En cette période exceptionnelle de confinement, certains ont peut être la chance de disposer d'espaces verts, sans pouvoir en jouir pleinement, compte tenu du non-respect par leur voisins des règles d'élagage des arbres en limite de propriété.
Faisons donc une petite parenthèse et rappelons quelques principes en la matière.
Avant toute chose il est important de vérifier, en sus des usages existants (auprès des services de la mairie ou de la préfecture notamment), les clauses des accords existants, conditions particulières d’achat (acte d’acquisition du terrain, éventuel cahier des charges du lotissement et/ou plan d’occupation des sols ; règlement du lotissement etc.).
1. Certaines dispositions (usage ou à défaut la loi) prévoient une distance de la plantation en bordure de propriété qui si elle est dépassée ouvre le droit à une action en arrachage ou réduction
En effet, les dispositions du code civil relatives à la mitoyenneté prévoient :
- « Il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers. » (C. civ., art. 671).
- « Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales. » (C. civ., art. 672).
2. Le dépassement des branches des arbres, arbustes et arbrisseaux sur la limite de sa propriété ouvre droit à une action en élagage
L’article 673 du code civil pose une obligation d’élagage des branches en dépassement de propriété :« Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible. »
Cette situation ne répond pas aux mêmes conditions de la situation du dépassement de la distance en bordure de propriété (1) et les conditions sont plus souples ici car il y a empiètement sur la propriété voisine.
En effet, sauf accord des parties exprès en cas de dépassement, le voisin peut contraindre le propriétaire de la végétation litigieuse à élaguer, que les plantations soient ou non à la distance réglementaire et quelles que soient les caractéristiques de l'arbre (sa hauteur, son âge, son caractère remarquable ou non, son état de santé, son caractère dangereux ou non et l'éventuel dépérissement causé par la taille, l’existence d’un préjudice ou non etc).
Par ailleurs ce droit est imprescriptible.
3. La responsabilité pour troubles anormaux du voisinage
Ce régime de responsabilité peut être envisagé « en tout état de cause » puisque l'exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage.
Ce régime de responsabilité est plutôt favorable puisqu’on a pas besoin de démontrer la faute du propriétaire voisin.
Il faut donc apporter la preuve :
- Du trouble ;
- De son caractère « anormal » Attention : la notion de trouble anormal est appréciée par les juges en fonction des circonstances de temps et de lieu. Par exemple, la chute d'aiguilles et de chatons provenant d'un cèdre sur la terrasse, la toiture et dans les gouttières des requérants ne constitue pas un inconvénient anormal, dès lors que les fonds des parties sont situés dans une zone boisée située en zone de protection touristique dans laquelle toute coupe d'arbre doit être autorisée par arrêté préfectoral et où les arbres qui ne respectent pas la distance légale peuvent subsister (CA Aix-en-Provence, 4e ch., 10 oct. 2013, n° 11/02279).
- Du préjudice matériel ou moral subi (qui peut être le préjudice de jouissance) – en lien avec le trouble bien évidemment.
S’il y a trouble anormal du voisinage, le juge peut prendre les mesures pour faire cesser le trouble (arrachage ; réduction ; élagage) et condamner à la réparation du préjudice (dommages et intérêts).
Voilà pour l'essentiel, pour plus d'infos :
Consulter mon profil Avocat.fr
Ou
https://www.justifit.fr/avocats/avocat-nice-06200-meissa-bouteraa-7003
Je vais me permettre une remarque.
Est-ce que quelqu'un (parmi riverains, juges, avocats, experts...) s'est soucié de la dangerosité de ce cèdre de 40 mètres de haut et de son tronc de plus de 2 mètres de circonférence au beau milieu d'un lotissement, à proximité d'habitations ? Un expert a noté un grillage présent sur une évacuation d'eaux pluviales, OK ; mais 40 mètres de hauteur, par grand vent, excusez-moi mais personne n'a pensé que cet arbre pouvait se retrouver un jour à l'horizontale et essayé d'imaginer les dégâts !
J'avais deux cèdres du Liban dans ma propriété de plus de 20 mètres de haut. Je les ai fait abattre en raison des dégâts qu'ils occasionnaient sur une remise proche de 5 mètres par suite de branches cassées par vent fort ; ces arbres étaient devenus trop dangereux chez moi et aussi chez mes voisins.
Est-ce que la justice exclut le bon sens ?