La presse écrite et télévisuelle s’est récemment fait l’écho d’une saga initiée par un collectif de parents d’élèves, opposée à la construction d’un collège à proximité d’un vignoble, au motif que les vignes étaient traitées en conventionnel – c’est-à-dire avec des pesticides.

Que dit la loi ?

Depuis 2014, et l’article 53 de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, l’utilisation de pesticides est interdite DANS les cours de récréation, DANS l'enceinte des crèches, des haltes-garderies, des centres de loisirs, ainsi que DANS les aires de jeux des parcs, jardins et espaces verts ouverts au public (codifié à l’article L. 253-7-1 du code rural).

En revanche, à PROXIMITE de ces mêmes lieux, ainsi qu'à PROXIMITE des centres hospitaliers, maisons de retraite, et établissements accueillant des handicapés, elle est permise, mais conditionnée, « à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement ».

En l’état du droit, il n’est donc pas interdit de traiter à proximité de lieux accueillant des « personnes vulnérables » à ces traitements, sous réserve :

  • soit qu’il existe des protections mécaniques (haies, équipements de pulvérisation qui limitent les transferts par dérive) ;
  • soit que ce traitement s’effectue à des jours ou heures hors la présence des publics concernés (condition plus facile à remplir pour une école que pour un établissement hospitalier ou de retraite).

A noter que dans l’instruction ministérielle du 27 janvier 2016 précisant les modalités d’application de la loi précitée, l’administration relève qu’il « est actuellement admis qu'en absence de mesure de protection », une distance minimale de « 20 mètres pour la viticulture » permet « d'obtenir moins de 1% de dérive » (de pulvérisation de produits phytosanitaires).

Que disent les institutions scientifiques ?

Un rapport sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, rédigé en décembre 2017 conjointement par plusieurs institutions scientifiques publiques, préconisait de « renforcer la protection des populations » (p.57), notamment en :

  • définissant par arrêté interministériel, à proximité des lieux sensibles, des « distances minimales sans épandage à proximité » de ces lieux ;
  • prenant une disposition législative qui introduirait, à proximité des habitations, des zones non traitées « pour les produits les plus préoccupants ».

Cependant, elles n’ont été suivies pour aucune de ces deux préconisations.

Concernant la seconde, il n’a ainsi pas été donné suite à la proposition de loi qui prévoyait la délimitation de zones de non-traitement d’au moins 200 mètres des habitations.

L’article 83 de la loi EGAlim, qui sera applicable à compter du 1er janvier 2020, subordonne bien l’usage de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation, à la définition des mesures de protection de leurs habitants, mais elle privilégie une base volontaire et contractuelle (une « charte d’engagements »). Elle n’est donc pas contraignante pour les agriculteurs.

Le préfet peut-il intervenir pour poser des conditions plus strictes que la loi ?

Oui : lorsque les mesures de protection prévues à l’article L.253-7-1 du code rural « ne peuvent pas être mises en place ».

Dans ce cas, le préfet peut notamment imposer le respect d’une distance minimale « tampon », « en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux » - par exemple en 2016 en Gironde, pour les vignobles bordelais.

Cet article reconnaît donc un fort pouvoir d’appréciation aux préfets.

Dans leur rapport de décembre 2017, les institutions scientifiques précitées relevaient ainsi que « d’un arrêté préfectoral à l’autre, les garanties offertes par ces mesures de protection sont disparates », et qu’il « semble qu’une dizaine de départements n’aient pas encore fait l’objet d’arrêtés préfectoraux ».

Qu’en est-il pour la construction d’un nouvel établissement ?

En cas de construction d'un établissement accueillant des personnes vulnérables, le porteur de projet doit prendre en compte la nécessité de mettre en place des mesures de protection physique (article L. 253-7-1 du code rural).

Dans ce cas, l’administration préconise la mise en place de haies « anti-dérive », en bordure des parcelles concernées par la pulvérisation, « sur une zone d’une largeur minimum de 5 mètres ». Les caractéristiques de cette haie doivent être décrites « dans la demande de permis de construire de l’établissement ».

C'est donc au nouvel établissement d'assurer la protection de ses occupants en prévoyant les dispositifs adéquats dès sa construction.

Cependant, il n’est pas acquis que le pétitionnaire pourrait se voir refuser une demande de permis de construire au motif que le projet ne prévoit pas la mise en place de telles mesures de protection : la matière reste en effet essentiellement gouvernée par le principe de l’indépendance des législations.

En vertu de celui-ci, un permis de construire ne peut être refusé qu’en cas de non-respect des règles d’urbanisme, et non en cas de non-respect d’une autre législation (au cas présent, les règles du code rural).

Ce principe ayant toutefois connu un affaiblissement dans la jurisprudence récente, le moyen gagnerait à être soulevé à l’encontre d’un permis de construire qui aurait été délivré en méconnaissance de l’article L. 253-7-1 du code rural.

Pour qu’un collectif de parents d’élèves soit recevable à contester la délivrance d’un tel permis de construire, le dépôt de ses statuts en préfecture doit être intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande de permis.

 

Dans le cas du collège de Parempuyre, et suite à la polémique, le vignoble Clément-Pichon, propriété du groupe Fayat, a annoncé la conversion du vignoble à l’agriculture biologique - preuve que l’action médiatique demeure plus efficace que l’action juridique pour encourager des alternatives à l’utilisation de produits phytosanitaires.