Le Conseil d’Etat s’est récemment  prononcé sur cette question, juste avant l'intervention de l’article 20 de la loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance.

L’obligation de publication des circulaires sur circulaires.legifrance.gouv.fr a été introduite par une ordonnance de 2005. Elle figurait depuis 2016 à l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration.

L’article 1er du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008, prenant effet au 1er mai 2009, et codifié à l’article R. 312-8 du code précité, dispose qu’une circulaire non publiée sur le site dédié « n'est pas applicable. Les services ne peuvent en aucun cas s'en prévaloir à l'égard des administrés ». 

Pour les circulaires déjà signées, son article 2 prévoit qu’elles « sont réputées abrogées si elles ne sont pas reprises sur le site » dédié.

Dans ses conclusions lumineuses sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 juillet 2018 (disponibles sur Ariane), le rapporteur public, M. Guillaume Odinet, rappelait l’état de la jurisprudence issue de ces deux articles :

  • les circulaires adoptées avant le 1er mai 2009 + non publiées sur le site : elles sont réputées abrogées implicitement par l’article 2 du décret précité, à compter du 1er mai 2009. En cas de recours contre le refus de l’abroger, le Conseil d’Etat constate le non-lieu à statuer. En cas de recours pour excès de pouvoir directement contre la circulaire, celui-ci est irrecevable, sauf si la circulaire a été appliquée avant le 1er mai 2009.

La mise en ligne de la circulaire sur ce même site à une date postérieure au 1er mai 2009 n'a pas pour effet de la remettre en vigueur.

  • les circulaires adoptées après le 1er mai 2009 + non publiées sur le site : elles ne sont pas applicables, mais ne sont pas pour autant réputées abrogées.

Ainsi, une circulaire adoptée après le 1er mai 2009 + non publiée sur le site n’est ni abrogée implicitement [= supprimée pour l’avenir], ni caduque [= « se distingue de l’annulation en ce qu’elle ne sanctionne pas un vice entachant à l’origine la validité de l’acte mais enregistre ou sanctionne une carence ultérieure entamant l’acte dans sa perfection ou l’empêchant en tout cas d’être efficace », Dictionnaire Cornu, 2007, p.128-129], mais simplement inopposable [= privée d’effet à l’égard des tiers].

Un recours contre le refus de l’abroger est donc recevable, selon le Conseil d’Etat. Il avait déjà jugé qu’un recours pour excès de pouvoir directement contre la circulaire l’était également.

Cette décision du 26 juillet 2018 aura eu une postérité très limitée, puisque l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration, modifié par la loi du 10 août 2018, dispose désormais que « les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ».

Autrement dit :

  • un recours pour excès de pouvoir directement contre la circulaire serait désormais jugé irrecevable ;
  • un recours contre le refus de l’abroger se solderait désormais par un non-lieu à statuer.

Il y a donc désormais un alignement du régime contentieux entre les circulaires non publiées sur le site circulaires.gouv.fr avant et après le 1er mai 2009.

Si cet article a l’apparence d’une simplification, il pose la question de ses modalités de mise en œuvre.

Il est vrai qu’avant son intervention, les circulaires adoptées après le 1er mai 2009 pouvaient toujours connaître une publication tardive sur le site, après une période d’inefficacité (= privation d’effets) plus ou moins longue. Dans l’étude d’impact sur le projet de loi, le Gouvernement observait ainsi que « le stock d’instructions et de circulaires non publiées s’est reconstitué depuis mai 2009 ».

Avec cette nouvelle disposition, il est très probable que le Gouvernement, par la voie du décret, encadre la période de publication : on voit mal comment, à défaut, une circulaire serait supprimée pour l’avenir, à peine adoptée.

Il est donc à anticiper que le décret à intervenir fixera un délai maximal, à l’issue duquel la circulaire adoptée non publiée sur circulaires.legifrance.gouv.fr sera réputée abrogée, pour permettre à l’édifice juridique de conserver sa cohérence.

Enfin pour mémoire, et selon une jurisprudence constante, l'interprétation donnée par l’administration, par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, ne fait grief que si elle est libellée sous forme de « dispositions impératives à caractère général ».