L’exploitant d’un parc d’attractions est tenu d’une obligation de sécurité d’une intensité variable selon le rôle joué par l’usager au moment de l’accident. La responsabilité civile de l’exploitant s’apprécie donc au cas par cas, même s’il est vrai que la jurisprudence récente de la Cour de cassation permet de dégager quelques critères d’appréciation.

 

L’obligation de sécurité qui pèse sur l’exploitant d’un parc d’attractions résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui juge, depuis fort longtemps, que celle-ci constitue une suite du contrat au sens de l’article 1194 du code civil (ancien 1135 du code civil). Pour apprécier la violation éventuelle de cette obligation, la jurisprudence utilise la distinction classique entre obligation de moyens, imposant à la victime de l’accident de rapporter la preuve d’une faute de l’exploitant et obligation de résultat, entraînant une présomption de faute de ce dernier, en partant du seul fait dommageable.

Il est généralement admis que la qualification d’obligation de moyens ou de résultat dépend au premier chef du rôle du créancier de l’obligation dans l’exécution du contrat et la maîtrise qu’il exerce sur les risques qui y sont associés.

Ainsi, lorsque l’activité implique un rôle actif de l’usager du parc d’attractions, l’obligation doit être qualifiée de moyens. En revanche, lorsque le client est totalement passif pendant la phase d’utilisation de l’attraction, l’obligation doit être qualifiée de résultat.

L’on distingue aisément en filigrane, dans cette distinction, le critère habituel de l’aléa qui justifie un assouplissement du régime de responsabilité de l’exploitant qui n’est pas en mesure de garantir un résultat lorsque la sécurité dépend aussi de l’usager.

La jurisprudence utilise également la notion « d’obligation de moyens renforcée » lorsque l’activité présente une dangerosité particulière, qui a pour incidence d’inverser la charge de la preuve, sans pour autant établir une présomption de responsabilité comme lors du recours à une obligation de résultat.

Toute la difficulté reste alors de déterminer quel a été, de fait, le comportement du créancier de l’obligation de sécurité et, partant, à répartir entre les parties les risques liés à l’exécution du contrat. Dans certains domaines d’activité, il est aisé de procéder à cette différenciation. Il en va ainsi pour les exploitants de remontées mécaniques et plus particulièrement les télésièges. Si l’obligation de sécurité qui pèse sur eux est de résultat pendant le trajet, elle n’est plus que de moyens lors des opérations d’embarquement et de débarquement en raison du rôle actif joué par les usagers.

Dans le cas des parcs d’attraction ou de loisirs, la distinction n’est pas toujours aussi nette dans la mesure où le rôle de l’usager va varier en fonction des activités proposées, lesquelles peuvent être très diverses.

S’il ne fait peu de doutes que l’utilisateur a un rôle actif dans les parcours d’aventure dans les arbres, pour lesquels il doit utiliser différents objets, comme filets, lianes, passerelles, ou encore une tyrolienne qui permet de se déplacer entre deux arbres sur un siège tenu par un filin, d’autres activités nécessitent une analyse précise du comportement de la victime lors de l’accident.

Ainsi, dans un arrêt en date du 11 mai 2022, la Cour de cassation a estimé que le client ne jouait aucun rôle actif lorsque la conception de l’attraction lui laissait « une marge de manœuvre réduite à la manière de prendre les virages et à la possibilité d’une pose dans les bassins intermédiaires, limitée par la présence des autres usagers. »

Dans cette affaire, le client d’un parc d’attractions aquatiques s’était grièvement blessé lors de la descente d’une rivière à courant artificiel et avait saisi le Juge des référés aux fins d’obtenir une provision. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond qui avaient écarté toute contestation sérieuse, précisant ainsi les contours du critère du rôle actif du créancier en confirmant que le fait que l’usager conserve une partie minime de son autonomie lors de l’activité ne suffit pas à retenir son rôle actif. En l’espèce, il avait été notamment relevé que « l’utilisateur ne pouvait ni agir sur la trajectoire ni s’arrêter ».

La même solution avait déjà été retenue pour qualifier de résultat l’obligation de l’exploitant d’un toboggan aquatique.

Cette position vient d’être confirmée dans un arrêt récent rendu le 11 juin 2024 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a jugé que « s'il est exact que les participants ont un rôle actif en ce qu'ils peuvent se mettre debout au centre du manège, quitter les fauteuils et la rampe de sécurité située au- dessus des banquettes et y sont même invités par l'exploitant pour profiter au maximum de l'attraction, ils ne sont absolument pas maîtres des mouvements du manège. » Le critère semblait donc être ici la maîtrise des risques qui était l’apanage exclusif de l’exploitant.

La Cour ajoute « par ailleurs, au cas d'espèce, il n'est pas justifié d'une imprudence ou d'une négligence imputable à la jeune victime qui aurait eu un comportement imprévisible pour l'exploitant. Il s'en déduit que ce dommage, survenu au sein d'un manège forain dont les mouvements et notamment les soubresauts, sont aléatoires et de la seule initiative de l'exploitant, engage la responsabilité de ce dernier soumis à une obligation de sécurité de résultat ».

Un autre arrêt rendu par la cour d’  appel de Rouen le 12 juin 2024 illustre parfaitement le travail de qualification juridique opéré par les juges du fond, qui passe nécessairement par la description précise de chacune des étapes de l’attraction : « l'attraction 'Los Rapidos' consiste pour l'utilisateur à rester assis dans un canot pneumatique positionné au départ sur une plateforme pivotante et dans lequel il prend place. Celle-ci est basculée vers l'avant à l'initiative d'un opérateur qui appuie sur un bouton pour amorcer le départ simultané, pour trois toboggans placés parallèlement dans la même direction, d'un canot dans la descente de chaque toboggan. Chaque canot est occupé par deux personnes. Depuis le départ jusqu'à l'extrémité du toboggan, chaque canot glisse sur l'eau s'écoulant dans le toboggan. Une fois cette extrémité dépassée, chaque canot glisse sur un tapis de sol plastifié long de quelques mètres. À l'extrémité du tapis, se trouvent trois matelas de protection placés les uns à côté des autres sur le sol afin de stopper les canots qui ont pu glisser jusqu'à cette limite. »

Dans cette affaire, les jambes de la victime s’étaient retrouvées coincées sous un matelas de protection, après que le canot eût terminé sa course en percutant celui-ci. La cour a considéré que « ce moment ne pouvait être dissocié de la descente » et a donc retenu la violation de l’obligation de sécurité de résultat de l’exploitant.

En cas d’accident survenu dans un parc d’attractions, la victime doit donc avoir le réflexe de déposer systématiquement une plainte à l’encontre de l’exploitant afin que l’enquête établisse les circonstances précises dans lesquelles celui-ci est survenu. Même si la plainte est finalement classée sans suite, les éléments de procédure permettront au juge civil d’apprécier le rôle de la victime et, partant, de qualifier la nature de l’obligation de sécurité de l’exploitant.

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Par exemple Cass. civ 1ère 28 oct. 1991 n°90-14713 et Cass. Civ 1ère 3 fév. 2011 n°09-72325 pour un toboggan aquatique ; Cass. civ 1ère 17 mars 1993 n°91-14417 pour une piste de bob-luge)

Cass. Civ 1ère 16 oct.2001 n°99-18221

Cass. civ 1ère 11 juin 2002 n°00-10415

Cass. civ 1ère 8 oct. 2009 n°07-21843; Cass. civ 1ère 6 avril 2016 n°15-16364 ; CA Amiens 28 sept. 2023 RG n° 22/01862 disponible sur judilibre.

Cass. civ 1ère 11  mai 2022 n°20-22849

Cass. civ 1ère 9 janvier 2019 n°17-19433

CA Aix-en-Provence 11 juin 2024 RG n° 22/12277 disponible sur judilibre.

CA Rouen 12 juin 2024 RG n°23/01341 disponible sur judilibre