L'OFII vient de publier son rapport annuel pour l'année 2022. Une partie est consacrée à la question des amendes administrativs qu'il prononce en cas de constat de travail illégal (contribution forfaitaire et contribution spéciale).

Synthétiquement et par comparaison avec les années précédentes, les chiffres sont les suivants :

Quels enseignements tirer de ces chiffres ?

  • Le nombre le PV transmis est globalement stable ;
  • Baisse du nombre de PV de la part de la Gendarmerie compensée par une hausse du nombre de PV transmis par la Police ;

Nouveauté cette année, l’OFII nous informe du domaine d’activité des employeurs concernés. Sans surprise on retrouve en tête de liste les domaines de la restauration et du BTP :

  • Le nombre de décisions émises est globalement proportionnel au nombre de PV reçus ; 
  • En ce qui concerne le montant des sanctions, on constate une augmentation sensible ces deux dernières années. Cela s’explique sans doute en partie par le nombre d’infractions relevées par PV qui, lui également, a continuellement augmenté ces dernières années.
  • On constate une nette baisse du nombre de recours (gracieux ou contentieux) contre les décisions notifiées en 2022.
  • On constate par contre une très nette augmentation du nombre d’annulation des décisions au stade contentieux devant les juridictions administratives.

L’OFII l’explique de la façon suivante : « la hausse d’annulation est une conséquence directe du revirement de jurisprudence de la décision du 30 décembre 2021 n° 437653, la décision est applicable à tous les dossiers n’ayant pas donné lieu à une décision définitive. Certains dossiers pourront encore faire l’objet d’une annulation devant les juridictions ». Il est vrai que dans ses conclusions sous cette décision, le Rapporteur public avait indiqué : « cette jurisprudence stricte nous semble, à dire vrai, d’autant moins justifiée que la solution inverse n’induirait – passé le temps d’adaptation – aucune contrainte supplémentaire pour l’administration. En effet, en pratique, il suffirait que celle-ci ajoute à son courrier une mention stéréotypée informant l’intéressé de ce qu’il peut demander la communication des documents ». Cette année 2022 d’augmentation substantielle du taux d’annulation constitue ce « temps d’adaptation ».

  • Pour ce qui est du recouvrement, sans surprise, le taux est plutôt faible. Pour les titres émis en 2019, 4 ans après, seul 67 % du montant total mis à la charge des employeurs a été effectivement recouvré.

Bien évidemment, en avançant dans le temps, ce taux chute dramatiquement. Ainsi, pour les titres émis en 2021, seul 30 % est recouvré :

Ce tableau est à lire en parallèle d’un autre, publié par le Ministre de l’Économie dans une réponse à une question parlementaire (JO Sénat, 28 oct. 2021) :

L’explication, donnée par le Ministre, à un délai aussi long pour arriver à un résultat aussi faible est double :

  • Premièrement : « les contestations administratives ou juridictionnelles engagées contre ces sanctions par les entreprises redevables ont pour effet de suspendre leur recouvrement, conformément à la réglementation en vigueur » ;

En effet, aux termes des dispositions de l’article 112 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : 1° Soit d'une contestation portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ; 2° Soit d'une contestation portant sur la régularité du titre de perception. Les contestations du titre de perception ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance » (confirmé expressément par CAA de Paris, 12 novembre 2020, N° 19PA03745).

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un référé-suspension à l’encontre de la décision de l’OFII ou des titres a toutes les chances du monde d’être rejeté, ainsi que l’a jugé le Tribunal administratif de Mayotte : « Mme B fait valoir que le paiement de la créance qui lui a été réclamé par le titre de perception du 17 novembre 2020 risque de compromettre sa situation financière et n'est en tout état de cause pas justifié, compte tenu de la décision de relaxe dont elle a bénéficié. Toutefois, l'intéressée a, préalablement à la saisine du juge des référés, par la requête susvisée et enregistrée sous le n° 2204920, demandé à ce tribunal l'annulation du titre de perception en litige ainsi que des mesures de recouvrement forcé subséquentes. Dès lors que la contestation du titre devant le juge a, par elle-même, pour effet de suspendre le recouvrement forcé de la créance en application des dispositions précitées du décret du 7 novembre 2012, la condition de l'urgence n'est pas remplie » (TA Mayotte, 12 octobre 2022, n°2204921).

  • Deuxièmement : « le recouvrement effectif de ces sanctions est limité par la situation des entreprises redevables. Les sociétés concernées se trouvent fréquemment en redressement ou liquidation judiciaire et d'une manière générale, un grand nombre de ces débiteurs sont insolvables ».