se reporter au décret n° 2020-1215 du 2 octobre 2020 relatif à la procédure applicable aux refus de soins et aux dépassements d'honoraires abusifs ou illégaux précise et à l'article R. 147-15 du code de la sécurité sociale, le barème de sanctions applicable

 

 

Les dépassements d'honoraires illégaux ou abusifs sont définis à l'article R 147 13 du code de la sécurité sociale :

 

2° Pratique des dépassements d'honoraires excédant le tact et la mesure. Le respect du tact et de la mesure s'apprécie notamment, dans le cadre du présent article, au regard de la prise en compte dans la fixation des honoraires de la complexité de l'acte réalisé et du temps consacré, du service rendu au patient, de la notoriété du praticien, du pourcentage d'actes avec dépassement ou du montant moyen de dépassement pratiqués, pour une activité comparable, par les professionnels de santé exerçant dans le même département ou dans la même région administrative ;

 

 Cet article nous donne, en quelque sorte, une clé de lecture de ce qui constitue l'absence de tact et de mesure pour l’évaluation des honoraires médicaux par le praticien.

 

En cas de plainte d'un assuré social, la législation prévoit une phase de conciliation qui peut donner lieu une sanction prévu par des articles R 147- 15 R - 16 le code de la sécurité sociale.