De nombreux salariés, notamment exposés au contact du public dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions (grande distribution ; banques ; secteur médical etc.) se questionnent sur la possibilité d'exercer leur droit de retrait, pour sauvegarder leur santé et leur sécurité ou celle de leurs proches.

Le discours du gouvernement est pour le moins ambigu puisque, vu l'urgence sanitaire, la règle est celle du confinement, désormais prorogé jusqu'au 15 avril 2020, mais il est également à la mobilisation de ceux et celles qui concourent à la "solidarité nationale", pour assurer une sorte de "service minimum". 

Retour sur les contours de ce droit de retrait et de son applicabilité à la situation exceptionnelle que nous vivons, à l'aune des articles L.4131-1 et suivant du code du travail.

Les principes

Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.

Le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l'article L. 4132-2.

Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux.

Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.

Les conditions d'exercice du droit de retrait

Le droit de retrait est exercé de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.

Lorsque le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail alerte l'employeur en application de l'article L. 4131-2, il consigne son avis par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

L'employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l'installation, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni d'urgence, dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures.

L'employeur informe immédiatement l'inspecteur du travail et l'agent du service de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie, qui peuvent assister à la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

A défaut d'accord entre l'employeur et la majorité du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est saisi immédiatement par l'employeur.

L'inspecteur du travail met en oeuvre soit l'une des procédures de mise en demeure prévues à l'article L. 4721-1, soit la procédure de référé prévue aux articles L. 4732-1 et L. 4732-2.

L'employeur prend les mesures et donne les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs, en cas de danger grave et imminent, d'arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail.

Quid de son applicabilité au moment de l'urgence sanitaire liée au Coronavirus

Vu le caractère historique de l'évènement, il n'est pas vraiment possible de se fonder sur les précédents jurisprudentiels.

Le contexte exceptionnel, le manque de moyens notamment en masques et en gel hydroalcoolique, poussent le gouvernement à raisonner en terme de "priorités".

Ainsi le gouvernement considère que dès lors que sont mises en œuvre tant par l'employeur que par les salariés les recommandations qu'il publie, la seule circonstance d'être affecté à l'accueil du public et pour des contacts brefs (et pour des contacts prolongés et proches) ne concerne pas à date le droit de retrait.

Les préconisations gouvernementales sont formulées "sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux", à considérer que le salarié justifie d'un motif raisonnable pour exercer son droit de retrait.

La porte n'est pas non plus totalement fermée, et il faudra faire preuve de créativité, d'autant que la situation évolue de jour en jour, avec les tensions qui ne cessent d'augmenter dans les secteurs les plus concernés.

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